Scolariser toutes les filles : une stratégie payante

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Un des engagements pris au Forum mondial sur l’éducation (Dakar, Sénégal, 2000) était l’élimination des disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire, d’ici à 2005. Deux ans avant l’expiration de ce délai, six chefs d’agences du système des Nations Unies (BIT, PNUD, UNESCO, FNUAP, UNICEF et la Banque mondiale) lancent un appel aux gouvernements leur demandant de mettre tout en oeuvre pour respecter cet engagement.
Africultures publie leur déclaration.

Dans des hameaux africains isolés, des jeunes filles de 12 ans sont en train de convaincre leurs parents de retarder leur mariage jusqu’à ce qu’elles obtiennent leur diplôme scolaire – elles seront ainsi la première génération de filles éduquées de leurs communautés. Dans des régions rurales du Bangladesh, la scolarisation des filles dans le secondaire a doublé en moins d’une décennie. Au Mali, grâce au programme scolaire communautaire, la moitié des élèves sont des filles ; localement, des femmes sont formées à l’enseignement et les horaires de classe respectent le rythme saisonnier de l’agriculture.
Dans certaines des zones les plus reculées du monde, des filles exercent leur droit à l’éducation et contribuent à la réalisation de l’objectif fixé pour 2005 : l’égalité des sexes en matière d’accès à l’éducation primaire et secondaire. Il y a trois ans, au Forum mondial sur l’éducation à Dakar (Sénégal), quelque 160 pays se sont engagés à atteindre cet objectif, ainsi qu’à assurer une scolarité primaire complète et de qualité à tous les enfants en 2015. Reconnaissant le rôle clé de l’éducation dans l’élimination de la pauvreté, ces objectifs ont été inclus dans les objectifs de développement de l’ONU pour le millénaire, repris à leur compte par 189 pays.
Cette semaine, des agences des Nations Unies, avec des syndicats d’enseignants, des ONG et des groupes de citoyens du monde entier, lancent une opération de grande ampleur en faveur d’une accélération du développement de l’éducation des filles. Car beaucoup reste à faire. Près de 60 % des enfants non scolarisés que compte le monde sont des filles. Dans certains pays d’Afrique subsaharienne, l’écart entre les sexes s’est même amplifié ces dernières années. Pour plus de 50 pays, l’objectif d’égalité des sexes en 2005 dans l’enseignement primaire et secondaire constitue un défi de taille.
De nombreuses – et incontestables – raisons plaident en faveur de l’éducation des filles : moins de mortalité infantile et maternelle, des familles moins nombreuses et en meilleure santé, une productivité agricole accrue et des revenus par tête plus élevés. L’éducation est également la meilleure arme de prévention contre le sida. Sur le terrain des principes, l’éducation est un droit humain fondamental, tant pour les filles que pour les garçons. C’est grâce à l’éducation que grandit la capacité de s’interroger, de faire des choix et d’acquérir les outils nécessaires pour avoir une existence meilleure.
Scolariser les filles veut dire agir d’abord sur ce qui les maintenait jusque-là hors de l’école. Souvent caché, le travail des filles en dehors du foyer familial est un obstacle majeur. Et, même si les filles ne travaillent pas à l’extérieur du foyer familial, de nombreux parents leur demandent d’aller chercher l’eau, d’aider aux champs et de s’occuper de leurs jeunes frères et sœurs. Même quand les frais scolaires sont supprimés, le coût des vêtements, des chaussures et des livres scolaires restent au dessus des moyens des familles pauvres. Il y a aussi la peur souvent justifiée d’actes de harcèlement sexuel pendant les longues marches jusqu’à l’école ou même à l’école, actes commis par des enseignants ou des élèves plus âgés. Enfin, il y a le sentiment que l’éducation n’apporte pas grand chose dans des sociétés où les filles sont supposées se marier jeunes et se cantonner à l’étroit cercle familial. Pourtant, la plupart des familles envoient leurs filles à l’école quand les coûts baissent et la qualité s’améliore.
On constate des progrès quand certaines mesures sont prises : embaucher des enseignantes là où elles sont encore minoritaires ; former tous les enseignants de façon à avoir des attitudes positives envers les filles. Au Bangladesh, le gouvernement réserve aux femmes 60 % des postes d’enseignant dans les écoles primaires. Dans de nombreuses régions très pauvres d’Asie et d’Afrique, d’autres éléments – w-c séparés, eau potable, repas gratuits et écoles de petite taille proches du domicile – ont un impact direct sur la progression de la fréquentation et de l’apprentissage des filles. Tout aussi importants sont les cours qui remettent en cause les stéréotypes concernant la vie et le rôle des jeunes filles et qui leur transmettent des connaissances en matière de santé, de nutrition, d’hygiène, et sur leur propre environnement.
Le message est clair : l’éducation est synonyme de plus d’autonomie. Les femmes – qui représentent les deux tiers des 860 millions d’adultes analphabètes de la planète – apprennent à lire et à écrire avec des programmes qui les forment à gérer un crédit, à entretenir des pompes à eau et à intervenir sur des problèmes – touchant par exemple à la santé ou à la violence – ayant un écho direct dans leurs vies. Leur nouvelle confiance en elles en fera les meilleures avocates du droit de leurs filles à l’éducation.
Aussi, investir dans l’éducation des femmes est une stratégie payante. Nous devons agir sur deux fronts à la fois : faire gagner de l’autonomie aux femmes et explorer toutes les voies qui ouvrent les portes de l’éducation aux filles. Accélérer les progrès demandera de la créativité et un engagement soutenu des gouvernements et de la communauté internationale en faveur des filles. Prenant le contre-pied d’une décennie de baisse de l’aide au développement, les pays industrialisés ont promis d’augmenter l’aide à certains des pays les plus pauvres de la Terre quand des réformes ambitieuses concernant l’éducation y sont en cours. Dans une initiative de grande portée, 13 agences des Nations Unies ont uni leurs efforts pour aider les gouvernements à étendre rapidement une éducation de qualité pour les filles dans les pays qui en ont le plus besoin.
Les estimations concernant le montant d’aide extérieure nécessaire pour parvenir à l’éducation primaire pour tous en 2015 varient de 2,5 à 5,6 milliards de dollars par an. Mais il ne faut pas se leurrer : de très substantielles augmentations des dépenses intérieures seront également nécessaires. Ce problème est un problème de sécurité humaine, dans un monde qui dépense annuellement 800 milliards de dollars pour la défense.
Les objectifs de développement de l’ONU pour le millénaire ne seront pas atteints sans éduquer les filles. Refuser aux filles le droit d’apprendre revient tout simplement à priver les générations futures d’un avenir meilleur. Au XXIe siècle, c’est tout simplement inacceptable.

///Article N° : 2837

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