Prix Césaire : des collégiens écrivent sur « la peur de l’Autre »

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Le prix Césaire de la langue française 2017 récompense les meilleurs poèmes de collégiens ayant travaillé autour de la thématique « la peur de l’autre ». Initié par l’Association des étudiants africains de la Sorbonne, il est présidé cette année par la dramaturge Gerty Dambury. Afriscope choisit de publier quelques-uns des poèmes lauréats.

« Nous permettons aux professeurs d’aborder une thématique [la négritude]souvent délaissée des programmes alors même que les oeuvres d’auteurs comme Senghor ou Damas appartiennent à la littérature française », nous confi ait, en 2015, la présidente d’alors de l’Association des étudiants africains de la Sorbonne (Adeas), au sujet du Prix Césaire de la langue française. Depuis 2009, il récompense des poèmes écrits par des collégiens, qui les ont travaillés, en classe, et ont été sensibilisés au mouvement littéraire et politique de l’entredeux- guerres qu’est la négritude. Et ce, à travers notamment la figure de Guy Tirolien, qui en fut membre et à qui l’Adeas rend hommage cette année, centenaire de sa naissance. « C’est un poète peu étudié, même chez nous, en Guadeloupe », explique Gerty Dambury, poète, romancière, dramaturge guadeloupéenne et présidente du jury 2017 du Prix Césaire. « Guadeloupéen, il a beaucoup travaillé en Afrique et a été un soutien aux premiers indépendantistes africains. Et ce, même s’il a été administrateur colonial [n.d.l.r. au Cameroun et au Mali]. Cela lui a d’ailleurs valu des ennuis ». Gerty Dambury en a parlé aux
collégiens lors d’une intervention dans les classes, ainsi que de Damas, guyanais, auteur de Black-Label, « un poète nettement moins connu que les éternels Césaire-Senghor ». Elle leur a aussi transmis quelques
conseils pour « arriver à écouter en eux, pour faire le silence, afin  que les choses émergent ». Après « la révolte » en 2015 et le « refuge » en 2016, c’est « la peur de l’autre » qui a suscité la créativité des adolescents des collèges Rosa Luxemburg d’Aubervilliers, Jean-Pierre Timbaud de Bobigny et Lucie Aubrac de Villetaneuse. Pour Gerty Dambury, cette thématique, choisie par l’Adeas, résonne avec « la situation générale qu’il y a en France actuellement sur la question du rapport à l’étranger, de l’acceptation de l’Autre – même si je n’aime pas trop l’expression ‘ l’Autre’, porteuse de trop de sous-entendus ». Accompagnée de plusieurs membres de l’Adeas, l’auteure de La Sérénade à Poinssettia, a lu 49 poèmes pour en choisir fi nalement cinq qui seront récompensés le 10 juin prochain. Et ce, avec une programmation poétique et musicale où interviendront les rappeurs Rocé et JP Manova, le comédien Samuel Légitimus et bien sûr Gerty Dambury. Afriscope vous partage en exclusivité quelques poèmes lauréats.


Pas avoir peur
Je ne peux pas ne pas le juger.
Le juger, me fait le connaître en mon coeur.
Si j’arrête, je suis condamné à être dans une peur immense.
L’immense peur de l’inconnu.
L’inconnu de l’autre, me fait peur.
L’autre ne me fait pas peur mais l’inconnu me fait peur.
Je le juge pour me rassurer, pour qu’il ne me fasse plus peur.
Tant qu’il est un inconnu, il me fait peur.
C’est la peur qui me sépare de lui.
L’autre, l’inconnu, me fait peur en mon coeur.
La peur en mon coeur, fait trembler mon corps.
Mon corps tremble, je ne le contrôle plus.
Donc je n’arrête pas à cause de la peur.
Donc je n’arrête pas, je n’arrête pas de les juger.
Anonyme, collège Rosa Luxembourg

Innocente
Nos regards se sont croisés
Le temps s’est arrêté
Tu ne m’as pas observée mais dévisagée
Je t’ai regardé
Quel était le fond de tes pensées ?
J’étais une ennemie, tu me voyais comme un intrus
Ma couleur dérangerait ?
Moi, pourtant si innocente
Toi, insensible, raciste,
Source d’un malheur
Aujourd’hui mon bonheur
Lydie Pouaty, collège Rosa Luxembourg

Pourquoi ?
Pourquoi quand je te vois, tu me fuis du regard
Je te vois comme mon reflet dans le miroir
Ami, s’il te plait, aide-moi, je t’aiderai
Viens, assieds-toi et écoute mon secret
Peut-être que je viens de là où l’on entend
Les chevaux galoper plus vite que l’éclair
Les fauves rugir plus fort que le tonnerre
Et la grande colère du puissant volcan
Mais comme toi, je vis, je meurs, je ris, je pleure
Enfin voici mon secret : moi aussi j’ai peur
D’être dans la foule, d’être seul, de l’ailleurs
Ne sois pas le mal qui hantera mon coeur
Si tu n’aimes pas ma culture, mon histoire
Et bien je te dirai : tant pis et au revoir.
Lynda Hakkas, collège Jean-Pierre Timbaud

 

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