Négrerrances (1)

De José Pliya

Mise en scène : Ruddy Sylaire
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Balai nègre pour pas de deux
Un banc public, des feuilles mortes, un lampadaire et un curieux pont suspendu de cordes et de chaînes : lieu d’un rendez-vous étrange où cet homme qui erre, tout distingué qu’il est dans son magnifique complet de lin blanc de grande marque (italienne bien sûr !), pourrait bien rencontrer la mort. Mais celui qui vient à sa rencontre ne brandit pas de faucille, c’est un pauvre hère : un pantalon trop court, des baskets éculées, une blouse bleue d’ouvrier et un balai d’éboueur.
La force du travail scénique de Ruddy Sylaire, c’est de ne pas avoir eu peur du mystère au sens religieux du terme. Cette  » Impasse des Illuminations « , comme la définit l’auteur, respire le passage de l’au-delà, la pièce de José Pliya semble d’ailleurs se souvenir des huis-clos et autres tergiversations orphiques, si chères à Sartre ou à Cocteau, où le théâtre joue les antichambres de la mort, tandis que sur le plateau se joue l’ultime procès d’une conscience coupable. Car il est bien là question d’un examen de conscience et ce curieux  » nettoyeur  » qui hante l’impasse le balai au poing, ce sont toutes ces scories qui collent à l’âme comme de la suie qu’il veut apprendre à Nicolas à balayer. La mise en scène ose une allégorie mystique à la façon des moralités du moyen âge, un parti pris esthétique qui dégage le texte des contingences réalistes et décuple sa portée.
Un texte parfois difficile qui s’appuie sur une situation dramatique de base : la rencontre, mais que les deux acteurs ont su transformer en une vraie rencontre artistique en confrontant dans la complémentarité leur physique et leur jeu si différents. Entre ce drôle de génie au balai magique sautillant et moqueur que joue Ruddy Sylaire, dont les apparences de clochard cachent la vraie sagesse, et le dandy raffiné qu’incarne Eric Delor dont l’allure hautaine dissimule une âme grippée dans la crasse des préjugés et des complexes, s’installe un dialogue incongru, parfois cruel et surtout décapant.
Pour que le nègre errant retrouve sa route il doit apprendre à balayer le chemin.

José Pliya, Négrerrances, suivi de Konda le Roquet et de Concours de circonstances, coll. Théâtre des cinq continents, Ed. de L’Harmattan, Paris, 1997Décors et costumes : Bruno Sentier
Lumières : Laurent Laban
avec Ruddy Sylaire et Eric Delor
Coproduction : Cie Pouty Pa Teat, Cie Lian et CMAC / scène nationale (La Martinique)///Article N° : 1492

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