Eric Condominas, jeune photographe français, a parcouru le Mali 15 mois durant, au cours desquels il a tiré plus de 500 portraits noir et blanc. Ces photos ont été présentées en novembre dernier à la Galerie Ars Longa à Paris et seront prochainement exposées à la bibliothèque de Stains. On en retrouve certaines sur le site Internet de Globalgallery.
Son premier contact avec l’Afrique, il le doit à son service civil qu’il a effectué au Mali au centre culturel français de Bamako en 91. Séduit par l’attrait particulier du peuple malien, il dit n’avoir jamais rencontré peuple aussi ouvert, généreux et volontaire au cours des nombreux voyages qu’il a effectués jusque là en Europe et dans le monde arabe.
Trois ans après son premier séjour, Eric Condominas retourne au Mali avec le désir, cette fois, de découvrir l’intérieur du pays, qu’il parcourt en moto pendant 6 semaines. C’est là que naît son projet photographique sur le pays.
Il lui faut un an pour le monter, et c’est à la fin de l’année 1995 qu’il débarque à Bamako chargé de 150 kilos de matériel et équipé d’un appareil photo à soufflet, muni d’une chambre grand format. Cet appareil lui permettra de prendre des photos polaroïd qu’il pourra aussitôt donner à la personne photographiée tandis que lui gardera le négatif.
Son objectif est de photographier ceux qui voudront bien poser pour lui, là où le mèneront ses rencontres, sa boussole et sa carte géographique. Désirant représenter les 15 ethnies du pays, il parcourra 13 000 km et s’arrêtera dans une cinquantaine de villages.
C’est ainsi qu’il ira à la rencontre des Bambara, Dogon, Touareg, Béla, Minianka, Peul, Sarakolé, Songhaï, Bozo, Kassonké, Malinké, Bobo, Sénoufo et Maure. Selon les ethnies, il découvrira les différences culturelles et religieuses qui impliquent des variations dans la vie quotidienne auxquelles il s’adaptera tant bien que mal.
Partout où il passera, le photographe-voyageur sera généralement bien accueilli. Seuls les Dogons un peu lassés du passage des touristes et les Sarakolés de la région de Kayes se montreront réticents aux photos.
L’approche d’un village est un peu la même partout. Une vieille guimbarde surchargée conduite par un » toubab » ne passe pas inaperçue et les villageois l’attendent déjà lorsqu’il arrive. Le premier à l’aborder est généralement l’instituteur du village car c’est celui qui parle le mieux le français. Il deviendra son » tuteur « , celui qui l’introduira auprès du chef du village incontournable quand on veut y passer une nuit et qui, bien souvent, lui libérera une case pour dormir. Son séjour dure en moyenne trois ou quatre jours.
Le plus souvent, l’idée de la photo vient des villageois eux-mêmes. Lui n’en parle pratiquement jamais, préférant que le désir de se faire photographier soit spontané. C’est seulement après que l’idée a été lancée qu’il propose de faire des photos posées, imposant une seule prise et une seule personne par photo. Parfois il est obligé de céder à la demande pressante d’une mère qui veut poser avec son dernier-né et qui ne comprend pas son refus. Certains vont se changer pour revêtir leurs plus beaux atours. » Je n’avais pas à leur imposer leur tenue même si je préférais les prendre tels qu’ils étaient lorsqu’ils arrivaient. Dans la mesure où je proposais de leur donner l’image, elle était aussi faite pour eux. Les gens se montrent comme ils veulent. Je leur demandais juste de regarder l’objectif sans bouger « .
Ce souci de faire aussi la photo » pour eux » donne aux portraits d’Eric Condominas un rayonnement particulier qui réside dans l’échange, voir parfois la connivence qu’il y a eu entre le photographe et le sujet. Il en ressort le profond respect du voyageur à l’égard de ceux qu’il rencontre et dont il reconnaît volontiers avoir beaucoup appris.
Certains lui ont reproché le style colonial de ses photos qui peuvent rappeler celles prises par les pseudos photographes ethnologues du début du siècle dernier. S’il accepte volontiers la comparaison au niveau technique de par le type d’appareil photo qu’il a utilisé, celle-ci s’arrête là. » C’était quand même des colons qui cherchaient à montrer le bon ou le mauvais sauvage, mais le sauvage quand même ! « . A l’opposé de ses » ancêtres photographes « , Eric Condominas avait pour principale préoccupation l’établissement d’un contact privilégié avec ceux qu’il photographiait. Pour ce faire, il a appris quelques rudiments de bambara – la langue la plus parlée au Mali -, partagé le quotidien des gens, allant jusqu’à rester un mois chez une famille touareg, et appris, sur le tas, les us et coutumes des différentes ethnies.
D’autres ont critiqué le côté systématique de son travail, lui reprochant d’avoir photographié les gens de la même manière alors qu’il voulait mettre en évidence leur diversité. Il est vrai que le cadrage est souvent répétitif, et que ses photos sont systématiquement épurées, mais c’est aussi cela qui donne à l’ensemble sa cohérence. De plus, la recherche d’épuration concentre le regard sur le visage et l’expression de celui qui pose, lui donnant une présence d’une grande intensité.
Chaque photo est accompagnée de quelques notes qui sortent le personnage de son anonymat, le rapprochant ainsi du spectateur. En même temps, il garde une part de mystère qui, tout en préservant son individualité lui confère une dimension universelle.
Site Internet : http://www.globalgallery.org/independant/condominas99/index.htm///Article N° : 1304