A l’heure où les tirailleurs ont enfin obtenu un dégel partiel de leur pension d’ancien combattant après 45 ans de cristallisation et que de nombreux documents audiovisuels témoignent de leur importance dans les combats de libération de la France, Euzhan Palcy nous fait découvrir d’autres combattants noirs oubliés, issus des Antilles françaises. Le contexte est fort différent : avec l’appui des grands propriétaires créoles, le régime de Vichy avait installé une autorité violente en Martinique et en Guadeloupe sous la férule de l’Amiral Robert. Des milliers d’hommes et femmes (entre 2500 et 5000 selon les sources) vont se rendre clandestinement en France pour répondre à l’appel du 18 juin du « Général Micro ». Animés par un élan à la fois antifasciste, patriote et républicain, ils vont risquer leur vie pour rejoindre les îles anglophones de Dominique ou Ste Lucie dans de frêles embarcations. On les a appelés les « dissidents ». Ils devaient payer des passeurs, étaient à la merci des mouchards, faisaient parfois naufrage. Ils transitaient par un camp d’entraînement militaire établi aux Etats-Unis dans le New Jersey.
Aucune plaque commémorative, aucune mention dans les livres d’Histoire ou dans les musées : Euzhan Palcy fait véritablement uvre de mémoire. Et elle le fait bien : son attention particulière aux devenirs féminins, son grand respect des personnes appelées à témoigner à qui elle préserve aussi bien le temps de la parole que la beauté de l’environnement lors des rencontres, l’émotion émanant des souvenirs de guerre et la saveur des récits, le rappel des préjugés racistes, etc. Si bien que lorsque les images finales regroupent à chaque fois un vieux combattant racontant à un enfant ce qu’on devine bien être la teneur de ce film, une émotion simple se dégage de ce qui pourrait paraître fleur bleue dans d’autres contextes. Ces vieillards bourrés de souvenirs sont des bibliothèques qui vont brûler : ce film lutte de belle façon contre l’oubli.
http://parcoursdedissidents.rfo.fr////Article N° : 4266
