Journaliste et militant proche des Black Panthers né en 1954, Mumia Abu Jamal a été un journaliste de radio radical et apprécié avant d’être condamné à mort en 1982 pour le meurtre de Daniel Faulkner, un policier de Philadelphie, à la suite d’un procès pour le moins controversé. Suite à la mobilisation internationale pour sa libération ou pour l’ouverture d’un nouveau procès, il est devenu le plus célèbre prisonnier américain et le symbole de l’opposition à la peine de mort. Le 12 octobre 2011, sa peine a été commuée en prison à vie sans possibilité de remise de peine par la Cour suprême des États-Unis.
Né le jour de l’incarcération de Mumia Abu Jamal, William Francone s’est passionné pour sa cause et réussit à convaincre une productrice de faire un film sur celui qui a passé toute sa vie en prison depuis sa propre naissance. La trame Jamal / Francone est un peu faible, mais c’est vite tout le contexte de l’époque et comment il résonne aujourd’hui qui devient le corps du film, avec une question de fond : que sont ces militants devenus qui s’opposèrent à la ségrégation ? Mumia Abu Jamal, qui continue depuis sa geôle du couloir de la mort à être « la voix des sans voix », est-il encore écouté ?
C’est finalement un film touffu qui en ressort : enquête détaillée sur un procès manipulé, évocation de la violence policière exercée contre les dissidents qui va jusqu’à lâcher une bombe sur une communauté noire, racisme ouvert et implication de l’administration américaine dans des programmes d’infiltration et de surveillance pouvant aller jusqu’au crime comme le confirme Noam Chomsky. L’enquête menée par le jeune Francone sert de trame narrative : il rencontrera les témoins de l’affaire mais aussi des personnalités actives dans la défense de Jamal comme Angela Davis, l’acteur et musicien Mos Def, le rappeur Snoop Dogg. Tout ce qui est révélé est accablant et en dit long sur les pratiques à l’uvre : dès le début du film, il est suggéré que les tortures d’Abu Ghraib trouvent leur source dans les prisons américaines.
C’est bien sûr ce parallèle qui donne sa force au film : combien la violence et la corruption impunies entretiennent le racisme et le mépris. Le traitement des victimes de l’ouragan Katrina en donne une récente illustration et Alice Walker étend cette compréhension aux séquelles de l’esclavage. Très efficace et rythmé, le film adopte un graphisme style années soixante-dix pour présenter les personnages et les faits de l’enquête. Le cas Jamal ayant inspiré les musiciens, leur musique tient un grand rôle dans le film. Se situant clairement du point de vue de Jamal, le commentaire indique que les policiers ont refusé de répondre et ne sont donc pas présents. On est donc loin d’une pseudo-objectivité et cela est parfaitement assumé. C’est sans doute cette clarté qui sauve le film d’une pesante démonstration militante, d’autant plus que les zones d’ombre ne sont pas résolues pour savoir qui a tué Faulkner. Le sujet est ailleurs, dans le souvenir des contestataires des années soixante et dans l’interrogation de leur incidence aujourd’hui. Reclus au fond de sa cellule, Mumia Abu Jamal est pratiquement absent du film mais son message résonne en tous sens, d’une brûlante actualité : indignez-vous !
Mumia Abu-Jamal ne sera pas exécuté : dépêche du 8 décembre 2011
« La justice de Pennsylvanie ne redemandera pas la peine de mort contre l’ex-militant des Black Panthers, 30 ans après qu’il a été condamné pour le meurtre d’un policier à Philadelphie. »///Article N° : 10485