Fiche Livre
Photo
| Décembre 2006
Congo River
Thierry Michel
Pays concerné : République du Congo
ISBN : 2874156124
Prix : 39.50
Parution : 01 Décembre 2006

Français

Un voyage photographique au cœur de l’Afrique
Voir aussi « Congo River » long-métrage documentaire 90 min
Prix du meilleure film d’art et d’essai européen, Festival de Berlin 2006


(Extraits)

« Désormais, une immense plaie m’habite… qu’allais-je donc chercher dans ce pays ? » André Gide, Voyage au Congo

…Car au-delà des ténèbres, il y a la vie, tout simplement. Celle de ceux qui travaillent sur et au bord du fleuve : les pêcheurs, les chasseurs, les agriculteurs, les forestiers, les petits commerçants, et ceux qui conduisent les barges, les pirogues. La vie dans tous ses états, celle des rituels, des chants, des danses, celle de ces cérémonies qui rythment l’existence : une naissance, un baptême, un groupe de prière, une initiation traditionnelle, une levée de deuil.

Celle aussi des peuples du Congo qui ont à maintes reprises payé le prix du sang pour un minimum de dignité.

Ce voyage, je ne l’ai pas entrepris seul, ni pour le film ni pour le livre. J’ai été entouré d’une équipe qui m’a aidé, soutenu, éclairé. Lye Mudaba Yoka, journaliste et dramaturge congolais, avec lequel j’avais déjà collaboré sur « Mobutu, roi du Zaïre », nous plonge dans l’univers mythique du fleuve, nous entraîne à la découverte de sa face cachée. Tandis qu’Isidore Ndaywel é Nziem, professeur et historien, auteur de la célèbre somme anthologique Histoire du Congo, nous raconte le fleuve dans sa dimension géographique et historique.

Photographier le fleuve d’un pays-continent à peine sorti de conflits sanglants et sous l’emprise de chefs de guerre régionaux et de fractions rebelles ne coule pas de source, tant au niveau de la sécurité de l’équipe que de l’organisation du voyage. Mon expérience du pays et la reconnaissance des films que j’y ai réalisés, comme Mobutu, roi du Zaïre, m’ont ouvert un certain nombre de portes, même si dans les zones non contrôlées par le pouvoir, ce fut le règne de la débrouille si chère aux Congolais… Mobutu, roi du Zaïre, bien au-delà de mes espérances, avait conquis le cœur des Congolais, toutes factions confondues. Il avait permis un travail de mémoire, d’identification historique.

J’ai ressenti combien était grande l’aspiration des Congolais à retrouver une image forte et identitaire de leur pays, et combien la remontée de ce fleuve à un moment d’unification et de reconstruction de ce pays était importante.

Congo River représente six mois de voyage, soit un périple de plus de 3 500 km pour remonter le fleuve par tous les moyens de transport possibles et imaginables, tant fluviaux que terrestres, barges, pirogues et canots sur les parties navigables, mais aussi 4×4, motos et même vélos sur certains tronçons plus ou moins carrossables – en privilégiant les transports publics locaux afin de partager la vie de la population congo-laise.

Sans oublier les avions petits porteurs et hélicoptères indispensables pour réaliser les prises de vues aériennes des paysages les plus majestueux, en particulier les innombrables rapides et chutes.

La réalisation de ces images n’a pas été facile. II a fallu aller dans des endroits difficilement accessibles Au cœur de la saison des pluies, les pistes et sentiers ne sont plus praticables; ni les motos, ni les 4×4 ne pouvaient permettre d’échapper au fleuve, seule voie de communication.

Du Bas-Congo et ses mangroves à Kinshasa, ville des Babeti Libangua (casseurs de pierre) de l’Équateur connue autre-fois pour l’ivoire et le caoutchouc rouge, à Kisangani, ville de mythes légendaires et de fantômes historiques, du Maniema et ses pêcheurs au Katanga et à ses immenses ressources minières, le fleuve se découvre : puissant, majestueux, conquérant… Ce livre est inspiré de mes nombreux voyages au Zaïre et en République démocratique du Congo, depuis quinze ans. Il se nourrit de ces séjours, de ces rencontres, de ces découvertes, de ce désespoir parfois, de ces espérances, que j’ai vécus au cœur de ce pays. Il se nourrit aussi d’innombrables lectures, essais, contes philosophiques, romans, récits de voyages, reportages journalistiques, dont je n’ai cessé de m’imprégner.

Comment aborder l’Afrique dans son intemporalité et son universalité, comment parler de ce continent au passé, au présent et au futur, comment filmer et photographier ces paysages et ces hommes, au plus profond de leur culture et de leur tradition.

Comment surtout capter et transmettre ce qui fait le bonheur, mais aussi le tragique de ce continent, exprimer ce que cette région du monde peut transmettre aux autres cultures et civilisations comme valeurs fondatrices, en termes d’échange et de dialogue, dans cette relation du donner et du recevoir qui est la base de toute relation humaine. Avec Congo River, film et livre à la fois, je poursuis ce voyage, cette quête de lumière et de ténèbres, porté par un désir, celui de remonter encore davantage dans le mystère et les profondeurs de ce pays et de sa forêt équatoriale, dans le temps et l’histoire de ce fleuve majestueux qui continue inexorablement sa route.

Un voyage au cœur de l’Afrique en forme d’hymne à la vie, à l’égal de cette végétation indomptable qui enserre le fleuve, qui nous fait remonter de l’embouchure à la source, tout au long de ces 4 374 km, le plus grand bassin fluvial du monde, celui du fleuve Congo. Cinquième fleuve par sa longueur, deuxième par son débit, le Congo raconte l’histoire du pays auquel il est intimement lié, sa genèse énigmatique, son parcours sinueux contre vents et marées, ses brusques arrêts, ses élans vains. Et même si l’Afrique a accumulé un retard technologique considérable dans la course au développement et au profit en termes de culture, de mode de vie, de célébration de la vie et de respect de la mort, l’Afrique a encore bien des choses à nous offrir. Et si Stanley, explorateur mercenaire au service des puissances royales et impériales de l’époque coloniale, s’est enfoncé au cœur de ce continent pour y imposer la poigne de fer du joug colonial, d’autres, comme Livingstone, ont été aspirés par ce continent dans une quête personnelle et existentielle, dans une ivresse mystique qui les a conduits à la mort.

C’est sur les traces des uns et des autres que nous partirons sur le fleuve, pour mieux comprendre ce continent noir où s’affrontent si violemment les forces de vie et les forces de mort, ce grand fleuve aujourd’hui oublié des grands courants médiatiques et le plus souvent réduit à ces images exotiques…

« La mémoire, c’est comme une calebasse mise à l’eau : vide, elle surnage au risque de se fracasser ; remplie, elle s’immerge pour se conserver au fond des eaux, au fond des temps. »
(Proverbe Téké)
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