Murmures

Luck Razanajaona primé au Festival de Rotterdam 2018, Pays-Bas
février 2018 | Palmarès | Cinéma/TV | Pays-Bas

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Le Malgache est un des quatre vainqueurs du programme CinéMart. Kemtiyu, Lumumba, Sankofa et la Réalité Virtuelle sont au programme.
Ils étaient 400 à s’inscrire à la 35è édition de CineMart, le Marché de coproduction du film du  Festival International du Film de Rotterdam 2018 (IFFR, 24 janvier-04 février 2018). CineMart offre aux réalisateur et producteur l’opportunité de présenter leur projet de film à des professionnels du cinéma, permettant ainsi aux nominés d’avancer dans le développement et leur recherche de financements. Pour cette édition, seize films ont été retenus dont 4 ont été primés mercredi 31 janvier au soir, CinéMart décernant ses prix bien avant la clôture du festival néerlandais.

Le réalisateur malgache Luck Razanajaona était nominé. Il remporte le Prix Wouter Barendrecht qui est décerné aux cinéastes de moins de 35 ans, ayant fait moins de trois longs métrages, ce qui est le cas de Luck dont ce serait le premier long métrage fiction. Dédié aux jeunes cinéastes présentant un projet au CineMart, le prix porte le nom de l’ancien responsable du programme CineMart, Wouter Barendrecht, décédé en 2009. Par ailleurs fondateur et président de la société Fortissimo Films, une fondation lui est dédiée (la WBFF) dont le but est d’encourager les jeunes cinéastes talentueux. Ningdu (USA) de Lei Lei avait reçu le Prix Wouter Barendrecht en 2017.

Diplômé de l’Ecole Supérieure des Arts Visuels (ESAV) de Marrakech, Luck Razanajaona a remporté plusieurs prix et son œuvre a été montrée dans plusieurs villes du monde. Il s’est fait conaître avec Madama Esther (2013, court métrage soutenu par l’OIF), un bouleversant court métrage d’une grande maîtrise technique autour de la complicité d’une grand-mère et son petit-fils qui se donnent les moyens de vivre leurs rêves dans le contexte purulent d’une réalité cruelle.

Son projet de film Disco Afrika  raconte la vie de Kwame, jeune malgache de 25 ans essayant de survivre au jour le jour et travaillant comme extracteur clandestin de saphir dans la région sud de Madagascar. A la suite d’un grave accident, il se retrouve sans domicile fixe dans les rues de la capitale Antananarivo, avant de retourner dans sa ville natale, à l’Est de Madagascar. Il découvre dans les affaires de son père; une pile d’anciens disques 45 tours des années 70 qui regroupent différents artistes Afrobeat ouest africains. Kwame plonge dans une autre facette de cette île rouge, héritage des troubles successives que Madagascar a connu depuis 1947-1960 jusqu’à nos jours. À la suite de péripéties, il va quitter la grande île pour le continent africain. Les producteurs annoncés du film sont Luck RAZANAJAONA, Rabary Herizo et Ludovic Randriamanantsoa. La durée estimée du film est de 80 minutes.

Disco Afrika a déjà remporté le Prix STEPFUND pour le développement (Luxor African Film Festival 2015, Egypte) ainsi que deux prix au Durban Film Mart 2016 (Afrique du Sud) : le Prix Rotterdam Lab et le Prix OIF pour le développement. Il a été sélectionné à la résidence d’écriture Réunion en Hauteur (Île de la Réunion), pour ce projet de film, en juin 2017.

Le cinéaste malgache développe en outre un autre projet de long métrage fiction, Le chant des Tlous (Prix Groupe Eclair, au Pavillion des Cinémas du monde – Festival de Cannes 2012). Il est également en recherche de financements pour cet autre projet de film.

 

L’Afrique présente à Rotterdam : entre films historiques ou récents et réalité virtuelle.

En 1966, il était célébré comme l’intellectuel noir qui aura le plus marqué son siècle (avec William DuBois) : Cheikh Anta Diop, un polymathe et panafricaniste. En effet l’homme embrassait avec aisance une foultitude de domaines du savoir : philosophie, physique nucléaire, chimie, histoire et linguistique. Militant, il ne se contentait pas de slogans : il a écrit pour démontrer l’unité historique du continent, pour démontrer les voies d’une indépendance économique au sortir de la grande période de violence coloniale, il a créé son parti pour réunir les énergies positives nécessaires à la transformation de sa société. C’est cette figure sans pareille que le réalisateur Ousmane William Mbaye a su capter de manière exceptionnelle, sans tomber dans l’hagiographie. Une pétition lancée par une citoyenne sénégalo-française, Dieynaba Sar, demande que la télévision nationale à Dakar diffuse ce documentaire multiprimé, Kemtiyu (soutenu par l’OIF et programmé à Rotterdam 2018).

Autre grande figure, Haile Gerima dont l’oeuvre est mise en exergue dans ce festival néerlandais qui programme en autres Sankofa où un mannequin africaine-américaine venue au Ghana pour une séance de photos va voyager dans le temps et se retrouver propulsée au temps de l’esclavage. Le réalisateur éthiopien réussit un des films majeurs de l’histoire du cinéma (Teza est aussi un bijou).

Rotterdam fait les choses en grand et programme également Lumumba de l’Haïtien Raoul Peck qui a d’abord réalisé un documentaire portrait avant de faire cette fiction magistrale qui a révélé à un large public la grande classe d’Eriq Ebouaney. L’acteur français est à l’affiche dans un autre film du festival : Une saison en France, de Mahamat-Saleh Haroun, une fiction « pour donner un visage et une sensiblité à des gens dont on parle souvent en chiffres et à leur place » confiait-il au public du cinéma Utopia Bordeaux, en avant-première (le film est actuellement dans les salles françaises).

L’Egypte est présente avec Poisonous Roses, de Ahmed Fawzi Saleh qui portraiture une jeunesse étranglée par la pauvreté à travers Saqr (22 ans, travaillant dans une tannerie et préoccupé à emprunter clandestinement les routes de l’émigration forcée) et  sa sœur de 28 ans Taheya qui n’aura peut-être même pas le temps de se demander si c’est l’homme qui prend la mer ou la mer qui prend l’homme.

La Ghanaéenne Akosua Adoma Owusu continue de tracer un chemin poétique avec Mahogany Too, un film de trois minutes où, d’après le résumé dont nous disposons, elle revisite le film classique Mahogany et l’icône Diana Ross jouant Tracy Chambers. Nous prévoyons depuis longtemps un portrait de la réalisatrice.

Le Nigeria accède peu à peu à l’honorabilité des grands festivals, échappant à l’infâme tendance de montrer les films de Nollywood (ou assimilé) uniquement dans des sélections dédiées, comme un strapotin. Signalons ici deux courts métrages, POM VS. QUACKS, de Abba Makama (12mins) et My Mother’s Stew, de Sade Adeniran (5mins).

La réalité virtuelle est devenue un fait et le monde panafricain donne de la voix. La preuve par quatre avec les oeuvres  de la section « PACT Virtual Reality », Let This Be a Warning du Collectif The Nest (Kenya), Spirit Robot de Jonathan Dotse (Ghana), Hard World for Small Things de Janicza Bravo (Etats-Unis) et The Other Dakar de Selly Raby Kane (Sénégal).

 

 

Les vainqueurs 2018 du CineMart

Prix Eurimages Co-Production Development : Mitra, de Kaweh Modiri, produit par BALDR Film (Pays-Bas), 20 000 €, pour le développement d’une co-production internationale.

Prix Filmmore Post-Production : Electrocute, de Gastón Solnicki, produit par Rei Cine SRL (Argentina), 7 500 €, pour financer l’étalonnage et les effets spéciaux du film.

Prix ARTE International (décerné à une co-production internationale) : A White, White Day, de Hlynur Pálmason, produit par Join Motion Pictures/Snowglobe (Islande/Danemark), 6 000 €.

Prix Wouter Barendrecht : Disco Afrika, de Luck Razanajaona, produit par We Film (France/Madagascar), 5000 €.

 

 

 

Thierno I. Dia

Images Francophones

 

 

 

Image : Luck Razanajaona, réalisateur et producteur malgache.

Crédit : courtesy / gracieuseté Andry R. 
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