Fiche Film
Cinéma/TV
2019
Décolonisations
Durée : 156 minutes
Genre : historique
Type : série documentaire

Français

À contre-courant de l’histoire officielle des colonisateurs, cette fresque percutante inverse le regard pour raconter, du point de vue des colonisés, cent cinquante ans de combat contre la domination, et faire résonner au présent un déni qui perdure.

Comment synthétiser, en moins de trois heures, cent cinquante ans d’une histoire planétaire dont les non-dits, comme les dénis, réactivent au présent fractures et polémiques ? Pour retracer ce passé occulté qui continue de concerner intimement chacun d’entre nous, les auteurs ont choisi de tisser chronologiquement grande et petites histoires, continents et événements, avec des partis pris percutants. D’abord, en racontant l’histoire du point de vue des colonisés, ils prennent le contre-pied d’un récit historique qui jusque-là, si critique puisse-t-il être envers les crimes de la colonisation, reflète d’abord le regard de l’Europe colonisatrice. Ensuite, parce qu’embrasser l’essentiel des faits intervenus sur près de deux siècles dans des pays aussi différents, par exemple, que l’Inde et le Congo relève de l’impossible, ils ont préféré braquer le projecteur sur une série de destins et de combats emblématiques, certains célèbres, d’autres méconnus. De Lakshmi Bai, la princesse indienne qui mena la première lutte anticoloniale en 1857-1858, lors de la révolte des cipayes, aux vétérans Mau-Mau qui obligèrent en 2013 la Couronne britannique à reconnaître les atrocités perpétrées contre eux au Kenya soixante ans plus tôt, leur fresque en trois volets s’autorise l’ellipse pour mettre en évidence ces continuités et ces similitudes qui, d’hier à aujourd’hui, recoupent les lignes de faille de la mondialisation. Dit par l’acteur Reda Kateb – dont le grand-oncle Kateb Yacine est d’ailleurs l’une des figures du combat anticolonial ici ramenées au premier plan -, le commentaire coup de poing déroule un récit subjectif et choral. Portée aussi par des archives saisissantes et largement méconnues, des séquences d’animation, des extraits de films, de Bollywood à Nollywood, et une bande-son rock et hip-hop débordante d’énergie, cette histoire très incarnée des décolonisations met en évidence la brûlante actualité de l’héritage commun qu’elle nous a légué.

1. L’apprentissage
De la révolte des cipayes de 1857 à l’étonnante République du Rif, mise sur pied de 1921 à 1926 par Abdelkrim el-Khattabi avant d’être écrasée par la France, ce premier épisode montre que la résistance, autrement dit la décolonisation, a débuté avec la conquête. Il rappelle comment, en 1885, les puissances européennes se partagent l’Afrique à Berlin, comment les Allemands commettent le premier génocide du XXe siècle en Namibie, rivalisant avec les horreurs accomplies sous la houlette du roi belge Léopold II au Congo. Il retrace aussi les parcours de l’anthropologue haïtien Anténor Firmin, de la Kényane Mary Nyanjiru, de la missionnaire anglaise Alice Seeley Harris ou de Lamine Senghor, jeune tirailleur sénégalais devenu militant communiste et anticolonialiste.

2) La libération

Ce deuxième épisode, de 1927 à 1954, est celui de l’affrontement. Que ce soit à travers la plume de l’Algérien Kateb Yacine, qui découvre à 15 ans, en 1945, lors du massacre de Sétif, que la devise républicaine française, tout juste rétablie, ne vaut pas pour tout le monde, ou celle de la poétesse Sarojini Naidu, proche de Gandhi, qui verra en 1947, dans le bain de sang de la partition de l’Inde, se briser son rêve de fraternité, un vent de résistance se lève, qui aboutira dans les années 1960 à l’indépendance de presque toutes les colonies. Mais à quel prix ? Cet épisode suit aussi les combats de l’insaisissable agent du Komintern Nguyên Ai Quoc (« le Patriote »), qui prendra plus tard le nom de Hô Chi Minh, futur vainqueur de Diên Biên Phu, ou celui de Wambui Waiyaki, intrépide jeune recrue des Mau-Mau.

3) Le monde est à nous

Des indépendances à l’ère de la postcolonie, ce troisième épisode, de 1956 à 2013, s’ouvre avec les mots du psychiatre antillais Frantz Fanon (Peau noire, masques blancs, 1952), qui rejoint les maquis du FLN en Algérie. Il se poursuit dans l’Inde d’Indira Gandhi, qui se dote de la bombe atomique, dans le Congo sous influence de Mobutu ou dans le Londres de 1979, secoué par la révolte du quartier d’immigration de Southall, pour s’achever avec l’essor d’un cinéma 100 % nigérian dans les années 1990 et la victoire juridique des derniers Mau-Mau face au gouvernement britannique.


Série documentaire de Karim Miské et Marc Ball (France, 2019, 3x52mn) – Auteurs : Karim Miské, Pierre Singaravélou et Marc Ball – Commentaire dit par Reda Kateb – Coproduction : ARTE France, Program33, AT Production, RTBF, RTS Sénégal
Résumé pour les catalogues officiels : À contre-courant de l’histoire officielle des colonisateurs, cette fresque percutante inverse le regard pour raconter, du point de vue des colonisés, cent cinquante ans de combat contre la domination, et faire résonner au présent un déni qui perdure.

English

Against the official history of the colonizers, this striking fresco reverses the gaze to tell, from the point of view of the colonized, one hundred and fifty years of struggle against domination, and to make the present resound with a denial that persists.

How can one synthesize, in less than three hours, one hundred and fifty years of a planetary history whose unsaid, like denials, reactivate the present fractures and polemics? To retrace this hidden past that continues to concern each and every one of us intimately, the authors have chosen to weave chronologically large and small stories, continents and events, with powerful biases. First of all, by telling history from the point of view of the colonized, they take the opposite side of a historical narrative which, however critical it may be of the crimes of colonization, reflects first and foremost the view of colonizing Europe. Secondly, because embracing the essence of the events that have taken place over nearly two centuries in countries as different as India and the Congo, for example, is impossible, they have preferred to turn the spotlight on a series of emblematic fates and battles, some famous, some unknown. From Lakshmi Bai, the Indian princess who led the first anti-colonial struggle in 1857-1858, during the Cipayes revolt, to the Mau-Mau veterans who in 2013 forced the British Crown to acknowledge the atrocities perpetrated against them in Kenya sixty years earlier, their three-part fresco allows itself to ellipse to highlight these continuities and similarities that, from yesterday to today, cut across the fault lines of globalization. Said by actor Reda Kateb – whose great-uncle Kateb Yacine is one of the figures of the anti-colonial struggle brought to the foreground here – the punch commentary unfolds a subjective and choral narrative. Carried also by striking and largely unknown archives, animated sequences, film extracts, from Bollywood to Nollywood, and a rock and hip-hop soundtrack bursting with energy, this highly embodied history of decolonization highlights the burning topicality of the common heritage it has left us.

1. Learning
From the revolt of the Cipayes in 1857 to the astonishing Republic of the Rif, set up from 1921 to 1926 by Abdelkrim el-Khattabi before being crushed by France, this first episode shows that resistance, in other words decolonisation, began with the conquest. He recalls how, in 1885, the European powers shared Africa in Berlin, how the Germans committed the first genocide of the 20th century in Namibia, rivaling the horrors accomplished under the leadership of Belgian King Leopold II in the Congo. He also retraces the journeys of the Haitian anthropologist Anténor Firmin, the Kenyan Mary Nyanjiru, the English missionary Alice Seeley Harris and Lamine Senghor, a young Senegalese skirmishers turned communist and anti-colonialist activist.

2) The release

This second episode, from 1927 to 1954, is that of the confrontation. Whether through the pen of the Algerian Kateb Yacine, who discovered at the age of 15, in 1945, during the Sétif massacre, that the French republican motto, just restored, did not apply to everyone, or that of the poet Sarojini Naidu, close to Gandhi, who in 1947, in the bloodbath of the partition of India, will see his dream of brotherhood shattered, a wind of resistance rises, which will lead in the 1960s to the independence of almost all the colonies. But at what cost? This episode also follows the battles of the elusive Komintern agent Nguyên Ai Quoc (« the Patriot »), who later takes the name of Hô Chi Minh, future winner of Diên Biên Phu, or that of Wambui Waiyaki, intrepid young recruit of the Mau-Mau.

3) The world is ours

From independence to the post-colonial era, this third episode, from 1956 to 2013, opens with the words of West Indian psychiatrist Frantz Fanon (Peau noire, masques blancs, 1952), who joins the FLN maquis in Algeria. It continues in Indira Gandhi’s India, which acquires the atomic bomb, in the Congo under the influence of Mobutu, or in the London of 1979, shaken by the revolt of the immigration district of Southall, to end with the rise of a 100% Nigerian cinema in the 1990s and the legal victory of the last Mau-Mau against the British government.


Documentary series by Karim Miské and Marc Ball (France, 2019, 3x52mn) – Authors: Karim Miské, Pierre Singaravélou and Marc Ball – Commentary by Reda Kateb – Coproduction: ARTE France, Program33, AT Production, RTBF, RTS Senegal
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