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Bronzes de la collection Paul Garn

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C’est une chance pour un galeriste que de découvrir une collection ancienne car tous les objets de haute qualité présents sur le marché et dans la recherche ont une provenance.

En 2007, nous avons reçu une offre d’objets ayant appartenus à une collection de Dresde. Après avoir sélectionné certains bronzes et avoir fait réaliser pour chacun de ces objets une expertise par thermoluminescence, nous avons continué nos recherches et nous sommes tombés sur deux autres lignées de la descendance de Paul Garn. Après de longues négociations, nous avons réussi à acquérir la plupart des bronzes. La galerie présente ainsi une sélection de 27 objets marquants dont quelques bronzes exceptionnels. Certains d’entre eux nous laissent perplexes, d’autres sont des classiques qui peuvent être comparés à des pièces de musées dans le monde.

Un masque Marka serait le plus ancien jamais découvert, une tête d’Ifé dont la qualité n’est comparable qu’avec celles du Musée national de Lagos et du British Museum de Londres. Un masque unique de l’est du Nigeria. Une statuette ressemblant à une Nok, mais venant du Mali, pourrait représenter un pont stylistique, dont nous avons si peu de documentation sur l’Afrique.

Pour la quatrième fois en cinq ans nous abordons la thématique des objets en bronze dans le cadre d’une exposition. Comme dans peu d’autres domaines, les datations consolidées par des méthodes de tests physiques nous ont livré des points de repère importants dans la chronologie de l’histoire africaine. Car peu en Europe savent que c’est encore presque uniquement l’art qui nous livre des informations fiables sur l’histoire de l’Afrique. En Europe, l’idée introduite par Friedrich Hegel sur l’absence d’histoire du continent africain est toujours présente dans les esprits. De nombreux africains souffrent de cette perception extérieure sur l’absence prétendue du passé culturel, due à la fracture entre la transmission orale et la transmission académique occidentale de l’histoire.

C’est Peter Herrmann qui, dans les années 1990, a effectué une première datation de bronzes du Cameroun. En effet, l’ensemble de la littérature internationale sur le Cameroun ne mentionnait alors pas de datation. Aujourd’hui, il est largement reconnu que les bronzes à la cire perdue sont arrivés il y a 300 ans environ dans l’actuel Grassland, au cours d’une vague de migration, ce qui a permis de tirer des conclusions importantes en l’histoire de l’art.

L’histoire de la fabrication des bronzes de l’actuel sud du Nigeria est plus complexe encore, car elle remonte au moins au 7ème siècle. La galerie établit ici aussi des critères. Fait inhabituel pour une galerie, nous avons financé un véritable travail de recherche en histoire de l’art en tenant compte de points de vue nigériens et avons ainsi réalisé un travail de médiation auprès du public. Encouragés par de nombreuses correspondances avec des scientifiques et collectionneurs, nous avons commencé à rendre public des datations plus anciennes d’objets comme nulle part ailleurs en Europe et en Amérique du Nord. Aujourd’hui, les thèses africaines soutenues par Peter Herrmann se sont largement répandues.

Par le transport d’objets aux Etats-Unis et leur retour en Allemagne dans le cadre d’une exposition, nous sommes parvenus à une sécurité juridique du commerce. Nous nous sommes penchés sur les demandes de restitutions de la part du Nigeria et avons été à ce sujet en contact avec des scientifiques nigériens. Avec ce travail de thématisation, nous sommes maintenant considérés comme l’une des galeries les plus importantes à s’être concentrée sur l’histoire de l’art Africain et à en avoir approfondi le sujet.

Bien que de façon moins poussée, nous nous sommes également intéressés au Mali, plus connu du public pour la qualité de ses sculptures en bois, de son architecture et de ses objets archéologiques en terre cuite. Nous abordons ce domaine avec entre-autres un groupe de petits cavaliers, motif faisant partie des plus connus. Un ancien couvercle de coffret de 300 ans en forme de porte miniature reste une énigme.

Les bronzes de la collection Paul Garn ont été acquis en Europe, bien avant que le conflit sur les copies et les originaux des objets importés vienne troubler l’atmosphère chez les chercheurs et les collectionneurs pendant la deuxième moitié du vingtième siècle. Paul Garn était un négociant en vin qui a souvent voyagé en France dans les années 1920 et dont ses descendants savent qu’il a beaucoup acheté dans le sud de la France. Le musée d’ethnologie de Dresde a déjà acquis des objets en bois de sa collection.

Si nos dernières expositions ont été marquées par des thèses audacieuses et par la présentation d’objets contestés qui ont suscité la controverse, cette exposition bénéficie en revanche d’une certaine tranquillité. Nous y présentons et publions uniquement des oeuvres d’art de l’ancienne collection Garn. Les objets parlent d’eux-même, pour une tradition de 100 ans de collection, pour la longue histoire de l’Afrique subsaharienne et pour ses plus grandes productions culturelles.
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