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De Balufu Bakupa-Kanyinda

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Fort du succès du Damier et de quelques autres courts métrages, Balufu Bakupa-Kanyinda est un des cinéastes africains à avoir la voix la plus forte, dans tous les sens du terme. Vivant dans la chair la difficulté des cinémas d’Afrique à trouver le financement de projets ambitieux de cinéma, il est de ceux qui très tôt se sont intéressés aux techniques numériques comme une possible alternative pour la production d’images.
Il prend ainsi sa caméra numérique sous le bras et parcourt l’Afrique à la rencontre de pratiques déjà existantes d’adaptation de l’outil numérique (de l’internet à la vidéoconférence internationale en passant par la formation à distance). Il ressort de son voyage que contrairement aux idées préconçues, des gens l’utilisent déjà un peu partout avec compétence et pertinence. Plus encore, il montre que la pratique numérique en elle-même est si peu étrangère aux cultures africaines qu’elle en est issue : le plus ancien témoignage de mathématiques a été trouvé en Afrique sous la forme de l’os d’Ishango, une calculette vieille de 20 000 ans. Aujourd’hui encore, des matières premières essentielles pour les nouvelles technologies se trouvent en Afrique, comme le coltan au Congo.
C’est ainsi que non seulement le numérique est une chance pour l’Afrique si l’on veut bien, comme l’indique Ray Lema, cesser de se considérer comme pauvre, mais que ces technologies peuvent devenir une force si on leur donne un sens. Le réalisateur John Akomfrah cite ainsi le mot grec inteleki qui signifie « insuffler de la vie à une matière inanimée » pour montrer qu’un os sans vie bien utilisé peut devenir une arme.
Le propos de Balufu n’est pas l’ambiguïté de la globalisation ni la potentielle aliénation culturelle que cache le développement de l’internet : il est d’emblée basé sur la capacité de l’Afrique à dominer l’outil. En somme, de mettre de côté la crainte d’y perdre son âme pour aller de l’avant dans le sens d’une appropriation et d’une adaptation à ses besoins et à son comportement. D’où la grande positivité qui se dégage du film.
Comme il l’avait fait de la façon la plus évidente dans Dix mille ans de cinéma, il adapte au langage documentaire la structure tressée du récit des kasalas congolais, ces griots d’Afrique centrale qui comme leurs confrères d’Afrique de l’ouest, adoptent un langage en boucles pour mieux cerner les différentes facettes de leur propos et faciliter les digressions qui l’enrichissent. Ajoutant à ce type de montage une caméra mouvante, le film y gagne un rythme qui ne démord pas durant ses 52 minutes et trouve ainsi une belle force de conviction.

France, 2002, documentaire, 52 minutes, Akangbé Productions et les films Dipanda Yo, avec le soutien de l’UNESCO, du CNC et de l’AIF.
///Article N° : 3345

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