Fiche Film
Cinéma/TV Histoire/société
LONG Métrage | 2007
Darfour, autopsie d’une tragédie
Pays concerné : Soudan
Durée : 65 minutes
Genre : historique
Type : documentaire

Français

Combinant à des archives parfois inédites les récits des principaux acteurs de la tragédie, une enquête d’une grande rigueur, doublée d’une leçon d’histoire immédiate, qui jette une lumière parfois crue sur les manipulations des uns et les renoncements des autres.

Christophe Ayad et Vincent de Cointet ont mené l’enquête du Soudan aux États-Unis, de l’Europe à la Chine, en interrogeant les principaux protagonistes du conflit (chefs rebelles, responsables soudanais, diplomates, travailleurs humanitaires). Leur film, le premier à retracer l’enchaînement fatal qui a conduit à la tragédie soudanaise, explique les causes anciennes du conflit. Il démontre comment le pouvoir soudanais, pour réduire une rébellion armée, a eu recours aux Jenjawids, ces cavaliers sanguinaires qui sèment encore la terreur. Il met au jour les atermoiements, les maladresses criminelles et même le double jeu de la communauté internationale, qui a fermé les yeux sur les grands massacres de 2003 et 2004. Avant de tenter d’intervenir via l’Union africaine mais sans s’en donner les moyens. L’analyse précise et documentée de quatre ans de guerre.

Engrenages
L’opposition entre tribus arabes et africaines (toutes musulmanes) au Darfour remonte au début des années 1980. La sécheresse qui frappe alors les pays sahéliens n’épargne pas le Darfour, territoire situé dans l’ouest du Soudan et délaissé par le gouvernement central. La famine, combinée à l’absence de structures scolaires et sanitaires, mais également la circulation d’armes occasionnée par le conflit voisin tchado-libyen, encouragent la formation d’une rébellion principalement africaine, le Mouvement de libération du Soudan (SLA/M) présidé par l’avocat Abdelwahid El-Nour, puis le Mouvement pour l’égalité et la justice (JEM). Ces groupes armés apparaissent au grand jour début 2003, alors que se négocie sous l’égide de la communauté internationale un traité de paix entre Khartoum et la rébellion du Sud-Soudan menée par l’Armée de libération du Soudan – la SPLA de John Garang. L’enjeu de cet accord est crucial : il s’agit de mettre fin à une guerre civile qui dure depuis plus de vingt ans. C’est dans ce contexte que les rebelles décident d’attaquer la capitale de la région, El-Fasher. Les autorités soudanaises engagent alors une répression féroce, appuyée par l’armée et des milices arabes baptisées « jenjawids », qui frappe indistinctement les civils et les rebelles. Courant 2004, le conflit prend des allures de nettoyage ethnique dont les principaux artisans sont les milices arabes. L’envoyé spécial des Nations unies Mukesh Kapila alerte en vain la communauté internationale sur la réalité des massacres. Celle-ci commence à réagir au printemps 2004 alors que le tiers de la population du Darfour a été déplacée du fait des combats. Le Conseil de sécurité peine à trouver une position commune en raison de l’obstruction de la Chine, qui achète les deux tiers de son pétrole à Khartoum, et des incohérences des Américains qui veulent arrêter un « génocide » tout en continuant à traiter avec le régime soudanais dans leur lutte contre le terrorisme international. Mandatée par l’ONU, l’Union africaine (UA) commence à se déployer au Darfour à l’été 2004 mais manque cruellement de moyens pour mener à bien sa mission. L’ONU envoie sur place une commission d’enquête qui reconnaît début 2005 l’existence de crimes contre l’humanité mais récuse le terme de génocide à propos de la crise du Darfour, qui est déférée devant la Cour pénale internationale. Cette réaction de la communauté internationale intervient alors qu’un accord de paix laborieux est signé à Abuja (capitale du Nigeria) en mai 2006 entre Khartoum et une faction du SLA/M emmenée par Minni Minawi. Cet accord relance la violence au Darfour. Le mouvement rebelle se morcelle en de nombreuses factions et devient incontrôlable, alors que Khartoum souffle le chaud et le froid sur le projet du déploiement d’une force internationale composée de 26 000 casques bleus et soldats de l’UA (résolution de l’ONU du 31 juillet 2007). Dans ces conditions, la paix sera-t-elle au rendez-vous ?
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