Mâ Ravan’ à la Chapelle du Verbe Incarné

Écriture et mise en scène : Philippe Pelen-Baldini

Théâtre Taliipot
Print Friendly, PDF & Email

Peau de lune et face solaire

Après Les porteurs d’eau au Big-Bang et l’extraordinaire succès de Kalla, le feu au Théâtre des Halles, le théâtre Taliipot n’avait pas refait escale à la cité des papes. Aussi la dernière création de ce Théâtre du voyage et de la transmission, ambassadeur de l’Océan indien était-elle très attendue. Cette fois le Théâtre Taliipot n’a pas manqué le rendez-vous de l’édition 2008 du festival d’Avignon et a retrouvé avec bonheur son public à la Chapelle du Verbe Incarné. Un spectacle épure, où l’on retrouve la quintessence de ce qui fait l’esthétique et l’esprit scénique de Taliipot. Des images d’une grande beauté, une rythmique et une ambiance sonore incantatoire, une gestuelle ritualisée, un espace tellurique, des formes et des matières symboliques… ingrédients d’une construction plastique et chorégraphique qui transporte les adeptes.
Cette dernière création continue de tisser des liens avec les précédentes, Kalla est toujours en filigrane avec l’épouvantable bouquet de mains coupées emblème des sévices esclavagistes, Les Porteurs d’eau hantent le plateau dans la présence plastique des corps des danseurs, Passage fait aussi réminiscence tandis que la ravanne, ce tambour rond commun à toutes les îles de l’Océan retentit de toute sa puissance comme pour ouvrir une fissure entre deux mondes et convoquer les mânes des ancêtres.
Mais c’est une nouvelle histoire que raconte Mâ ravan. Celle des héros du marronnage, la mémoire des résistants à l’esclavage, ceux qui ont tourné le dos à la servitude au lieu de le courber, ceux qui en sont morts, mais représentent aujourd’hui des esprits de transcendance et de dépassement pour apprendre à sortir des carcans de l’existence et s’arracher aux masques qui étouffent pour se laisser à nouveau traverser par la force organique de renouveau et de changement. Les danseurs se font corps traversés par les esprits que ces résistants dont on entend les noms psalmodiés tout au long du spectacle. Selon une pratique résolument syncrétiste, Philippe Pelen coud ensemble des esthétiques chorégraphiques qui coexistent dans l’Océan indien pour construire une cosmogonie nouvelle, métissée, celle héritée de l’esclavage, histoire violente qui a ensemencé l’île de la Réunion, une fertilisation de sang, dont l’homme doit se relever la tête haute dans la réconciliation du vivre ensemble et du frottement salvateur. Alors le théâtre Hira-Gasy et le Kabary de Madagascar se mêlent aux danses traditionnelles d’Afrique et de l’Inde pour trouver une syntaxe artistique créolisée qui construise du mythe pour aider les hommes d’aujourd’hui à vivre en s’enracinant dans un passé fondateur.
Les danseurs endossent la peau de lune des tambours et se métamorphosent en divinités à face solaire, la force des entrailles de la terre s’élève au ciel, traversant les corps. Parabole tellurique des temps anciens, la ravanne capte les énergies de la terre et les concentre au cœur de l’espace scénique.

La Chapelle du Verbe incarné
Mâ Ravan’
Écriture, mise en scène et Chorégraphie : Philippe Pelen Baldini
Assistant à la dramaturgie : Thierry Moucazambo
Assistant à la chorégraphie : Préma Santhanagopal
Création lumière : Nicole Léonforte
Création musicale collective
Avec Thierry Moucazambo, José Njiva Andrianantenaina, Michaël Marmitte, Pascal Marie.///Article N° : 8003

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Les images de l'article
© Valérie Kock
© Valérie Kock
© Valérie Kock





Laisser un commentaire