Littérature / édition
ROMAN | Mai 2005
N’Körö
Libar M. Fofana
Collection : Continents noirs
Edition : Gallimard
Pays d’édition : France
Parution : 09 Mai 2005
Français
Une épouse, qui avait eu le double malheur d’être frappée de stérilité et de voir son mari prendre une deuxième femme pour perpétuer le nom glorieux de ses ancêtres, connut les affres de la jalousie et de l’humiliation lorsque la jeune mariée tomba enceinte.
Deux mois plus tard, la première épouse annonça à son tour sa grossesse tout à fait inattendue et accoucha d’un prématuré trois jours avant sa jeune rivale, soufflant le droit d’aînesse à celui qui fut conçu le premier.
Un homme de science et d’expérience fut consulté : il fit entendre des choses sans les dire clairement. C’était un empirique qui voyait de la sorcellerie dans les guérisons auxquelles il était étranger. L’accusée fut répudiée et tous les droits échurent au puîné. Alors, peu à peu la haine que se vouaient les deux femmes aigrit le lait qu’elles donnaient à leurs enfants…
Une étrange énigme pourra-t-elle départager les deux frères ? La vraie vie de Tayoro et de Mamadi est une histoire de vengeance, de violence, d’amour et de mort, un récit aux cruels rebondissements, une quête poignante entre sorcellerie et milice populaire dans la Guinée des années 1970. Abel et Caïn au cœur de l’Afrique noire d’aujourd’hui. Une descente aux enfers traversée par des éclairs paradisiaques.
Extrait :
» Des effluves de myrrhe d’Arabie s’échappaient de la case en longues écharpes déchiquetées. Le Hadji jeta encore une pincée de résine dans le fourneau en terre qu’il avait posé sur sa porte. Comme à son habitude, il avait fait un noeud au milieu du rideau afin que le parfum allât rappeler aux passants son pèlerinage à La Mecque et témoigner à tous de sa piété.Tayoro sentit l’encens de loin et son cœur se gonfla de souvenirs d’enfance. Arrivé devant la porte, il ôta ses sandales et regarda ses pieds. Il vit qu’ils étaient aussi sales que s’il avait marché sans chaussures. Pendant un moment, il sembla absorbé par les versets du Coran que débitait une vieille Grundig d’une voix nasillarde et chantante. Il retira son chapeau et se mit à le tourner entre ses doigts. Il avait une grosse tête, et ses traits, quoique juvéniles, étaient marqués par d’imperceptibles stigmates, ces cicatrices qui viennent de nos blessures invisibles et qui flétrissent peu à peu notre regard et nous donnent un air grave. De sa tunique sans manches sortaient des bras d’homme de peine. Il pensa encore à Amy et soupira. Il entendit soudain des bruits de pas, comme si celui qui approchait avait flairé sa présence. La radio se tut brusquement et une vieille tête apparut sous un bonnet de cheveux blancs et crépus. L’homme était vêtu d’un boubou et chaussé de babouches en chèvre mal tannée. Ses yeux étaient petits et jaunes, son front noir d’avoir longtemps baisé la terre, et le temps avait écrit un chapitre de sa propre histoire sur le parchemin de sa peau. Le voyageur ploya doucement sous le poids d’une profonde déférence et se retrouva mi à genoux mi à croupetons.- Me voici de retour, mon oncle. Salam alelkoum.- C’est toi, Tayoro ? Aleïkoum salam. Sois le bienvenu, mon fils. Relève-toi. As-tu vu ta tante ?- Non, mon oncle. Je n’ai encore vu personne.- Ça ne fait rien. Tu les verras tout à l’heure. Allons nous asseoir à l’ombre.Tayoro suivit le vieux sous un antique manguier où les attendait, sur une natte, une heure de palabre avant la prière de l’Asr. De son chapeau qu’il tournait toujours entre ses doigts, il s’essuya le front et le cou. Des curieux accouraient et, tout en le saluant, ils considéraient d’un air perplexe son balluchon qu’ils trouvaient un peu léger pour un homme parti depuis si longtemps. Ils saluaient le Hadji avec un respect mêlé d’affection, puis ils ôtaient leurs chaussures et pénétraient du pied droit dans le rectangle de joncs tressés où ils s’asseyaient en murmurant Bismillah. La longueur des salutations était proportionnelle à l’âge et à la position de chacun. Ici, les traditions sont un mélange de religion, de sagesse et de superstitions transmises par l’exemple, et qui commencent par le culte des anciens. Ces derniers sont au centre et à la périphérie de la vie de la communauté. »
Deux mois plus tard, la première épouse annonça à son tour sa grossesse tout à fait inattendue et accoucha d’un prématuré trois jours avant sa jeune rivale, soufflant le droit d’aînesse à celui qui fut conçu le premier.
Un homme de science et d’expérience fut consulté : il fit entendre des choses sans les dire clairement. C’était un empirique qui voyait de la sorcellerie dans les guérisons auxquelles il était étranger. L’accusée fut répudiée et tous les droits échurent au puîné. Alors, peu à peu la haine que se vouaient les deux femmes aigrit le lait qu’elles donnaient à leurs enfants…
Une étrange énigme pourra-t-elle départager les deux frères ? La vraie vie de Tayoro et de Mamadi est une histoire de vengeance, de violence, d’amour et de mort, un récit aux cruels rebondissements, une quête poignante entre sorcellerie et milice populaire dans la Guinée des années 1970. Abel et Caïn au cœur de l’Afrique noire d’aujourd’hui. Une descente aux enfers traversée par des éclairs paradisiaques.
Extrait :
» Des effluves de myrrhe d’Arabie s’échappaient de la case en longues écharpes déchiquetées. Le Hadji jeta encore une pincée de résine dans le fourneau en terre qu’il avait posé sur sa porte. Comme à son habitude, il avait fait un noeud au milieu du rideau afin que le parfum allât rappeler aux passants son pèlerinage à La Mecque et témoigner à tous de sa piété.Tayoro sentit l’encens de loin et son cœur se gonfla de souvenirs d’enfance. Arrivé devant la porte, il ôta ses sandales et regarda ses pieds. Il vit qu’ils étaient aussi sales que s’il avait marché sans chaussures. Pendant un moment, il sembla absorbé par les versets du Coran que débitait une vieille Grundig d’une voix nasillarde et chantante. Il retira son chapeau et se mit à le tourner entre ses doigts. Il avait une grosse tête, et ses traits, quoique juvéniles, étaient marqués par d’imperceptibles stigmates, ces cicatrices qui viennent de nos blessures invisibles et qui flétrissent peu à peu notre regard et nous donnent un air grave. De sa tunique sans manches sortaient des bras d’homme de peine. Il pensa encore à Amy et soupira. Il entendit soudain des bruits de pas, comme si celui qui approchait avait flairé sa présence. La radio se tut brusquement et une vieille tête apparut sous un bonnet de cheveux blancs et crépus. L’homme était vêtu d’un boubou et chaussé de babouches en chèvre mal tannée. Ses yeux étaient petits et jaunes, son front noir d’avoir longtemps baisé la terre, et le temps avait écrit un chapitre de sa propre histoire sur le parchemin de sa peau. Le voyageur ploya doucement sous le poids d’une profonde déférence et se retrouva mi à genoux mi à croupetons.- Me voici de retour, mon oncle. Salam alelkoum.- C’est toi, Tayoro ? Aleïkoum salam. Sois le bienvenu, mon fils. Relève-toi. As-tu vu ta tante ?- Non, mon oncle. Je n’ai encore vu personne.- Ça ne fait rien. Tu les verras tout à l’heure. Allons nous asseoir à l’ombre.Tayoro suivit le vieux sous un antique manguier où les attendait, sur une natte, une heure de palabre avant la prière de l’Asr. De son chapeau qu’il tournait toujours entre ses doigts, il s’essuya le front et le cou. Des curieux accouraient et, tout en le saluant, ils considéraient d’un air perplexe son balluchon qu’ils trouvaient un peu léger pour un homme parti depuis si longtemps. Ils saluaient le Hadji avec un respect mêlé d’affection, puis ils ôtaient leurs chaussures et pénétraient du pied droit dans le rectangle de joncs tressés où ils s’asseyaient en murmurant Bismillah. La longueur des salutations était proportionnelle à l’âge et à la position de chacun. Ici, les traditions sont un mélange de religion, de sagesse et de superstitions transmises par l’exemple, et qui commencent par le culte des anciens. Ces derniers sont au centre et à la périphérie de la vie de la communauté. »
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