L’autogestion, un horizon ?

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A Montreuil (93), 170 migrants délogés d’un squat ont fait d’une ancienne serrurerie un lieu de vie très organisé. Aidés par la coopérative Habitats Solidaires, appuyés par un collectif de soutien, ils envisagent avec la municipalité de devenir propriétaires du lieu.

Un mois d’août sur les hauteurs de Montreuil, rue des Papillons. Dans une ancienne serrurerie, quelques hommes se reposent sous des mezzanines, certains étendent le linge dans le jardin, à côté de la salle de sport où d’autres se musclent. Du lieu se dégage une certaine sérénité, nous sommes loin du cliché du foyer-fourmilière. 170 personnes cohabitent pourtant depuis le 15 décembre 2011 dans cette usine désaffectée de 300 m² dont l’office HLM de la Ville de Montreuil est propriétaire.
Des Sorins aux Papillons
Ils sont pour la plupart originaires d’Afrique sub-saharienne, ont entre 18 et 33 ans et se sont rencontrés rue des Sorins, dans un squat du bas-Montreuil. Insalubre, investi par des dealers, le lieu fut vidé pendant l’été 2011 et une partie des habitants campèrent sur la place de la République puis au stade André Blain. Saisi par l’association Droit au logement (Dal) et relayé par les médias, l’évènement avait fait naître un collectif formé des expulsés et soutenu par une quinzaine de Montreuillois : le collectif des Sorins. Deux ans plus tard, certains de ses membres vivent au 41 rue des Papillons. Les conditions de vie y sont rudimentaires, avec l’équivalent de 9m² à deux pour dormir. Mais Ali Doumbia, trésorier du collectif, ne regrette pas pour autant la rue des Sorins : « Le squat c’était l’enfer, il y avait des bagarres dedans comme dehors, chacun avait bricolé son espace personnel en bois. C’est mille fois mieux ici. Nous voulons rester discrets, travailler, respecter les autres, ne pas faire d’argent facile. Et nous n’acceptons aucun nouvel arrivant ».
Cette gestion r i g o u reuse et collégiale a permis aux habitants de gagner la confiance de la mairie, qui leur a construit des mezzanines en bois où sont installés des dizaines de matelas. Aussi, Chloé Rouzerol, encore étudiante en école d’architecture il y a un an, a aménagé un espace sanitaire esthétique et fonctionnel avec les habitants et la coopérative Habitats Solidaires.
Vers la propriété
« Ce lieu prouve qu’on peut faire de l’informel organisé et suffisamment structuré », exprime François Taconnet, directeur d’Habitats Solidaires. Cette coopérative a été approchée par la mairie de Montreuil il y a un an pour aider les habitants à s’installer : « Elle savait qu’on aimait prendre des risques », ajoute M. Taconnet. Au terme de huit mois de débat entre la commune et l’office HLM, une piste est envisagée pour que le lieu devienne la propriété du collectif des Sorins. Habitats Solidaires étant constituée en coopérative, la structure propose à l’office HLM le rachat pour 500 000 euros de ses parts, équivalent de la valeur du lieu. Si le propriétaire devient ainsi officiellement Habitats Solidaires, le groupe des Sorins espère cotiser au fil des ans pour racheter les parts. Les yeux tournés vers cet horizon, les habitants s’organisent pour gérer au mieux ce « foyer » d’un nouveau genre. Beaucoup d’entre eux sont artisans et imaginent structurer des ateliers de couture et de bijouterie ouverts sur le quartier. Des cours d’alphabétisation s’y organisent aussi et chaque vendredi, le salon devient espace culturel lorsque le collectif et des Montreuillois se retrouvent pour festoyer en musique, live ou stéréo.

///Article N° : 12451

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