sur Je plaide coupable

Entretien d'Olivier Barlet avec Astrid Mamina

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Badimungu est un journaliste révolté : il a le culot de décrire et dénoncer les injustices quotidiennes. Car rien ne va dans ce  » pays de confusion  » et c’est par le rire que chacun peut en prendre distance et désirer le changement. Aux scènes didactiques et dénonciatrices du tribunal qui l’accuse et de l’asile où on l’enferme, succèdent, heureusement dominantes, de truculentes chroniques des corruptions quotidiennes où la salle se tord de rire : un policier extorque l’argent des automobilistes en inventant de fausses infractions, un procureur acheté donne raison à une femme volage au détriment de son bègue et handicapé de mari, un ambassadeur fait des cadeaux exorbitants à sa secrétaire sur les biens publics etc. Le rire est gros, parfois gras, toujours efficace. Les acteurs sont habillés d’un jean bleu et d’un t-shirt blanc, ce qui confère à la multiplicité de personnages qu’ils incarnent une dimension mime : ce n’est pas la représentation directe qui est recherchée mais le théâtre de la vie, pour ouvrir à la réflexion. Leur entrain et la vigueur de la mise en scène donnent des scènes au rythme endiablé. Au finish, un spectacle qui détend bien et donne à tous le goût de revenir au théâtre. OB

As-tu eu du mal à gérer dans la mise en scène l’opposition entre scènes didactiques et scènes de la vie quotidienne ?
Le texte a connu un travail de réécriture : dans sa première version, ce n’était qu’un drame ! Nono Bakwa a réactualisé le texte tout en conservant son essence originelle. Le public kinois s’y retrouve et réagit. Les scènes de la vie quotidienne décrivent des injustices qui sont clairement dénoncées : il n’y a pas d’opposition flagrante entre les deux approches.
On retrouve effectivement dans la pièce un théâtre qui s’est voulu pendant longtemps dénonciateur et d’autre part une ouverture au divertissement engagé.
J’ai voulu ce mélange pour faire passer le message. La première version du texte n’était que dénonciatrice : j’ai voulu atténuer cet aspect. La dénonciation est d’actualité en Afrique centrale mais il faut que chacun s’y retrouve pour que ce soit fort. Il fallait rapprocher le monde de la réalité et le message que nous voulons transmettre.
Le travail avec les acteurs semble avoir beaucoup porté sur les attitudes corporelles.
Ils sont en jean et t-shirt pour être proches du quotidien des gens. Il fallait éviter les changements de costumes pour conserver la continuité et le rythme : les témoignages n’en sont que plus fort. De même, ils sont tous pieds nus pour éviter les problèmes de correspondances de chaussures.
Tu utilises le burlesque et force les traits. Est-ce la volonté de faire réagir le public ?
C’est forcé dans la mise en scène, ce n’était pas dans le texte. Il s’agissait de ramener les gens à leur conscience. L’infirmité physique évoque aussi l’infirmité mentale de tant de gens. Le pouvoir des plus forts les démunit tous et chaque spectateur s’y retrouve.
On a l’impression que ta mise en scène voulait rendre compte de la confusion du pays tout en restaurant un ordre sur scène.
Nous avons beaucoup travaillé le texte avec Nono Bakwa qui est mon formateur. Il fallait ancrer cette confusion dénoncée dans la réalité. Ce fut beaucoup de travail.
La fin est tragique : est-ce le destin des journalistes en RDC aujourd’hui ?
La liberté d’expression revient mais n’est pas encore totale. On ne retrouve pas encore ce qu’on vit dans les journaux. Est-ce une question d’impuissance ou de peur ?

Auteur : Mutombo Buitshi
Compagnie de l’Ecurie Maloba
Mise en scène Astrid Mamina///Article N° : 2600

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