Fiche Spectacle
Danse
DANSE
Tichelbé
Pays concerné : Mali
Contributeur(s) : Kettly Noël

Français

Chorégraphie : Kettly Noël
Danseurs : Mamadou Diabaté, Kettly Noël
Conception musicale: Patrick et Louise Marty
Administratrice : Nathalie Blanchet
Coproduction : Festival du Théâtre des réalités (Bamako), CCF de Bamako,
Festival du Sud au Sud (Marseille)

Un cri dont la fêlure est perceptible se loge dans le corps de la femme. Une colère désemparée agite ses membres, elle se heurte au vide de la solitude. Un homme surgit de la pénombre ; Il s’approche de la femme, esquisse un geste pour elle, vers elle. Elle fuit, se lance contre lui, trébuche, tournoie comme un oiseau de proie. La proie c’est elle, elle aussi, devrait-on dire. Elle le regarde, s’arrête le souffle court et repart en vrilles incessantes, se brise. Elle se cogne à sa vie. Maladroite. Elle le sait. Elle se heurte de front comme pour provoquer la violence. La pièce est vide comme pour mieux palper la souffrance intérieure de cette femme aux yeux qui s’égarent, qui glissent sur l’homme qui tente de la soutenir mais finit par la lâcher. Encore un abandon. Elle file dans un coin mais a oublié pourquoi, retourne sur l’homme, s’accroche à lui, dans ses yeux passent toutes les peurs, son corps se froisse comme une torche. Elle tombe, il la rattrape, l’attrape, la porte, la jette, elle se rue sur lui comme une désespérée, essaye une caresse. Il la repousse, la repousse encore, flageole sur ses jambes. Il est à terre. Elle vient vers lui, le couve des yeux. Il se relève. Elle court. Il l’attire, l’accule au mur, la traîne, la tire, la secoue. Rien n’y fait. L’angoisse habite dans cette maison, elle rend les murs poisseux. Elle se jette dans l’air comme pour tenter de retenir son être en train de se défaire, de la déserter, de faire d’elle un désert. Il s’en va. La porte claque. Un mince rai de lumière jaillit. Noir.
Il est encore là, tapi dans un coin. Ca n’a plus beaucoup d’importance soudain. Elle est assise. Elle crie. Elle regarde autour d’elle sans rien voir. Elle est enfermée dans son corps malgré son désir d’en sortir, malgré ses ruades, ses chahuts et ses chavirements. Les sons qui l’entourent grincent, crissent, grésillent, témoins d’un vacarme intérieur, des cliquetis dans sa tête qui lui font perdre l’esprit. Sa conscience lui dicte des gestes incohérents. Maintenant elle gît au sol, rampe. Son corps a des soubresauts comme en rêve. L’homme la suit dans ce duo au ras du sol qui se permet toutes les audaces gestuelles. Un solo de clarinette étreint le coeur tandis que l’un et l’autre tentent enfin de se rejoindre… Voulant rendre compte des émotions d’une femme guettée par la schizophrénie, Kettly Noël a conçu avec Tichelbé une chorégraphie à la gestuelle extrêmement personnelle. La scénographie tout comme la musique, remarquables, sont parties prenantes et contribuent à créer une ambiance unique de huis clos dont on ne sait finalement s’il représente une chambre dévastée ou les ravages de l’enfermement mental.
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