« Il faut garder espoir »

Entretien d'Olivier Barlet avec Flora Gomes

Liaison Bissau, janvier 2000
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Flora Gomes, où en êtes-vous depuis la guerre civile ?
Je continue ! Je prépare un tournage. Bien sûr, avec la guerre civile de 1998 qui a duré presqu’un an, tout était bloqué ; on vient de faire des élections… on reprend petit à petit. J’espère qu’on va pouvoir reprendre le film le plus vite possible, parce que j’ai plein de choses à faire.
Quel est le sujet du film ?
C’est l’histoire d’une jeune fille à qui on a interdit de chanter, et qui était l’une des responsables de la chorale de la cathédrale. Elle met en scène sa mort, parce que sa mère avait dit :  » si un jour elle chante, elle va mourir « .
Qu’est-ce qui vous pousse à faire un film comme ça aujourd’hui ?
Vous savez que la musique africaine a un succès mondial. Je pense que parler des choses qui bougent en Afrique, la musique comme le football, c’est la seule chose qui parle positivement de l’Afrique. Sinon, il n’y a rien qui bouge. Moi je voudrait qu’on parle de l’ensemble de la musique africaine, diaspora noire comprise.
C’est un scénario que vous aviez prévu avant la guerre civile, et que vous essayez de réaliser après : est-ce que ça modifie les choses ?
Oui et non. J’ai passé toute la guerre ici ; ces dégâts qui m’ont beaucoup marqué, bien sûr. Mais nous sommes dans la nécessité de penser cet immense continent, au sens large.
Est-ce que la situation du pays vous permet de faire du cinéma ?
C’est extrêmement difficile. Le pays est totalement détruit. Ce n’est pas un effet de mot… J’avais donné une interview où je disais que les cadavres marchent dans ce pays qui a fait une guerre qui a duré un an, sans que personne ne sache ce qui se passe au niveau international. La difficulté au niveau du cinéma est terrible. Avec les gens avec qui je travaille, les comédiens, on essaie de parler d’autre chose… Pour la comédie musicale, il faut de la musique, des musiciens, enregistrer, il y beaucoup de travail…Comment tourner dans les pays lusophones, alors que personne ne sait les situer ! Les petits moyens qu’il y avait avec une association de soutien comme Atria en France n’existent plus maintenant… Mais il faut résister. A part la comédie musicale, je garde mon grand projet de tourner la vie d’Amilcar Cabral. Je le porte depuis 27 ans…
C’est important de faire référence à cette période révolutionnaire pour les temps présents ?
Oui. Il faut dire que Cabral était un homme particulier, un homme de culture immense, avec des idées très claires sur l’Afrique. Cela vaut la peine d’en parler ! Cabral était un démocrate avant tout… Ce qui est important c’est la vision qu’il avait de l’homme en Guinée : comment il a rêvé l’homme après l’indépendance.
On m’a dit que votre maison pendant la guerre accueillait plein de gens.
Oui, j’étais parmi les rares à avoir le téléphone : ceux qui cherchaient leurs parents venaient me voir. J’étais très content de pouvoir les aider.
J’ai lu que les archives du pays ont été complètement détruites
Complètement, malheureusement ! Il y avait aussi toutes mes copies de films, trois films complètement détruits, je n’ai plus de copies en 35mm… Et sur Cabral, j’avais rassemblé beaucoup de matériel, 72 cassettes, 8 vidéos, et tout ça est perdu.
Un dernier mot ?
Il faut garder espoir !

///Article N° : 1283

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