Fiche Disque
Danse
2 TITRES 2003
Djembéfola de Séga Sidibé
Richard Pakleppa
Genre : 2 titres
Date de sortie : 01 Janvier 2003
Durée : 4 min

Français

Talentueux percussionniste, Séga Sidibé est l’un des grands batteurs de djembé du Mali. Sinon de l’Afrique. Il a consacré toute sa vie à son art, particulièrement au djembé qu’il enseigne toujours aux différentes générations dans son Académie de percussion et de danses traditionnelles du Carrefour des jeunes de Bamako.
Portrait d’un charismatique « djembefola » (batteur de djembé) au parcours atypique.

« A notre naissance, il n’y avait pas assez d’instruments de musique chez nous. Le djembé était presque le seul instrument de réjouissance du Wasulu. Une région naturelle du Mali qui a vu naître de talentueux artistes comme Coumba Sidibé, Oumou Sangaré, etc. J’ai donc grandi au rythme de cet instrument à percussion », souligne Séga Sidibé pour expliquer sa passion du djembé. Un instrument qu’il a maîtrisé très tôt. Comme tous les jeunes ruraux, Séga ne résiste pas à l’aventure.
C’est ainsi qu’il abandonne son village au profit de la capitale. Pas pour jouer le djembé, mais pour travailler et se faire des revenus indispensables à la réalisation des rêves de tous jeunes saisonniers. La fuite ou l’exil n’empêche jamais le destin de se réaliser.
Et le jeune Séga est vite rejoint par le sien. Il ne résiste pas longtemps aux nombreuses et pressantes sollicitations des autres batteurs, des femmes, des pionniers… Sa réputation de talentueux instrumentiste l’avait précédée à Bamako. « Je me suis finalement dit que ce n’est pas certainement par hasard si tout le monde veut que je joue le djembé. Cela devait être la voie de la réalisation de mon destin, de mon bonheur », révèle-t-il de sa voix grave.

De 1962 à la fin des années 80, il n’a raté aucune semaine locale ou régionale, aucune biennale artistique et culturelle avec différentes troupes du district de Bamako. Et pour l’occasion, il n’est pas seulement maître du djembé, mais également metteur en scène.
Des Pièces représentées par « Djifili » (Baba Dabo, paix à son âme) et « Dougoubadia » sont ses œuvres. Même si ce dévouement à la promotion culturelle des jeunes n’ont valu à Séga Sidibé aucune reconnaissance de la part des autorités municipales et nationales, il en a acquis une très grande popularité et surtout une réelle renommée internationale. « Je vais à l’extérieur, particulièrement en Europe, au moins une fois par an », confirme-t-il. Récemment revenu du Festival Africolor de Paris (France), il effectue actuellement une tournée européenne.

Si en occident voire même dans nos pays on a du mal à situer l’origine du djembé, pour Séga Sidibé elle ne fait l’ombre d’aucun doute. En effet pour l’enfant du Wasulu, « le djembé est originaire du Mandé. C’est donc un instrument purement malien. Depuis la chute de Modibo Kéita, les autorités maliennes se sont détournées de leur culture, singulièrement du djembé. C’est pourquoi certain pays comme le Sénégal et Burkina Faso tentent aujourd’hui de s’approprier ce légendaire instrument ». Instrument diabolique au rythme endiablé, beaucoup de mythes entourent le djembé. Ce qui est sûr, pour Séga Sidibé, « le rythme de l’instrument reflète l’image, le caractère, les sentiments voire l’état d’âme du batteur. Le djembé est aussi une expression. Les grands batteurs échangent et communiquent à travers son rythme. Mais les messages ne peuvent être déchiffrés que par les initiés ».

Mythes et préjugés
Autant le djembé est sujet à des mythes, autant son joueur est victime de préjugés sociaux défavorables. « Dans notre société, lorsqu’on opte pour le djembé, on choisit la souffrance morale et sociale parce que les préjugés vous marginalisent. Le « djembéfola » a longtemps été considéré comme un pestiféré méprisé et honni. », rappelle Séga Sidibé avec beaucoup d’amertume.
La raison ? Selon certains prêcheurs, l’instrument est proscrit par l’islam. Mais pour le célèbre batteur, c’est purement par « jalousie, égoïsme et hypocrisie. Je ne suis pas d’avis que l’islam proscrit le djembé. Lors des manifestations culturelles internationales, je rencontre régulièrement de grands batteurs arabes ». Il ajoute : « Des marabouts disent que le djembé est proscrit par la religion musulmane. Mais, combien de commerçants musulmans vivent aujourd’hui de son commerce ? Qui sont actuellement les principaux exportateurs des containers de djembé qui quittent chaque mois le Mali ? Combien de familles maliennes vivent de nos jours de cet instrument. Et les revenus qu’il procure est de l’argent propre parce que gagné à la sueur du front… ».
La jalousie est apparemment la thèse la plus plausible. « Le batteur est si populaire que beaucoup de gens sont amenés à l’envier et à le détester. C’est un instrument qui attire particulièrement les femmes et les jeunes filles et attise leur convoitise. Jadis, les plus belles filles du village étaient toujours les maîtresses des batteurs de djembé. Les copains, fiancés et maris jaloux ainsi que des pères de familles ne peuvent donc pas avoir les batteurs en estime… ».

A presque 60 ans, Séga Sidibé est père de trois garçons. Il ne souhaite pas que ses enfants suivent ses traces pour l’instant. Pas par crainte des nombreux préjugés. Mais parce qu’il faut qu’ils étudient d’abord. Un analphabète ne peut pas réellement jouir et profiter de son art et de son talent. « Si j’avais été instruit, j’aurais pu tirer davantage de profits de mon art, de ma profession. Mais actuellement, elle me permet tout juste de joindre les deux bouts. Je n’interdis pas à mes enfants de jouer le djembé. Mais mon souhait est qu’ils accordent la priorité à leurs études », explique-t-il.

Le grand maître batteur a fondé, depuis 1992, l’Académie de percussions et des danses traditionnelles au Carrefour des jeunes de Bamako. Ce sont surtout de jeunes occidentaux, singulièrement européens, qui fréquentent l’Académie pour apprendre les instruments à percussion (djembé, dun-dun, ntamani…) et les danses traditionnelles (Madan, Doson dansa, Marakadon, Mandianni…) du Mali. L’Académie compte aujourd’hui plusieurs élèves célèbres dans le monde. Le plus connu est certainement Toma Sidibé, un jeune artiste d’Amiens (France) qui considère Séga comme son « père spirituel ». L’élève voue à son maître une immense admiration au point de prendre son nom de famille : Sidibé. « Toma a choisi la chanson en plus du djembé. C’est un garçon reconnaissant qui aime le Mali et les Maliens au point de se considérer comme un enfant du pays. D’ailleurs son groupe est exclusivement constitué de jeunes instrumentistes maliens », note le professeur et le père.

Récemment, lors du Midem à Canne (France), Toma avait dédié au Mali et à Séga Sidibé le « Prix de l’Intégration » que lui a décerné le ministère français de la Coopération. Une récompense qui confirme que le jeune artiste à été à bonne école. Celle de l’iconoclaste Séga Sidibé.

English

Talented percussionist, Séga Sidibé is one of the greatest beaters of djembé in Mali or even of Africa. He devoted all his life to his art, particularly to djembé which he stills teaches to the various generations in his Academy of percussion and traditional dances of the “Carrefour des jeunes (Crossroads of the young people)” of Bamako.
Portrait of charismatic « a djembefola » (beater of djembé) with an atypical course.

« At our birth, there are not enough musical instruments on our premises. The Djembé was almost the only instrument of rejoicing of Wasulu. A natural area of Mali which saw the birth of talented artists like Coumba Sidibé, Oumou Sangaré, etc… I thus grew up with the rhythm of this percussion instrument », underlines Séga Sidibé to explain his passion for djembé, an instrument he controlled very early. Like all the rural young people, Séga does not resist the adventure.
That’s how he gives up his village for the capital. Not to play djembé, but to work and have incomes essential to the realization of the dreams of all the young seasonal workers. The escape or the exile never prevents the destiny from being carried out.
And the young Séga is quickly joined by his. He does not resist a long time the many and pressing requests of the other beaters, of the women, of the pioneers… his reputation of talented instrumentalist had preceded him in Bamako « I finally said to myself that it was certainly not by chance that everyone wants me to play djembé. That was to be the way of the realization of my destiny, of my happiness », he reveals with his deep voice.
From 1962 at the end of the Eighties, he did not miss any local or regional week, any artistic and cultural biennial with various troops of the district of Bamako. And for the occasion, he is not only Master of djembé, but also director.
Plays represented by « Djifili » (late Dabo Baba) and « Dougoubadia » are his works. even if this devotion to the cultural promotion of young people did not win Séga Sidibé any recognition on behalf of the municipal and national authorities, he acquired from it a very great popularity and especially a real international fame « I go outside, particularly to Europe, at least a once per annum », he confirms. Recently returned from the Africolor Festival of Paris (France), he’s presently carring out a European tour.

If in occident and even in our countries, we don’t manage to locate the origin of djembé, for Séga Sidibé there’s no doubt. Indeed for the child of Wasulu, « djembé is originating from Mande. Thus it is purely a Malian instrument. Since the fall of Modibo Kéita, the Malian authorities were diverted from their culture, singularly from djembé. This is why certain country like Senegal and Burkina Faso tries today to usurp this legendary instrument ». Diabolic instrument with a wild rhythm, there are a lot of myths around the djembé. What is sure, for Séga Sidibé, « the rhythm of the instrument reflects the image, the character, the feelings even the state of mind of the beater. The Djembé is also an expression. The great beaters exchange and communicate through its rhythm. But the messages can be deciphered only by the initiates ».

Myths and prejudice
As much djembé is prone to myths, as much its player is victim of unfavourable social prejudices « In our society, when one chooses djembé, one chooses mental and social anguish because the prejudices marginalize you. The « djembéfola » was regarded a long time as a scorned and spurned pest-ridden. », Séga Sidibé recalls with much bitterness.
The cause? According to certain preachers, the instrument is proscribed by Islam. But in the famous beater opinion, it is purely by « jealousy, selfishness and hypocrisy. I don’t think that Islam proscribes djembé. During international cultural events, I regularly meet great Arab beaters « . He adds: « some marabous say that djembé is proscribed by the Islamic religion. But, how many Moslem tradesmen live today on its trade? Who are the principal exporters of the containers of djembé which leave Mali each month? How many Malian families live nowadays of this instrument? And the incomes it gets are clean money because gained with the sweat of the face… »
Jealousy is apparently the most plausible thesis « the beater is so popular that many people are brought to envy him and to hate him. It is an instrument which particularly attracts women and girls and stir up their covetousness. Formerly, the most beautiful girls of the village were always the mistresses of the beaters of djembé. The boy-friends, the fiancés and jealous husbands and also the family’s leaders of cannot thus hold the beaters in high esteem… »

At almost 60 years, Séga Sidibé has three boys. He does not want his children to follow his traces for the moment; not by fear of the many prejudices but because they have to study first. An illiterate cannot really enjoy and benefit from his art and of his talent « If I had been educated, I could have drawn more benefit from my art, of my profession. But presently, it just enables me to join the two ends. I do not forbid my children to play djembé. But my wish is that they give the priority to their studies », he explains.

The great Master beater founded in 1992, the Academy of percussions and the traditional dances to the “Carrefour des jeunes” of Bamako. It is especially of young Westerners, singularly European, who attend the Academy to learn the percussion instruments (djembé, dun-dun, n’tamani…) and the traditional dances (Madan, Doson danca, Marakadon, Mandianni…) of Mali. The Academy counts today several famous pupils in the world. The most known is certainly Toma Sidibé, a young artist of Amiens (France) who regards Séga as his « spiritual father ». The pupil dedicates to his Master a so immense admiration that he takes his surname: Sidibé. « Toma chose the song in addition to djembé. It is a grateful boy who likes Mali and the Malians so much that he regards himself as a child of the country. Moreover, his group is exclusively made up of young Malian instrumentalists », notes the professor and father.

Recently, during the Midem in Canne (France), Toma had dedicated to Mali and Séga Sidibé the « Price of the Integration » the French ministry of the Co-operation awarded to him; a reward which confirms that the young artist was in a good school: the one of the iconoclast Séga Sidibé.
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