Murmures

« C’est tout le Maghreb qui a la fièvre », questions-réponses avec le président de l’association Coup de soleil
janvier 2011 | Communiqués de festivals | Littérature / édition | France

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A l’occasion du 17ème Maghreb des livres
Le président de Coup de soleil, Bernard Gentil a été amené à répondre à trois questions de deux journalistes qui l’interrogeaient sur ce 17ème Maghreb des livres que l’association Coup de soleil dédie, les 5 et 6 février prochains, aux lettres tunisiennes. Voici les réponses qu’il a apportées à 2 questions du lundi 10 janvier puis à une dernière question de ce mardi 18 janvier 2011.

– Comment envisagez-vous ce retour dans les salons de l’Hôtel de ville de Paris après quatre éditions dans d’autres locaux ?

Bien entendu, nous sommes très heureux de retrouver ce lieu central, prestigieux et très adapté à nos besoins. Dès son élection à la tête de la capitale en mars 2001, Bertrand Delanoë, (membre de Coup de soleil depuis la création de l’association en 1985) m’a demandé de l’organiser à l’Hôtel de ville, cette « Maison des Parisiens » comme il dit, qu’il voulait aussi ouvrir sur le monde. Nous nous y sommes donc installés de 2001 à 2006. Puis la préfecture de police a exigé, de manière tout à fait légitime, que le bâtiment soit remis aux normes de sécurité. Ce n’est pas une mince affaire car il fallait d’importants travaux sur un bâtiment aussi ancien et il fallait, en même temps, que les services municipaux puissent continuer à y travailler : le choix a donc été fait de mener ces travaux durant 3 ans, entre juin et octobre chaque année (2007, 2008 et 2009). Nous avons été hébergés, durant ces trois années, par la mairie du 13e arrondissement. Nous aurions du « revenir à la maison » en 2010 mais les travaux ne se sont achevés qu’au printemps. C’est pourquoi nous avons noué ce partenariat exceptionnel, en février 2010, avec la CNHI (Cité nationale de l’histoire de l’immigration), qui nous a accueillis pour le 16e Maghreb des livres au Palais de la Porte Dorée dans le 12e arrondissement. Nous voici donc, aujourd’hui, en passe de réintégrer l’Hôtel de ville : nous bénéficierons de surfaces utiles légèrement moindres, en raison des nouvelles normes de sécurité mais, encore une fois, nous y retournons avec un immense plaisir. Et puis, hasard de la vie, nous avions décidé, en 2001, pour remercier le maire de Paris, de mettre à l’honneur les lettres de son pays natal : la Tunisie. Et, avec la rotation adoptée depuis lors : Tunisie, Maroc, Algérie, ce sont à nouveau les écrivains tunisiens qui seront en vedette cette année !

L’agitation sociale en Tunisie trouvera-t-elle un écho particulier dans cette édition du Maghreb des livres consacrées aux lettres tunisiennes ?

La Tunisie est durement secouée, l’Algérie l’est aussi et le Maroc reste bien fragile. C’est tout le Maghreb qui a la fièvre. Mais la crise frappe aussi la Méditerranée et l’Europe, à des degrés différents certes, mais avec les mêmes ingrédients : crise économique et financière, chômage à la hausse, malaise de la jeunesse, contestation sociale, perte de confiance dans l’avenir, crispations identitaires et xénophobie, discrédit du politique… Alors oui, la Tunisie est aujourd’hui sous les projecteurs et la répression y est très dure, c’est le moins que l’on puisse dire. Quel écho cela aura-t-il sur le Maghreb des livres ? Je ne saurais vous le dire, à plus de trois semaines de la manifestation… mais le Maghreb des livres, ce grand rassemblement d’intellectuels et d’écrivains, a toujours été une caisse de résonance, un miroir de l’évolution de leurs sociétés, qu’il s’agisse du « Maghreb de là-bas », outre-Méditerranée ou du « Maghreb d’en France » : c’est l’un des rôles majeurs de tous les créateurs à travers le monde et particulièrement de ceux qui manient la plume. On y parlera donc sûrement, et pas seulement de manière savante, de la fièvre qui agite nos rivages.

– Quel impact la brûlante actualité tunisienne peut-elle avoir sur un Maghreb des livres dédié aux lettres tunisiennes ?

Au départ, devant la violence de la répression, nous avons surtout craint que des auteurs invités – je pense par exemple à notre ami Mahmoud Ben Romdhane, qui a fondé et présidé la section tunisienne d’Amnesty international – se voient privés de sortie. Mais c’est finalement cette répression sanglante qui a fait exploser le régime. Sauf rebondissements qui ne sont malheureusement pas à écarter, nous devrions donc avoir le plaisir de retrouver à l’Hôtel de ville tous nos amis Tunisiens. Et de leur dire notre admiration pour un peuple qui vient de se remettre debout, en payant le prix fort ! Quant au Maghreb des livres, il ne va pas subir, bien entendu, de modification particulière dans son architecture. Mais je suis certain que les écrivains, les artistes et le public participant, qu’ils soient Tunisiens, Maghrébins ou Français, voudront mettre à profit cet espace privilégié de culture, de réflexion et de libre expression pour évoquer cette extraordinaire et salutaire secousse, venue de Tunisie mais qui interpelle tous les peuples de la Méditerranée.
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