Fest’Africa : notre dernière utopie

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Nous n’avons jamais caché notre sympathie pour le festival Fest’Africa. Nous avions même écrit qu’il était l’un des derniers espaces où l’on parle encore avec autorité de la littérature africaine. La dernière édition de Fest’Africa n’a pas atténué notre enthousiasme.

Bien au contraire : au regard de son bilan, Fest’Africa reste à l’heure actuelle la seule rencontre culturelle qui permet de croire encore aux vertus du panafricanisme et aux pouvoirs de la littérature. C’est avec cet engagement que Fest’Africa a initié le projet « Rwanda 1994, écrire par devoir de mémoire » dont les livres font maintenant l’objet de débats et colloques en Afrique, en France et en Amérique du Nord. Mais l’originalité de l’édition 2000 a résidé dans deux innovations majeures. La première fut la tenue d’une édition spéciale en Afrique, à Kigali et Butare, pour la présentation des livres écrits dans le cadre du projet cité. La deuxième a été un Salon du livre africain s’intégrant dans l’opération Afrique en créations.
Réunissant une cinquantaine d’écrivains anglophones, francophones et lusophones, Fest’Africa 2000 a fait l’objet de débats riches et nourris notamment sur la littérature de jeunesse, le statut de la lecture en Afrique et les tendances et passerelles entre les Afriques francophone, lusophone et anglophone. A noter un hommage émouvant rendu à Ken Saro-Wiwa, écrivain nigérian pendu par le pouvoir de Seni Abacha pour avoir exigé une redistribution démocratique des recettes du pétrole. Mais le point d’orgue de la rencontre a été sans doute l’hommage rendu à Ahmadou Kourouma, récipiendaire du Prix Renaudot et du Goncourt des Lycéens pour son roman Allah n’est pas obligé (Seuil, 2000). On n’oubliera pas non plus la présence flamboyante du dramaturge nigérian Femi Osofian, qui a fait une entrée très remarquée en jouant tantôt le bouffon (au sens philosophique du terme), tantôt le rôle de l’écrivain engagé, sensible aux dures conditions de production culturelle en Afrique. Enfin on retiendra la place particulière accordée au génocide rwandais et à son traitement dans la littérature. Sur un total de plus d’une dizaine de tables rondes, trois ont lui ont été consacrées. Un génocide qui par ailleurs a fait l’objet de deux journées de débats au Parc de la Villette à Paris, organisées par Fest’Africa, en partenariat avec la Villette et l’Aircrige (Association internationale de recherche sur les génocides et les crimes contre l’humanité) animée par Catherine Coquio (cf notre dossier Rwanda 2000 : mémoires d’avenir, Africultures 30).
Au bilan, on aura assisté cette année à un Fest’Africa de haute qualité et d’une grande portée culturelle, faisant irrésistiblement penser aux mémorables congrès de Présence Africaine (1956, 1959). Car, en éditant des textes, en produisant des films (François Woukoache et Samba Félix Ndiaye), en faisant dialoguer les Afriques sans tomber dans l’afro-centrisme, Nocky Djedanoum et Maïmouna Coulibaly poursuivent humblement le travail initié par Alioune Diop. C’est en cela que Fest’Africa reste en ces temps de douleurs un lieu de rêve utile qui nous invite à pleurer/rire sur nos monnés, sur nos outrages et sur nos défis.

///Article N° : 1831

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