Événements

Afrique de l’inventivité (L’)
Cinquième rencontre-débat dans le cadre du cycle consacré au thème « L’Afrique des mutations silencieuses »

Français

Intervenants : Paul Vermande, Athanase Bopda, Annick Sezibera,
avec la contribution au débat de Nicolas Monteillet et Paul Deroubaix
Animation : Georges Courade

L’Afrique subsaharienne est souvent décrite par les afro-pessimistes comme peu inventive et opposée à l’innovation technologique. Ne souligne-t-on pas à satiété qu’elle a ignoré la roue et la traction animale pendant des siècles ? Et pourtant, les paysans africains n’ont-ils pas trouvé des parades à leurs problèmes de conservation ou de reconstitution de la fertilité des sols (zai par exemple) mais aussi au peuplement dense de certains territoires en intensifiant leur mode d’exploitation agricole sans engrais chimiques ? L’architecture de terre bien maîtrisée aux confins du Sahara n’est-elle pas une meilleure solution pour l’habitat sahélien que le ciment et la tôle ? La « débrouillardise » et l’informel urbains ne recèlent-ils pas des formes d’inventivité ? Les systèmes technologiques locaux ou importés requièrent des formes sociales adaptées, une culture scientifique spécifique pour qu’ils soient adoptés : l’Afrique subsaharienne ne l’a-t-elle pas fait et n’est-elle pas en mesure de le faire ? En définitive refuse-t-elle le développement comme l’a soutenu Axelle Kabou par exemple ? D’un autre côté, la diffusion du téléphone portable peut-il être analysé simplement comme un progrès ? Est-il en fait plus utilisé pour communiquer ou pour affirmer un certain statut social La question de l’inventivité est souvent rattachée à celle du développement et du progrès, notions subjectives et souvent mimétiques dont le caractère bénéfique pourrait peut-être être remis en question. Pour permettre aux économies africaines de progresser, il ne suffit pas d’inventer des techniques qui symbolisent en Occident le progrès social mais il est nécessaire que ces inventions techniques répondent aux besoins de l’Afrique et soient adaptées aux problèmes qu’elle rencontre réellement.
Le transfert de technologie ne peut en effet réussir que si la technique exportée peut être intégrée dans un système technique déjà présent et si la population receveuse possède les savoir-faire nécessaires pour s’approprier cette nouvelle technique : références technologiques pour l’entretien, culture scientifique pour en saisir les implications. Il faut aussi que l’invention soit acceptée socialement. Ces trois conditions fondamentales sont complémentaires. Il peut y avoir acceptabilité sociale sans que l’invention s’inscrive dans un environnement favorable, ce qui peut engendrer des nouveaux problèmes, ou inversement, lorsque les autres conditions sont réunies, il n’y a pas forcément acceptabilité sociale. L’Afrique sub-saharienne dans certaines de ces sociétés met enfin en oeuvre une inventivité sociale propre à répondre aux besoins de développement : les paysans s’organisent en syndicats, mutuelles et coopératives, les citadins se regroupent pour gérer collectivement l’eau, les déchets, etc. On a pu soutenir aussi que le système des tontines pouvait être à la base d’entreprises politiques et économiques durables.
Pas de technologie et de culture technique sans des formes sociales adaptées. Et dans le contexte de globalisation, la rémunération des producteurs est affaire de rapports de force, de mouvements organisés. La démocratie locale comme nationale doit aussi s’y inventer (délégation, contrôle, transparence, système partisan ou consensuel).
Par ailleurs, les initiatives africaines en matière d’inventivité ont aussi un rôle essentiel à jouer pour assurer le développement de l’Afrique. On peut se demander dans quelle mesure « l’inventivité africaine » dans le domaine agricole et en milieu urbain peut permettre de créer des revenus pour assurer une vie décente à une population toujours plus nombreuse. Les inventions africaines sont sûrement moins connues mais ont été et pourront être exportées dans le reste du monde. Ainsi de nombreuses plantes médicinales utilisées en Afrique depuis des générations sont utilisées en Occident dans la fabrication de vaccins (hépatite par exemple).
Ainsi, la question de l’inventivité soulève de nombreuses questions pour la promotion d’un développement durable en Afrique comme ailleurs. Tout d’abord, dans quelle mesure les « inventions venues d’ailleurs » répondent-elles aux problèmes de l’Afrique et comment sont-elles reçues par les Africains? Quelles sont les solutions proposées par ces derniers ? Quel rôle joue et pourra jouer l’économie informelle dans la création d’emplois et de revenus? Enfin, n’y a-t-il pas des cas où le transfert technologique pourrait se faire non pas de l’Europe vers l’Afrique mais de l’Afrique vers l’Europe?
Animation :
Georges Courade, géographe, directeur de recherches à l’IRD
Intervenants :
Paul Vermande, professeur émérite à l’INSA, coordonateur du réseau des chercheurs environnement et développement durable de l’AUF.
Athanase Bopda, géographe, professeur à l’Université de Yaoundé et professeur invité de l’UFR de géographie de Paris I, chercheur à l’Institut National de Cartographie du Cameroun.
Annick Sezibera, médecin, représentant légal de la Confédération des Associations des producteurs Agricoles pour le Développement – CAPAD
Contributions au débat :
Nicolas Monteillet, anthropologue, maître de conférences à l’Université Paris VIII
Paul Deroubaix, président de l’association SOC International spécialisée sur le développement de mini tubercules des pommes de terre distribués par le réseau des Lions Club en Afrique

Inscription (obligatoire) : [email protected]
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