Murmures

Lettre ouverte au Président de la République
juin 2021 | Divers | Musique | France

Français

par le réseau Zone Franche
Paris, le 3 juin 2021
Monsieur le Président de la République,
Les artistes professionnels étrangers, de toutes origines et de tous territoires, participent activement à la richesse et diversité de la vie culturelle française.
Ils sont de formidables ambassadeurs du dialogue entre les cultures, des liens sensibles avec les pays du Sud, et incarnent les valeurs d’ouverture et de tolérance dont notre société a tant besoin en cette période marquée par le repli sur soi et la tentation au localisme le plus étriqué.
La tradition d’accueil des artistes étrangers sur le sol français contribue également à développer la filière culturelle dans son ensemble et celle des Musiques du Monde en particulier, pour laquelle la France reste une référence mondiale. Cette filière étant très durement impactée par la crise sanitaire, quasiment « clouée au sol » en raison des difficultés de circulation internationale depuis plus d’un an.
Si nous nous réjouissons de voir aujourd’hui à nouveau à l’affiche des festivals et des lieux de spectacle un nombre moins restreint d’artistes étrangers, en particulier ceux qui participent à la saison Africa 2020, nous sommes cependant très inquiets des obstacles et conditions d’accès à la mobilité réservées aux autres, ce qui constitue à nos yeux un traitement inéquitable par rapport à d’autres professions et inégalitaire entre les artistes eux-mêmes.
Nous savons évidemment que les conditions des mobilités internationales sont à ce jour extrêmement contraintes, soumises aux procédures légitimement imposées par la crise sanitaire (tests, quarantaines, mesures dérogatoires…), que la règle est à la restriction en particulier pour les ressortissants extra-européens dont les déplacements restent strictement limités aux motifs impérieux.
Mais la règle, justement, doit être la même pour tous.
Or force est de constater une différence de traitement et de considération entre certains secteurs et métiers, également orientés à l’international et le secteur artistique.
La principale difficulté porte sur l’accès aux visas de court séjour et l’obtention nécessaire de dérogation pour motif impérieux (laissez-passer) permettant aux professionnels étrangers extra-européens de se rendre en France. Contrairement à d’autres secteurs, notamment celui du sport ou de l’économie, les professionnels artistiques ont bien du mal à faire reconnaitre le caractère impérieux de leur activité, pourtant totalement légitime dans la mesure ou leur prestation ne peut facilement être déplacée sans dommage économique et, nous insistons aussi sur ce point, préjudice culturel.
A ce titre, il nous semble aujourd’hui impératif et urgent de reconnaitre le caractère de motif impérieux pour le déplacement de tous les artistes étrangers répondants aux conditions d’exercice de leur profession (contrat de travail reconnue par l’administration française) et de leur faciliter ainsi à nouveau l’accès aux visas de court séjour.
La mise en place actuellement d’une procédure prioritaire et efficace de délivrance des visas pour les artistes invités dans le cadre de la saison Africa 2020 que vous avez souhaitée, montre qu’une prise en compte de l’exception culturelle est possible sur le plan administratif. Elle illustre aussi de manière positive l’intérêt d’une instruction plus collégiale des demandes de visas pour les personnels artistiques, associant des référents culturels.
Mais, en l’état, ce que d’aucun considère comme un traitement de faveur introduit une inégalité de traitement et une certaine discrimination à l’endroit des autres artistes professionnels étrangers invités à se produire dans notre pays.
Aussi, il y a urgence à enfourcher le tigre de la mobilité internationale des artistes.
Au-delà des artistes eux-mêmes, ce sont nos festivals, nos territoires, l’image de la France qui y gagneront. Et les perspectives d’évolutions à partir du 9 juin prochain, avec la volonté affichée de faciliter les déplacements dans le cadre d’une plus forte concertation européenne, nous semble une très bonne opportunité pour agir.

C’est pourquoi, nous vous demandons :
1/ De rétablir l’accès aux visas de court-séjour pour l’ensemble des artistes étrangers prochainement programmés dans les festivals et lieux culturels.
2/ Pour anticiper les démarches qui concernent aujourd’hui de nombreux professionnels dans l’urgence, de ré-ouvrir au plus tôt les prises de rendez-vous au sein des consulats et des prestataires extérieurs en charge de cette mission de service public.
3/ A l’heure de la classification par pays sur la base d’indicateurs sanitaires, n’oublions pas que beaucoup de pays du Sud, notamment africains, connaissent des taux d’incidence très faibles. Rien ne justifie qu’ils continuent à être déclassés. A ce titre il nous semblerait logique que la plupart des pays du Sud rejoignent la liste verte des pays ou le virus ne circule pas activement.
4/ En ce qui concerne les artistes en provenance des pays de la liste orange (ou le virus circule plus activement mais dans des proportions maitrisées), nous demandons une égalité de traitement entre les professions concernant les mesures de quarantaine.
5/ Afin de favoriser un accès équitable aux visas pour les professionnels culturels étrangers, il nous parait important d’entrevoir à partir du 9 juin la suppression des demandes dérogatoires de type « Laissez-passer » pour les artistes issus des pays des listes verte et orange.
6/ Enfin, et en complément, nous attirons votre attention sur l’importance de garantir une équité de traitement à l’endroit des artistes français ultramarins et de faciliter leur mobilité et présence dans les festivals et rendez-vous culturels à venir.
Saisissons cette opportunité d’une nouvelle étape à compter du 9 juin pour rétablir un accès plus équitable et non discriminatoire des artistes étrangers à la mobilité.

Une étape qui s’inscrive notamment dans le souhait exprimé de bâtir de nouveaux liens entre la France et l’Afrique. Près de trois ans après le discours de Ouagadougou et à quelques semaines du Sommet Afrique-France prévu en juillet, nous avons ici l’occasion d’affirmer un peu plus notre ouverture sur les artistes des pays du Sud et, à travers ces liens renouvelés, notre « communauté de destins ».

Veuillez croire, Monsieur le Président de la République, à l’assurance de notre respectueuse considération.
Le réseau Zone Franche
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