Fiche Spectacle
THéâTRE
Tous les Algériens sont des mécaniciens
Contributeur(s) : Mohamed Fellag

Français

La création du nouveau spectacle de Fellag, dont le thème central reste l’Algerie, aura lieu aux Nuits de Fourvière en juin prochain. L’événement sera précédé par une série de lectures publiques dans différents lieux à partir d’avril. Fellag livre l’essence de ce work in progress :

Fellag par John Folley »À l’occasion de réunions familiales ou amicales, les comédiens-auteurs, ont l’habitude de saisir le moment opportun où, par des subterfuges dont ils ont le secret, ils se mettent à « jouer » des textes nouveaux, et ce, dans l’intention d’en tester la valeur ainsi que l’efficacité. Les « subterfuges » sont destinés à endormir la vigilance des proches pour éviter qu’ils ne rient ou ne fassent semblant d’être ému, uniquement dans le but de faire plaisir.
Lors de ces « séances », les artistes mettent en jeu toutes les ficelles du métier pour incarner les personnages et les sentiments contenus dans leurs histoires comme s’ils racontent des faits réels survenus le jour même.

Généralement, quand les « spectateurs » réagissent positivement et disent : « Dis donc, ça, si c’est pas un sketch que tu as écris, tu devrais le garder ! », c’est dans la poche. Mais s’ils se mettent à commenter le faux Picasso qui trône sur un mur du salon ou à dire : « Je reprendrai bien de ce fromage… », c’est râpé ! L’histoire qui fait un tabac dans le cercle des amis a beaucoup plus de chance de fumer du cigare parmi le public « professionnel » que celle qui fait un plouf.

Mais entre les histoires qui marchent très fort tout de suite et celles qui n’ont pas de substance et donc aucun avenir, il y a les autres. Celles qui ont besoin d’être revisitées, réaménagées, bref, retravaillées. »
Présentation

Salim occupait jadis le poste d’intendant général dans un lycée et sa femme Shéhérazade celui de professeur de français. Faisant partie de la génération des Algériens qui ont été formés en langue française, ils se sont retrouvés tous deux au chômage après que la loi sur l’arabisation de l’enseignement fut décrétée.
Ils ont dû quitter le logement de fonction qu’ils occupaient à l’intérieur du lycée pour se retrouver avec leurs enfants dans un bidonville de la périphérie d’Alger.
En bon Algérien « qui se respecte », Salim s’est toujours frotté avec succès à ce sport national qu’est la mécanique. Pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille, il a ouvert un atelier de réparation automobile.

Felag par John Folley Avec une verve toute méditerranéenne, ce couple truculent nous raconte leur vie. Il nous fait également découvrir les personnages hauts en couleurs qui animent ce campiello algérien. Il nous révèle l’absurde de leur quotidien, il témoigne de l’ingéniosité de chacun pour accéder par la ruse à la modernité et aux technologies nouvelles. Les activités de l’atelier de mécanique, les techniques farfelues pour fabriquer des paraboles avec des couscoussiers destinées à capter les médias internationaux, les astuces déployées pour faire face aux coupures d’eau imposées depuis les années 1980 jusqu’à nos jours, font partie des mécanismes de résistance dont Shéhérazade et Salim sont les acteurs. Avec un humour parfois noir et souvent tendre, ils nous entraînent joyeusement dans cette société où la tradition et la modernité ne cesse de jouer chat et à la souris.
Extrait

Dans la rue, il suffit qu’un chauffeur ouvre le capot de sa voiture pour que des dizaines de passants s’agglutinent autour et pointent leur nez dans le moteur pour voir ce qui ne tourne pas rond là-dedans. Pendant que quelques-uns demandent au propriétaire malchanceux ce qui s’est passé exactement et se renseignent sur l’indice qui a précédé la panne, d’autres se penchent pour déterminer la provenance de la faille. Ils passent en revue les différents composants du moteur et instaurent un débat riche et contradictoire sur les origines et les raisons de l’incident.
Le moteur d’une voiture est le seul endroit du pays où la démocratie s’exerce en toute liberté, égalité, fraternité. Chaque citoyen quelle que soit sa tendance politique ou religieuse est libre d’émettre, sans risque, son avis et le confronter à ceux des autres. Vous pouvez être démocrate, apostat, islamiste, évangéliste, athée, hindouiste, scientologue, blanc, jaune, noir, un idiot international, un imbécile du Djurdjura ou un crétin des Alpes… devant un carburateur grippé, une batterie à plat, un radiateur qui fuit, la nature humaine renoue avec la fraternité originelle.
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