Habib Benglia : premier grand acteur noir en France

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Né à Oran de parents caravaniers, Habib Benglia est originaire du Soudan français (actuel Mali) et a vécu toute son enfance à Tombouctou avant de venir en France faire des études qui le conduiront jusqu’au baccalauréat. Il se destinait à devenir ingénieur agronome, mais un soir de 1913, au café Riche, alors qu’il disait son amour du théâtre et s’amusait avec des amis à déclamer des vers, il est remarqué par Régine Flory qui le présente à Cora Lapercie. La même année celle-ci le fait débuter à la Renaissance dans Le Minaret de Jacques Richepin, puis il jouera également dans l’Aphrodite de Pierre Frondaie et L’Homme Riche de Jean-José Frappa et Dupuy-Mazuel. La guerre de 14 se déclare et Benglia rejoint les troupes françaises comme tant d’autres tirailleurs.
Démobilisé peu avant la fin de la guerre, il reprend le théâtre et commence à travailler avec Gémier notamment sur l’Oedipe Roi de Bouhélier. Il participe alors a de nombreuses créations d’avant-garde avec les Pantins et surtout le Théâtre de la Grimace que dirige Fernand Bastide et Les Compagnons de la Chimère, l’équipe de Gaston Baty.
1921 marque vraiment le début de sa carrière de comédien, il joue son premier grand rôle en incarnant avec succès Ciacco dans Le Loup de Gubbio de Boussac de Saint-Marc que Fernand Bastide met en scène avec La Grimace, et l’année suivante il devient le Dieu Kama dans le Coup de bambou. Il est également le chanteur ambulant dans Le Simoun de Lenormand que monte Baty. Ce sera un des plus grands succès des années vingt et jusqu’en 1937, Benglia participera à toutes les reprises.
En 1923, il crée l’événement en étant le premier acteur noir à jouer un premier rôle sur un théâtre national : L’Empereur Jones, que Baty met en scène à l’Odéon.
Parallèlement au théâtre, Benglia donne des récitals de danse à la Baraque de la Chimère, au Théâtre Michel, à la Comédie des Champs-Elysées et mène des revues d’abord à l’Apollo (1921), puis aux Folies-Bergère (1925).
En 1924, il enchaîne plusieurs rôles importants dans des mises en scène de Baty ; il est le maître-coq du Cyclone de Gantillon et le Féticheur d’A l’ombre du mal de Lenormand. Il entre dans la troupe de l’Odéon et joue des rôles modestes, mais habituellement dévolus à des Blancs : le Prince du Maroc dans Le Marchand de Venise, Philostrate dans Le Songe d’une nuit d’été, le Muphti dans Le Bourgeois gentilhomme
Après un long passage par le Music-hall à l’époque où Paris est sous le charme de Joséphine Baker et de la Revue Nègre, il revient en 1927 sur les planches du théâtre pour incarner l’hindou de Maya ; la pièce fait un triomphe et sera reprise de nombreuses fois jusqu’en 1950.
Dans les années trente, Benglia se consacre au cinéma, et tournera d’ailleurs une cinquantaine de films au cours de sa carrière. Il acquiert ainsi une notoriété de plus en plus grandissante et le théâtre de boulevard ne manquera pas de mettre à l’affiche la vedette noire dans des spectacles comme Monsieur Le Grain chez les fous, Le Pompier du Moulin Rouge et surtout L’Attachée d’Yves Mirande au Palais-Royal.
Après la guerre, il crée le rôle du nègre dans La P… respectueuse de Sartre et sera beaucoup sollicité par des activités de doublage pour le cinéma américain. Il prête sa voix à Paul Robeson dans Bozambo.
Benglia a souvent déclaré dans la presse son désir de voir naître en France un théâtre noir qui  » révèle l’évidence de l’Art nègre « . Lui même a écrit des pièces ; l’une d’elles, Un soir à Bamako fut radiodiffusée en 1950.
Il meurt en 1961 après avoir joué dans une centaine de pièces.

///Article N° : 1312

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