Fiche Livre
Littérature / édition, Histoire/société
RéCIT, TéMOIGNAGE | Juin 2004
Orphelins de la Révolution
Cheick Oumar Kanté
Pays concerné : Guinée
Edition : Menaibuc
Pays d’édition : France
ISBN : 2-911372-46-6
Pages: 367
Prix : 22.00
Parution : 15 Juin 2004

Français

Le point de vue du tout premier lecteur du tapuscrit, encore bien grossier, intitulé: Le Chemin de l’Exil, un professeur de civilisation contemporaine à l’Université d’Abidjan en 1972, est le suivant:

« … J’ai été très sensible à [son]intérêt historique et humain. C’est un témoignage important pour la compréhension des événements qui se sont déroulés ces dernières années dans votre pays… »

Les avis d’un second lecteur puis d’un troisième, professeurs, eux, à l’Université de Bordeaux III en 1981, soit neuf ans plus tard, confirment la relative valeur que pourrait avoir ladite prose:

« … La matière est d’une grande richesse. Ce qui (…) séduit, c’est l’aspect témoignage extrêmement vivant… »

« … Le travail est intéressant mais il y a sans doute moyen de raconter davantage d’histoires, de la vie et encore de la vie ! En faisant durer plus longtemps le voyage et en creusant dans les souvenirs… »

Le jugement, en 1999, du comité éditorial d’une maison éponyme du second substantif contenu dans le titre du manuscrit – traité à l’ordinateur désormais – tranche sans ambages, quant à lui:

« … Plusieurs lecteurs ont été sensibles à l’atmosphère de votre récit et à la vision à la fois personnelle et générale que vous avez des événements. La Guinée s’y découvre avec certainement plus de vérité et de finesse que dans un livre d’histoire ! … »

L’enthousiasme d’un certain éditeur, amoureux récent mais bien transi d’écritures africaines, le week-end de la Pentecôte de l’An 2000, jette même un peu d’huile sur le feu littéraire naissant mais qui devient vite avec lui un feu de paille ridicule, fort heureusement, tous comptes faits:

« … J’ai lu votre récit. Il recèle des pépites. Vous venez d’écrire la Condition humaine numéro 2 ! (…) De toute façon, certains de vos tableaux sont dignes de Jérôme Bosch ! … »

C’est l’expertise en 2001 d’un excellent rewriter à la retraite qui redonne au projet sa juste mesure:

« … Pour quelqu’un qui a vécu à Conakry, un tel récit évoque bien des choses et, souvent, serre le cœur.
Texte bien écrit, langage clair, très peu de fautes d’orthographe et/ou de syntaxes… Je trouve … la seconde partie (…) plus vivante, plus passionnante à lire que la première… »

Et la sentence en 2003 d’une jurée de Prix littéraire faisant concourir des… manuscrits vient boucler, de façon équilibrée, le florilège d’impressions plutôt élogieuses dans leur ensemble:

« … J’ai aimé le début de l’œuvre qui me paraît intéressant à la fois par son aspect documentaire et par sa force romanesque…
En revanche, plus le récit [se rapproche]de l’autobiographie plus, me semble-t-il, il perd en relief, en pouvoir de suggestion… »

Et, pourtant, Cheick Oumar KANTE aura dû attendre trente-deux ans, pour voir édité en cinquième position dans sa production littéraire Le Chemin de l’Exil, rebaptisé au fil du temps: Enfant de la Révolution (au singulier, d’abord ; au pluriel, ensuite) avant de porter le titre définitif de: Orphelins de la Révolution !
Ce récit qui aurait pu paraître en bonne et due première place lui aura donc inspiré quatre livres édités et cinq inédits dont Trente-deux ans de rétention ! Une méditation tragi-comique sur l’acte d’écriture en vue d’une publication, une dénonciation savoureuse et en règle de ce qu’il considère comme un délit, jamais puni, de Non-assistance à écrivain en danger…
Mais, alors qu’il destinait l’exercice en question à quelques amis et à des personnes de confiance, il a succombé, en définitive, à la tentation de toujours solliciter la lecture d’éditeurs et autres universitaires, plus souvent émus que secourables, quand ils ont daigné, par courtoisie, accuser réception du texte et donc exprimer une réaction quelconque. L’essai obtenu vaudra-t-il d’être rendu public dans quelques années ? Plus rien ne presse, Orphelins de la Révolution venant bel et bien d’être publié ! …
Sur sa couverture, des petits oiseaux figurent à merveille leur arrachement des pattes d’un prédateur d’envergure mais aussi leur espoir de retour au nid de la mère, héroïque malgré sa fragilité. C’est en deux volets – le premier, l’exil à l’aller et le second, la transhumance du retour – ou plus exactement à tire d’ailes que le corps du récit révèle ce qu’était la Guinée: la perle de l’Afrique Occidentale française, ce qu’elle est devenue sous Sékou Touré: une tragédie familiale et nationale et sa dérive du moment, vingt après la mort de ce dernier.
Orphelins de la Révolution donne à voir, à entendre, à sentir et à ressentir sur les Guinéens qui se sont égarés de façon dangereuse et, peut-être, durable. Mais il laisse penser, aussi, qu’il n’est pas illusoire d’espérer un avenir meilleur pour un peuple, parmi les plus chaleureux d’Afrique noire, les causes majeures de son blocage structurel et conjoncturel rendues évidentes, à présent.
Quant au maître de cérémonie, Le Chef Suprême de la Révolution, c’est par touches successives qu’il affleure le long du récit jusqu’à la saturation et à l’implosion. Rayonnant de « splendeur », en effet, le jour d’un célèbre Conseil National de la Révolution, il tirera sa révérence, comme on sait, au Pays de l’Impérialisme triomphant. S’y révèle par conséquent un Sékou Touré, comme jamais personne ne s’était encore, à froid, hasardé à lui tirer le portrait !
C’est même l’entière condition africaine dans toute son humanité que relate Orphelins de la Révolution puisque les pérégrinations du narrateur l’ont conduit au Mali, en Côte d’Ivoire, en Centrafrique et en France.
La fresque relève de la belle épopée, son auteur – qui prétend, lui, ne pas violer la langue française mais la stimuler avec son consentement – l’ayant écrite, fait lire, réécrite et refait lire jusqu’à l’épure ou presque.
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