Fiche Film
Cinéma/TV
LONG Métrage | 1973
Blues entre les dents (Le)
Date de sortie en France : 04/05/2005
Pays concerné : France
Durée : 90 minutes
Genre : musical
Type : fiction

Français

Freddy et Hattie, un jeune couple de Noirs, vivent dans Harlem chez la mère de Freddy, une étonnante et réelle ancienne chanteuse des années 30.

Freddy fait du business « pas très clair » pour survivre, s’en sortir et avoir une vie dont il rêve. Un jour Hattie succombe aux charmes d’un pianiste de bar et part avec lui. Freddy est perdu, traîne son blues dans les rues de Harlem à la recherche de Hattie.

Leur histoire, chaque blues la raconte sous une forme ou une autre. Elle est ponctuée de perles de « blues vécus » de bluesmen légendaires, de cris de joie et de douleur qui se chantent « entre les dents ».

Et c’est aussi la trajectoire d’un peuple issu de l’esclavage qui se retrouve un siècle plus tard, dans le ghetto d’une prison.


« Un témoignage unique sur le blues »

Réalisateur : Robert Manthoulis

Avec la participation de BB KING, Buddy GUY, Sonny THERRY…

Copies restaurées par les Archives Françaises du Film
France / 1973 / couleur / fiction / VOSTF

« Et si le blues parle souvent des femmes, c’est parce qu’il est surtout chanté par des hommes. »


Propos du réalisateur

J’ai tourné mon film « Le blues entre les dents », il y a 33 ans.

Je pense que c’est le tout premier film qui a été fait sur le sujet. Même aux Etats-Unis.

Le documentaire que nous avons tiré de ce tournage, deux heures sur l’histoire du blues, a aussi été le premier sur le sujet. J’ai cherché partout, avant de démarrer le tournage, je n’ai trouvé, aux Etats-Unis, aucun film sur le blues ! Il n’y avait que des concerts de jazz filmés surtout pour la télévision. A l’époque, les Noirs n’écoutaient pas le blues, ils écoutaient James Brown. Les Noirs engagés écoutaient les « Black Poets ». C’était l’époque des « Black Panthers ». Le FBI nous avait à l’œil. Les Blancs politisés aimaient le blues mais les Noirs n’admettaient pas les cinéastes blancs dans les ghettos. Moi-même j’ai été jeté dehors quelquefois, par les habitants du ghetto. Ils m’ont accepté uniquement parce que je n’étais pas Américain. Souvent, on était armés de pistolets quand on tournait. Dans le Sud, le racisme était encore plus évident. Surtout dans les prisons!J’ai réussi à entrer dans une prison-ferme du Texas avec une fausse autorisation. Ils m’ont cru car j’avais les noms des prisonniers chanteurs de « work-songs ». Un ethnologue américain les connaissait. On n’avait jamais laissé entrer une caméra dans ces prisons où existait encore la ségrégation. Les Noirs vivaient à part. Les Mexicains aussi. Bien entendu, 90% des prisonniers étaient des Noirs. Les « work-songs » n’existent plus aux Etats-Unis parmi les Noirs. C’étaient les chants que les esclaves chantaient dans les champs puis ce fut au tour des travailleurs noirs au moment des grands travaux de construction du début du siècle. Ceux qui ont bâti les chemins de fer, les ponts et les autoroutes. Ces chants que j’ai enregistrés sont les seuls qui existent filmés. Les chanteurs que j’ai filmés étaient très contents de participer au film, payés avec des cachets ridicules. On avait très peu d’argent. Le seul qui était plus au moins célèbre c’était B.B. King. Je lui ai proposé une part importante des recettes aux Etats-Unis. Malheureusement pour lui, le film n’est pas sorti aux Etats-Unis. Et lui n’était pas intéressé par le marché européen. Du coup, il a accepté d’y participer sans être payé !



Le documentaire (« En remontant le Mississippi ») a inauguré la 3ème chaîne en France, le soir du 3 Janvier 1973. Le long-métrage est sorti au cinéma dans la salle « Les Trois Luxembourg », la même année. Les Américains qui ont vu le film cherchaient à me connaître. Ils disaient « Moi, j’habite à quelques mètres de l’autre côté de la 5ème Avenue, je n’ai jamais su comment vivaient les Noirs dans Harlem ». Les « comédiens » formaient une seule famille et ils ont d’ailleurs reconstitué leurs propres vies dans ce film. Ils ont joué leurs propres rôles. J’avais imaginé un scénario à Paris, en lisant beaucoup de livres de sociologues américains écrits par des Noirs sur la vie dans les ghettos. Les comédiens ont ajouté leur propre expérience et ont improvisé les dialogues. Car nous étions incapables d’écrire les dialogues du ghetto. On a seulement fait des choix. Dans l’avion du retour, j’ai pris le négatif avec moi sur mon siège, dans mes bras. Je n’ai pas voulu le confier aux bagagistes…



Le blues a été ressuscité, dans les années 60, par les musiciens anglais, les Beatles, les Rolling Stones, Eric Clapton, John Mayall à Londres (sur lequel j’avais déjà fait un documentaire pour le magazine « A l’Affiche du Monde » de Claude Fléouter et Christophe Izard). Mance Lipscomb m’a montré comment les Beatles avaient changé ses chansons (écrites en 1910 ! « Inventées », il disait, car il ne savait pas écrire des notes). On est arrivé à Memphis le soir et on a été tout de suite chez Walter Ferry Lewis (avec plusieurs bouteilles de whisky). Il dormait et on l’a réveillé. Il était aux anges (surtout quand il a vu les bouteilles). Bukka White vivait en face. Il a écouté la musique et il est arrivé immédiatement pour ne pas rater l’occasion.



La prison de Ricker’s Island est à New York. C’était plus facile d’y pénétrer. J’ai remarqué un tableau intéressant du Christ dans le hall et l’ai mis dans le champ. Il a été révélé, il y a un an seulement, que ce tableau était peint par Salvador Dali. Dali l’avait donné comme un cadeau à la prison. Ce tableau a été volé et c’est comme ça que l’on a su qui en était l’auteur… !

Neuf bluesmen sur dix avaient fait de la prison.

Bukka White, Robert Pete Williams nous ont raconté leur vie en prison. Robert Furry Lewis était balayeur de rue à Memphis. Ils sont presque tous morts. Certains étaient déjà vieux à l’époque. Je crois que les seuls qui sont encore vivants ce sont B.B.King et Buddy Guy. Son complice Junior Wells est mort l’année passée, je crois. Après la sortie du film, beaucoup de gens en France ont découvert Robert Pete Williams. On l’a fait venir à Paris et ce ferrailleur de Baton Rouge a donné un concert à la Salle Pleyel ! Quelques années auparavant, j’avais fait un petit film sur Sunra, qui était complètement oublié. Après la diffusion du sujet, il a reconstitué son orchestre (« l’Orkestra », comme il l’appelait) et a donné des concerts à Paris ! A la même époque j’ai découvert une étonnante chanteuse de blues, Karel Dalton, une fille blanche, avec une voix à la Billie Holliday. J’avais planté ma caméra un soir au « Gas Light », un club du Greenwitch Village et elle est venue faire une audition. Quand on l’a écouté en France, les managers se sont précipités de la retrouver. Malheureusement elle a été complètement cassée par la drogue.
Robert Manthoulis

LE BLUES

Le blues, forme musicale développée depuis la fin du XIXe siècle par la communauté noire du sud des Etats-Unis, traduisant toute la gamme des émotions humaines, du désespoir à l’orgasme, dans leur expression la plus immédiate. Musique traditionnelle mais très évolutive, le blues constitue une part importante du répertoire du jazz. Dans le monde entier, l’emploi du terme « I’ve got the blues » désigne un état de spleen, de cafard ou de nostalgie.

L’origine du blues est controversée. Pour certains, il est né dans les champs de coton américains et était perpétué par les esclaves. Pour d’autres, il est un descendant direct du negro spiritual et du gospel. Dans tous les cas, les premiers disques de blues sont apparus aux Etats-Unis dans les années 20 sous l’impulsion de W.C. Handy qui a signé en 1923 Father of the Blues.

Basé en général sur trois accords, le blues met en avant surtout la guitare. Il est empreint de tristesse et relate en général des histoires qui finissent mal. Il a pris ensuite différents noms suivant la zone géographique où il s’est développé (Delta Blues, Memphis Blues, Chicago Blues, New York Blues…). Le blues est à la base du rock. Il a été une grande influence pour les groupes rock anglophones des années 60/70 (The Beatles, Rolling Stones, Led Zepellin, Cream…). Il continue aujourd’hui d’exercer une influence sur de nombreux artistes tels que les White Stripes ou Ben Harper qui se réfèrent volontiers à Robert Johnson, une référence en la matière au même titre que John Lee Hooker, BB King, Blind Lemon Jefferson ou encore Charley Patton…
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