La Visite de la fanfare

D'Eran Kolirin

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Une fanfare militaire égyptienne débarque en uniforme bleu immaculé à l’aéroport de Tel-Aviv. Elle est invitée pour l’inauguration d’un centre culturel arabe mais personne n’est venu les chercher. Dans un anglais approximatif, le groupe essaye de trouver son chemin vers la petit ville qui doit les accueillir. Mais une méprise sur le nom les conduit à une autre ville, perdue, oubliée du monde, sans hôtel. Ils y passeront la nuit, logés par les habitants. D’une belle finesse, ouvertement politique sans jamais prononcer un mot sur le conflit israélo-arabe, La Visite de la fanfare est fait de ces rencontres fortuites entre deux mondes voisins, mais aussi des paradoxes, impossibilités et maladresses d’une situation dérisoire. Il surfe sur la crête entre un gentil désir de tolérance propre à combler un spectateur éperdu de paix et l’illusoire rapprochement de cultures séparées. Sa réussite tient dans son regard distancié à la Tati, et qui ouvre à un propos plus large que le simple rapprochement de cultures imbriquées. En étant tout simplement des hommes et des femmes qui partagent l’amère réduction que l’Histoire leur impose, non seulement par la géopolitique mais aussi par la marchandisation du monde, les acteurs de La Visite de la fanfare nous sont plus proches que nous ne l’imaginons.
Eran Kolirin est né en 1973. Lorsqu’il était gamin, raconte-t-il, la télévision israélienne passait des mélos égyptiens suivis d’un concert de l’orchestre de l’Israel Broadcasting Authority, constitué surtout d’Arabes juifs originaires d’Irak et d’Egypte. Aujourd’hui, la chaîne a été privatisée et noyée au milieu des autres, les films arabes ont disparu des écrans israéliens et l’orchestre a été dissous. Israël a construit un nouvel aéroport en oubliant de traduire les noms des routes en arabe, la langue maternelle de la moitié de sa population. « Avec le temps, nous nous sommes oubliés nous-mêmes », ajoute Kolirin.
Sélectionné au festival de Cannes à « Un certain regard » où il a eu le prix coup de cœur du jury ainsi que celui de la critique, le film y a fait un tabac. Alors que le festival international de cinéma du Caire n’en a pas voulu, il continue de remporter des prix dans les festivals internationaux, comme celui du meilleur long métrage au Festival du nouveau cinéma de Montréal. Rien d’étonnant : il réussit avec brio la gageure rare d’être à la fois grave et parfaitement hilarant.

///Article N° : 7058

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Ronit Elkabetz (Dina) et Sasson Gabai (Tewfiq)
Sasson Gabai (Tewfiq), Ronit Elkabetz (Dina) et Saleh Bakri (Haled)





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