Fela « Why Blackman carry shit »

De Mabinuori Kayode Idowu

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Fela Anikulapo-Kuti, qui a disparu au début de l’été dernier à la suite d’une longue maladie, avait de qui tenir. En effet, son père était un enseignant pour qui l’éducation était une mission, sa mère était très engagée politiquement et ses deux frères ne l’étaient pas moins. L’un d’entre eux fut même ministre de la Santé en 1985 dans l’équipe du général Babangida. Marié très jeune (22 ans), avant de finir par se constituer un véritable harem, Fela fit une rencontre déterminante avec Sandra Smith lors d’un séjour aux USA en 1969 mais aussi avec la dure réalité de la société américaine. Partis avec l’espoir de conquérir tout un pays, Fela et ses amis se retrouvèrent constamment dans une situation d’humiliation et de détresse. Pendant un an le musicien nigerian va en baver avant de retrouver son Nigeria natal avec un esprit transformé et une conscience encore plus grande de son africanité sur le plan humain et musical :  » Sans cette expérience, je jouerais toujours de la musique anglaise classique comme ceux de mes camarades de l’école de musique qui ne peuvent toujours pas s’identifier à leur peuple d’origine…  » Fela va passer encore quelque temps à se chercher, à poser le socle de son combat. Il changea à deux ou trois reprises le style de musique et le nom de son lieu de production. Du Surulere Night Club, il passe à l’Afro Spot puis à l’Africa Shirine et, au niveau musical, il comprend que pour lui, il ne s’agit plus de divertir  » mais de répandre un message de libération « . Ce choix lui attire une grande sympathie du public mais attise aussi la haine et la colère de tous ceux qui au Nigeria avaient intérêt à ne pas réveiller le peuple qui dort. En 1974, Fela goûte pour la première fois à la prison pour détention de cannabis et détournement de mineures (en fait il s’agissait des jeunes danseuses de son orchestre). Marqué, mais nullement abattu, il décide à sa sortie de créer la république de Kalakuta (le nom de sa cellule) en entourant sa maison d’un rideau de fil barbelé de quatre mètres de hauteur et s’engage dans une musique de combat :  » C’est la musique des damnés de la terre, affirme l’auteur de la biographie, la musique de ceux qui ont passé leur enfance sous l’oppression, le fascisme, les régimes néocoloniaux (militaires ou civils)… La musique de Fela est celle… de ces millions de gens qui refusent de mourir en silence…  » L’épreuve de force avec les pouvoirs successifs au Nigeria va durer jusqu’à la mort de l’artiste en juin 1997, c’est-à-dire juste après la parution en France de cet ouvrage sur sa vie. Le livre de Mabinuori, édité une première fois en 1986, n’a hélas pas été vraiment réactualisé et l’on n’apprend pas grand chose sur les dix dernières années de la vie de Fela. Néanmoins, le document vaut largement le détour.

Fela « Why Blackman carry shit », de Mabinuori Kayode Idowu, Ed. Florent-Massot, 155 p, 119 F.///Article N° : 199

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