Au début du XIXe siècle, dans un quartier populaire du Caire, des relations de voisinage et d’amitié se sont nouées entre trois hommes: Yazid, dont les parents avaient péri à Alexandrie lors de l’invasion des troupes de Bonaparte ; Ata, qui venait de se marier avec une jeune femme d’origine maghrébine, héritière d’un petit commerce ; enfin, le cheikh Qalyoubi, un enseignant à la mosquée université d’Al-Azhar. Les trois amis ont vécu les péripéties de l’expédition française, surtout les deux révoltes du Caire, puis la prise du pouvoir par Muhammad Ali.. L’officier albanais qui allait entreprendre la modernisation de l’Egypte.
Mahfouz nous conte l’histoire des descendants de ces trois personnages, et cela jusqu’à la fin du XXe siècle. A travers eux, qu’il scrute avec la précision d’un entomologiste, c’est la société égyptienne tout entière qui nous est restituée, avec ses luttes de classe, ses conflits de générations, ses métamorphoses, mais aussi son identité irréductible.
Ce roman, l’avant-dernier de Mahfouz, est un tour de force, un véritable feu d’artifice offert à ceux qui l’ont accompagné fidèlement tout au long de sa carrière. Il consiste en effet en un dictionnaire biographique des personnages, classés par ordre alphabétique, sans le moindre souci chronologique. Trois arbres généalogiques se dessinent ainsi, peu à peu, comme un puzzle, et leurs branches s’entrelacent pour former une fresque immense qui parachève aussi bien le cycle réaliste de l’auteur que ses romans et nouvelles écrits sous le choc de la défaite de 1967.