Tënk fête ses cinq ans

Print Friendly, PDF & Email

Lors d’une conférence de presse durant les Etats généraux du film documentaire (EGD) de Lussas (Ardèche, août 2021), l’équipe de la plateforme de cinéma documentaire en ligne a fait le point sur son développement et sa pérennité tout en lançant la nouvelle formule de son site internet.

Le Fils de l’épicière, le maire, le village et le monde

Claire Simon a tourné à de multiples reprises durant quatre ans dans le village de Lussas pour suivre le projet Tënk autant que celui de l’Imaginaïre, bâtiment consacré au cinéma documentaire. Cela avait donné une remarquable série en 20 épisodes, Le Village (2019). Pour le grand écran, elle l’a réduite en un long métrage, Le Fils de l’épicière, le maire, le village et le monde, qui fût projeté en avant-première (le film est en salles en France depuis le 1er septembre) et en inauguration des EGD 2021.

Audrey Azoulay pose la première pierre de l’Imaginaïre en août 2016 – photo Olivier Barlet

Claire Simon est une familière du festival et fait de surcroît partie de l’équipe de programmation de la plateforme Tënk. Elle a posé un micro HF à Jean-Marie Barbe, fondateur des EGD et d’Africadoc, et l’a suivi dans les démarches de son équipe pour trouver les financements et convaincre de l’importance d’une plateforme consacrée au documentaire et d’un village documentaire, structure à étages de 1500 m2 dont Audrey Azoulay, l’actuelle directrice de l’Unesco qui était alors ministre de la Culture, posa la première pierre en 2016.

Le défi était énorme : faire d’un village de 1100 habitants le centre français du documentaire ! L’originalité du film est d’opérer le lien avec le maire agriculteur de Lussas qui a partagé les bancs d’école avec le fils de l’épicière, Jean-Marie Barbe, et l’a toujours suivi dans ses projets fous. Mais aussi avec un autre agriculteur, ingénieur reconverti en revenant vivre au village, et sa famille. Cette inscription dans la ruralité, ce va-et-vient entre passionnés (de cinéma ou d’agriculture) marque autant le film que les projets qu’il décrit, imprimant un autre rythme et un ancrage tout sauf parisien, alors même que c’est le monde qu’ils convoquent par le cinéma.

Claire Simon en tournage, août 2016 – photo O.B.

Car Tënk n’est pas seulement une plateforme SVOD et VOD mais aussi une structure de soutien à la création documentaire. Il fallait pour cela dépasser un seuil d’abonnés permettant d’apporter des financements de préachat en numéraire ou industrie (montage, étalonnage, mixage et montage son – donc toute la chaîne de la postproduction : il y a tout ça en mutualisation à l’Imaginaire). Si bien que le film de Claire Simon profite du suspens de savoir s’ils vont y arriver. Agriculteurs et producteurs/diffuseurs de cinéma documentaire, vont-ils pouvoir vivre de leur métier ?

Ce que documente là Claire Simon, c’est du courage au quotidien, un engagement qui ne compte pas ses heures même si s’expriment parfois la frustration de ne pas arriver à tout faire et la fatigue. Réaliser un rêve ne va pas sans douleur… Surtout que rien n’est simple, qu’il y a des orages et qu’on y laisse sa santé. Tout militant associatif et tout agriculteur reconnaîtra ses moments de doute dans ce vécu.

Il y retrouvera aussi le sens qu’il cherche à donner à son travail, une alternative à l’abêtissement et un cadeau pour les générations suivantes. Car c’est une utopie qui se construit dans ce village du fond de l’Ardêche, une utopie qui vaut bien qu’on la documente au cinéma.

Une plateforme renouvelée

Nouveau directeur de Tënk, Mohamed Sifaoui (qui remplace Pierre Mathéus qui s’est donné à fond depuis le début) présente lors d’une conférence aux EGD la coopérative de 120 sociétaires et 220 000 € de capital social, qui emploie 17 salariés. C’est en 2020, à la faveur de la pandémie qui a renforcé l’augmentation progressive du nombre d’abonnés, qu’elle a enregistré son premier résultat net positif. Plus de 10 000 abonnés individuels (60 € par an), auxquels s’ajoutent les 17 000 comptes des 76 universités, médiathèques ou bibliothèques qui ont pris un abonnement collectif. Ils peuvent voir les 400 nouveaux films propose Tënk par an, à raison de 60 documentaires d’auteur/trice en permanence, 7 nouveaux chaque semaine. 1100 films sont également accessibles pour une somme modique en location aux abonnés, sur les 2000 qui sont passés sur la plateforme.

La refonte complète du site internet tenk.fr est effective depuis août 2021 : avec un nouveau design et une organisation plus humaine, fruit d’un long travail d’enquête auprès des utilisateurs et de réflexion interne, plus convivial et visuel, à découvrir !

Tënk est maintenant accessible dans toute l’Europe (tenk.eu.com/fr). Comme le souligne Jérémie Jorrand, responsable de la programmation, des Tënk se développent au Québec, en Italie et en Allemagne, avec des programmateurs de ces pays. Ils participent à l’équipe d’une vingtaine de programmateurs, tous issus des métiers du cinéma, qui se réunit tous les six mois à Lussas mais travaille en permanence en duos pour affiner leur sélection.

L’Imaginaïre

Line Peyron, responsable de la diffusion, insiste sur la singularité mais aussi la force de Tënk : négocier des droits non-exclusifs par forfait sur tous les territoires. Cela suppose de traiter avec plus de 800 ayant-droits ! Les 2/5 ièmes sont en Europe francophone, 2/5 ièmes dans le reste de l’Europe et le 5 ième restant dans le reste du monde. L’atout de Tënk est sa proximité avec les professionnels, sa connaissance du milieu, son désir d’accompagner la circulation des œuvres et leur valorisation.

Responsable des préachats, Alizée Mandereau indique que 57 films ont été préachetés depuis trois ans, auprès d’une quarantaine de sociétés de production : Tënk soutient des projets de documentaires dûment sélectionnés en fonction de l’affirmation de leur regard d’auteur et s’engage à les diffuser. 40 % de premiers films, donc l’ouverture à de nouvelles créativités. La visibilité apportée par des partenariats comme Médiapart soutient les films. Certains sont également sélectionnés aux EGD, mais aussi dans de nombreux festivals.

Pour le nouveau président du Conseil d’administration de Tënk, Thierry Gilbert, qui fait aussi partie du collège des financeurs, la phase de stabilisation est terminée et la pérennité de Tënk assurée, ce qui permet de se projeter dans l’avenir : une stratégie 2022-2026 est en discussion. La société est encore sous-capitalisée, surtout pour un développement à l’international. Se pose alors la question des alliances…

Pour conclure, Jean-Marie Barbe insiste sur l’activité « Tënk chez l’habitant » où des abonnés reçoivent des voisins et amis pour visionner ensemble un programme de documentaires. 200 l’ont déjà fait : l’esprit de Tënk est là, comme la convivialité palpable à l’Imaginaïre.

5 ans, c’est une montée en compétence, une inscription progressive dans la profession, une notoriété grandissante… Des investissements devront encore faits pour être au top de la technologie des plateformes, pouvoir répondre aux sollicitations des festivals de relayer leur programmation, et faire évoluer la grille alors même que le paysage change très vite. Un enjeu reste l’éditorialisation pour mieux accompagner les films…

En s’associant à France Culture, la Cinémathèque du documentaire, Les Ecrans et Médiapart pour le label documentaire Oh my Doc !, Tënk accompagne aussi la sortie de documentaires en salles, à raison de 12 films par an : un soutien de plus à la visibilité des films. Comme le disait Alizée Mandereau à propos des films en préachat, Tënk cherche à développer la confiance tout en tirant les œuvres vers le haut, une relation humaine et sensible également visible sur le blog de Tënk, tout simplement une autre approche !

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Un commentaire

Laisser un commentaire