Les tirailleurs africains et malgaches dans la Résistance

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De nombreux soldats africains et malgaches ont participé, souvent héroïquement, aux actions de la Résistance dans la France occupée par l’Allemagne. Ignorée des livres d’histoire, leur mémoire continue de vivre à travers l’hommage que leur rendent les populations locales. Portraits de  » tirailleurs inconnus « .

Le 10 mai 1940, jour de l’offensive allemande contre la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, environ 70 000 combattants originaires du continent noir et de Madagascar se trouvent dans la zone des armées. Dans l’adversité et au milieu de la débâcle générale, ils vont se sacrifier et subir des pertes importantes. Des généraux ennemis, tel le futur maréchal Rommel, rendront plus tard hommage à leur courage désespéré. Beaucoup moins chevaleresques, certains de leurs subordonnés ont en revanche procédé à l’exécution sommaire de nombreux tirailleurs prisonniers et désarmés.
Lorsque l’armistice est proclamé, le 25 juin 1940, environ 30 à 40 000 combattants coloniaux ont été tués, blessés ou capturés par l’adversaire. Certains, portés disparus, errent dans les bois, comme à Buchy près de Rouen. D’autres encore sont hébergés chez l’habitant, tel Zié Ouattara à Grandrupt-de-Bains dans les Vosges. Ce fut le cas également du Béninois Jean Nouatin, caché en 1940 par la population d’Estrée Saint Denis (Oise), où il s’est d’ailleurs fixé après la guerre et où il a terminé sa vie. Les rescapés sont, quant à eux, regroupés dans la région de Fréjus, Saint-Raphaël et Rivesaltes. Au fur et à mesure des possibilités maritimes, ils sont rapatriés via le Maroc ou affectés dans des corps stationnés en Afrique du Nord et au Levant.
Les soldats noirs faits prisonniers avaient tout d’abord été conduits en Allemagne. Mais bientôt, par peur de la propagation de maladies tropicales ou de possibles relations avec les Aryennes, ils sont, dès l’automne 1940, ramenés en zone occupée par l’armée allemande. Dans 57 camps, qu’on appelait des  » Frontstalag « , ils vont subsister dans des conditions misérables. Beaucoup s’évadent avec la complicité des habitants, d’autres sont rapatriés pour raisons sanitaires, essentiellement à cause de la tuberculose. Le 8 octobre 1941, une mission dénombre 15 777 Africains et 3888 Malgaches encore captifs.
Le 31 décembre 1943, les Frontstalag comptent encore 10 475 détenus de cette origine. Leurs camarades libérés et ceux qui n’ont pu regagner leur pays natal à cause de l’interruption des communications maritimes entre l’Afrique et la métropole, entièrement occupée depuis le 11 novembre 1942, sont incorporés dans six groupements de militaires indigènes coloniaux rapatriables. Ils y sont encadrés par des officiers et des sous-officiers français. Le 5 juin 1944, 1757 Africains et 8016 Malgaches se trouvent dans les rangs de ces organismes où ils se livrent à des travaux agricoles et forestiers, voire à des tâches destinées à édifier des fortifications le long des côtes de la Méditerranée.
Des soldats convoités
Ces hommes disciplinés, militairement instruits et combattants chevronnés vont faire en 1944 l’objet d’une triple convoitise. Les généraux collaborationnistes de Vichy manifestent l’intention de les faire servir dans une armée française reconstituée, participant à l’effort de guerre de l’Allemagne. Le Président Laval, chef du gouvernement du maréchal Pétain veut, de son côté, les transformer en gardiens de prison et de camp d’internement. Les chefs des maquis qui se créent de plus en plus en France désirent, quant à eux, les armer, étant donné leurs aptitudes à combattre. Ainsi, le colonel Chaumel commandant la brigade Charles Martel, écrit en juin 1944 :  » L’attaque du Frontstalag 180 à Amboise abritant des prisonniers africains a permis de récupérer quelques-uns de ces soldats d’élite.  »
Bien entendu, les deux premiers projets de récupération préconisée par les collaborateurs vont échouer devant le refus catégorique des cadres des GMICR, en général acquis à la Résistance. En revanche, lors de la libération de la France durant l’été 1944, environ 2000 à 3000 Africains ou Malgaches servant dans les Forces françaises de l’intérieur vont entrer en action dans une trentaine de départements. Certains y trouveront une mort glorieuse.
Il est impossible de retracer des opérations de grande ampleur, la majorité des cas les tirailleurs ayant lutté isolément ou en petits groupes avec leurs camarades clandestins métropolitains. Ainsi, si des unités africaines ont combattu au Vercors et des formations malgaches en Haute Garonne et dans le Cher, un seul tirailleur sénégalais se trouve au maquis Fantome dans la Meuse.
Henri Nogueres, dans son Histoire de la Résistance, cite le cas d’un FFI africain du maquis André, capturé en Côte-d’Or. Alors qu’il est interrogé par un officier allemand, le maquisard réussit à s’emparer de l’arme de ce dernier et l’abat. Il rejoint plus tard ses camarades, malheureusement, l’histoire n’a pas retenu son nom.
Dans le même ordre d’idée, lors de la libération de Paris en août 1944, un Africain surnommé Duckson ou le Lion noir du XVIIe abat tous les occupants d’un char ennemi. Les actualités de l’époque montrent un militaire sénégalais en uniforme de 1940, blessé, ainsi que le Général de Gaulle un bref instant escorté par un FFI africain, alors qu’il descend triomphalement les Champs Elysées. Le 20 septembre 1944, le tirailleur malgache Randriamazy Pierre, se sacrifiant pour protéger le repli de ses camarades est tué à Yves (Charentes) en compagnie du soldat Lanz âgé de 18 ans.
Ce sont quelques-unes de ces tirailleurs qui se sont illustrés dans la résistance que nous nous proposons ici de faire revivre.
Les premiers maquisards
Le 4 janvier 1941, le cadavre d’un soldat indigène âgé d’une vingtaine d’années, vêtu d’un uniforme en haillons, est découvert gisant sur la neige dans un petit bois du village de Bosc Bordel, commune de Buchy (Seine maritime). Cet inconnu appartenait à un petit groupe de trois tirailleurs sénégalais qui, après les sanglants combats de la Somme en juin 1940, s’étaient réfugiés en ces lieux pour échapper à l’ennemi. Ils avaient construit une hutte de branchage à l’africaine et subsistèrent durant tout un rigoureux hiver en chapardant quelques volailles dans les fermes des alentours et en déterrant des légumes dans les champs.
Au début de l’année 1941, un paysan intrigué par des traces sur le sol finit par découvrir les deux survivants qui s’enfuirent. Leur sort demeure inconnu, mais nul doute que dans un coin de la campagne normande les trois fusils de ces maquisards avant la lettre sont encore enfouis. En effet, les tirailleurs sénégalais n’avaient pas coutume d’abandonner leurs armes à leurs adversaires. Le corps du militaire décédé a été inhumé au cimetière du village. Sa tombe est toujours entretenue par la population qui considère l’Africain venu mourir si loin de son pays comme son  » tirailleur inconnu « .
Un spécialiste de l’évasion
Le 4 septembre 1940, le tirailleur malgache Resokafany Justin, fait prisonnier en juin de la même année, s’évade du Frontstalag 135 à Rennes. Aidé par des pêcheurs bretons, il réussit à gagner l’Angleterre où il s’engage dans les Forces françaises libres. Affecté au 1er régiment d’artillerie, il combat en Libye, en Tunisie et en Italie. C’est au cours de cette dernière campagne qu’il tombe une nouvelle fois aux mains des Allemands. Ramené en France, il est détenu au Frontstalag 153 à Orléans. Le 11 juin 1944, pour la deuxième fois, il fausse compagnie à ses gardiens et rejoint les Forces françaises de l’intérieur dans la région de Châteauroux. Dans les rangs des maquisards, il participe activement à la libération de l’Indre avant d’être rapatrié en 1946 à Madagascar.
Un des premiers résistants
En juin 1940, le tirailleur Ba Adi Mamadou du 12e RTS s’est courageusement battu dans les Ardennes, sur la Meuse et dans la Haute-Marne. Capturé, il est conduit avec ses camarades vers le camp de Neufchâteau (Vosges). Au cours du trajet, il réussit à s’évader avec une trentaine de ses compatriotes. Après avoir récupéré des armes abandonnées, la petite troupe se réfugie dans les bois de Saint-Ouen les Parey, où elle subsiste misérablement. Faisant courir un danger à la population, ces clandestins, dont quelques-uns sont blessés, sont ensuite évacués vers la Suisse par un groupe de patriotes.
Ba Adi, plus connu sous le nom de Adi Ba, estime que son devoir est de continuer la lutte sur place. Dès le mois d’octobre 1940, il entre en contact avec deux futurs membres du réseau  » Ceux de la Résistance « , l’instituteur Froitier et le plombier Arburger. Intelligent, faisant montre d’un ascendant remarquable sur ses camarades et d’un charisme évident envers la population, le Guinéen fait rejoindre la Suisse à Laurence Horne, un aviateur britannique abattu le 7 novembre 1942 en Haute-Marne, mais qui reprendra la lutte par la suite.
En mars 1943, Adi Ba participe à la création du premier maquis vosgien, dénommé Camp de délivrance, entre Martigny les Bains et Robecourt. L’organisation abrite 80 jeunes Français, 18 Russes et deux Allemands déserteurs de la Wehrmacht.
Le 11 juillet 1943, les deux transfuges s’enfuient et vont révéler à leurs supérieurs les emplacements du maquis. Le surlendemain, à l’aube, le camp est investi par des forces ennemies, très supérieures en nombre et en armement. Arrêtés et faits prisonniers, les clandestins sont déportés dans le Reich d’où bien peu reviendront en mai 1945. D’autres, plus heureux, réussissent à s’enfuir.
Absent le jour de l’attaque, Adi Ba est traqué par la police allemande. Il est finalement arrêté le 15 juillet. Au cours de sa capture mouvementée, il est blessé par une rafale de pistolet-mitrailleur. Conduit à la prison de la Vierge à Epinal, il est atrocement torturé, mais refuse avec opiniâtreté de révéler les noms de ses compagnons de résistance. Mis en présence de quelques-unes d’entre eux tombés aux mains de la Gestapo, il dit ne pas les connaître. Adi Ba et son camarade Arbuger sont fusillés le 18 décembre 1943 sur le plateau de la Vierge à Epinal.
Depuis le 11 novembre 1991, une rue de Langeais (Indre et Loire), ville où a vécu le Guinéen avant son incorporation au 12e RTS, porte son nom. Le corps de ce résistant est inhumé à la Nécropole nationale de Colmar. En 2003, 60 ans après son exécution et de multiples démarches, la médaille de la Résistance lui a enfin été décernée.
Un irréductible
En 1942, un Nigérien, Jean-Marc Coulibaly, détenu au Frontstalag 194 de Nancy, passe son temps au cachot. En effet, il refuse obstinément de travailler pour l’occupant. Il clame à qui veut l’entendre :  » Je suis venu en France pour battre les Allemands et non pour travailler pour eux.  » D’ailleurs, un an auparavant, en voulant s’évader, il saute du 3e étage d’une caserne à Strasbourg et se blesse grièvement.
Las, les Allemands le transfèrent au Frontstalag 141 de Vesoul, camp de représailles pour les indigènes coloniaux. Il y multiplie les refus d’obéissance envers les ordres de ses gardiens. Durant l’été 1944, la Wehrmacht évacue le camp vers le Reich. Au cours du trajet, l’aviation américaine mitraille le train à Evette Salbert (Territoire de Belfort). Les prisonniers s’évadent alors des wagons disloqués et rejoignent le maquis de la Planche des belles filles. Blessé au cours d’un combat, le Nigérien, conduit de l’autre côté du Rhin, aurait été fusillé. Toutes les recherches effectuées pour connaître son sort sont demeurées vaines.
Bérets rouges et chéchias
Le 10 juin 1944, l’état-major du XXVe corps d’armée de la Wehrmacht signale dans la région d’Auray (Morbihan) la présence de trois prisonniers de guerre africains évadés. Ces hommes ont rejoint le 8e groupe de commandos, largué dans la nuit du 5 au 6 juin, sous les ordres du lieutenant français Villard. Cette équipe est signalée comme composée de  » terroristes très dangereux « . Le 18 juin suivant, lorsque les parachutistes du 2e régiment français combattent à la ferme du Bois Joly près de Saint-Marcel, deux Africains qui ont faussé compagnie à leurs gardiens viennent se mettre à la disposition du détachement commandé par l’aspirant Mariani. Ils se battent avec acharnement pour défendre la position. Lorsque les commandos pressés par un adversaire très supérieur en nombre doivent rompre le combat, ils refusent de quitter leurs camarades.
Ils déclarent au jeune officier :  » On reste, on veut faire la guerre avec toi, Chef.  » Trois jours plus tard, à la ferme Les Prioux, l’aspirant Mariani, le parachutiste Vautelin et le tirailleur Ibrahima, encerclés, résistent de 7 heures à 11 heures. Les trois combattants tomberont les armes à la main.
La section franche des tirailleurs sénégalais du Vercors
En ce haut lieu de la Résistance, 3909 membres des Forces françaises de l’intérieur ont combattu pour la libération du pays. Parmi eux, 52 tirailleurs sénégalais ont partagé leurs sanglantes épreuves.
Jusqu’en juin 1944, ces Africains, anciens prisonniers de guerre, travaillent dans un port pétrolier de la Wehrmacht à Lyon. À l’instigation d’un de leurs sous-officiers, le Sergent Vilcheze, ils rejoignent le 24 juin, le plateau du Vercors occupé par les FFI. Formés en une section franche, ils vont désormais combattre avec les cavaliers du 11e régiment de cuirassiers. Lorsqu’ils reçoivent leurs fusils, un témoin remarque  » leur fierté d’être à nouveau armés, alors que dans leurs yeux se lit l’expression des souffrances passées « .
Tout d’abord, les tirailleurs sont utilisés à des actions de harcèlement dans la Drôme où en traversant les villages, ils sont acclamés par la population ravie de les voir. À la mi-juillet, la 157e division d’infanterie de montagne de la Wehrmacht, sous les ordres du général Pflaum, s’apprête à investir le massif. Les Africains sont alors englobés dans un système défensif avec deux compagnies de chasseurs alpins. Cet ensemble censé tenir un front de 15 kilomètres est placé sous les ordres du capitaine Goderville, pseudonyme du journaliste Jean Prévost. Dans la soirée du 20 juillet, ils reçoivent la mission d’interdire l’accès de deux cols. Dès le lendemain, ils subissent de plein fouet l’assaut d’un bataillon ennemi. Très éprouvés, ils doivent ensuite rejoindre la ferme d’Herbouilly, mais ils n’y parviennent pas, le dispositif FFI ayant été rompu par les Allemands. Ils sont alors contraints de se séparer en deux groupes.
Le premier de ces détachements progresse dans la forêt de Lente, affamé et sous des trombes d’eau. Se nourrissant de fraises des bois et buvant l’eau des ornières, les tirailleurs marchent trois jours en évitant les patrouilles ennemies qui parfois passent à quelques mètres d’eux. Enfin, ils retrouvent les cavaliers du 11e RC. Le 30 juillet, ils sont attaqués par surprise et le caporal SA Traoré est blessé. Après un engagement très violent, les chasseurs de montagne de la Wehrmacht sont repoussés. Puis, jusqu’au 10 août, privés de ravitaillement, la troupe africaine se déplace pour retrouver ses compatriotes.
Le deuxième groupe, fort de quatorze tirailleurs, participe le 23 juillet à une contre-attaque sur une position allemande située à 1873 mètres d’altitude. Par la suite, pour rompre l’étreinte de l’adversaire, les Africains marcheront dix jours sur des sentiers de haute montagne. Sans autre nourriture que quelques moutons récupérés, les tirailleurs en tête de la colonne FFI éventent les petits postes ennemis. Constituant désormais deux sections, ils participent le 16 août à la libération de Romans sur Isère où le tirailleur Samba M’bour est tué. Le lendemain, il est inhumé au milieu d’une foule émue. Au cours de la libération de la ville, l’escadron africain du 11e RC a pris deux mitrailleuses immédiatement retournées vers l’assaillant et capturé plus d’une dizaine d’adversaires.
Cependant, le 27 août, la 11e division blindée de la Wehrmacht reprend Romans. Mis en difficulté par 18 chars lourds, les Africains se replient en traversant un canal à la nage. Ils reviennent dans la ville définitivement libérée trois jours plus tard. Le 3 septembre, ils prennent part à la prise de Lyon en occupant de vive force le quartier de la Part Dieu. À la fin du même mois, ils rejoignent le sud de la France pour être rapatriés.
De nos jours, au musée de la Résistance à Vassieux en Vercors, une fresque illustre l’épopée du massif. Parmi les personnages qui y sont représentés aux côtés des résistants, maquisards, chasseurs alpins et paysans ravitailleurs de clandestins, figure la silhouette d’un tirailleur sénégalais, juste hommage rendu au courage de ces Africains qui ont participé à un événement resté célèbre dans les annales de la libération de la France.
La mort d’un caporal africain
Au printemps 1944, le caporal Souleymane Diallo, ancien prisonnier de guerre rejoint la 23e Compagnie de FFI comptant au maquis Latourette fort de 400 hommes. Le 19 août 1944, la formation se dirige vers Saint-Pons (Hérault) afin d’y intercepter un important convoi ennemi battant en retraite. Le combat qui se déroule au Pont de Rach est très violent. Au bout d’une heure d’affrontement, l’adversaire est gêné dans ses mouvements par le tir du mortier confié au caporal Souleymane Diallo. Les soldats de la Wehrmacht mettent alors un canon de 37 en batterie qui prend à partie l’engin de l’Africain. Celui-ci, impavide, continue à envoyer ses obus sur l’adversaire. Mais, touché par un gros éclat, il s’écroule, mortellement atteint sur la pièce. Peu après, l’ennemi rompt le combat en laissant le canon de 37 aux mains des FFI, ainsi que deux mitrailleuses. Aujourd’hui, à Saint-Pons, la mémoire du courageux Africain est honorée chaque 19 août.
Le sacrifice du caporal Idrissa Diana
Le 20 août 1944, trois prisonniers de guerre africains, le caporal Idrissa Diana qui s’est déjà illustré en 1940 et les tirailleurs Coulibaly Dossè et Bokou Fofana s’évadent du camp de Suippes (Marnes). Ayant préalablement établi un contact avec la résistance locale, ils gagnent après trois jours de marche le maquis de Lancon (Ardennes). Le chef de ce dernier, le capitaine Werner note que  » ses trois nouvelles recrues se font remarquer par leur tenue impeccable, leurs valeurs morales et leurs aptitudes au combat « , ajoutant :  » Lorsqu’ils perçoivent leur armement, ils pleurent de joie et de fierté retrouvée.  »
Le 29 août au matin, les trois nouveaux maquisards marchent en tête d’une colonne qui escorte un chargement d’armes parachutées durant la nuit. Alors qu’ils vont arriver aux avant-postes FFI, ils se retrouvent devant un blindé allemand à la recherche du convoi. Sur le champ, le caporal Idrissa Diana s’élance tout seul impétueusement à l’assaut et, parvenu à 10 mètres du char, vide sur lui, dans un geste dérisoire, le chargeur de son pistolet-mitrailleur Sten. Le panzer riposte d’une longue rafale de mitrailleuse de 13,2 qui atteint mortellement le gradé au bas-ventre. Devant une action aussi téméraire et croyant à une contre-attaque plus fournie, les Allemands renoncent au combat. Les armes convoyées dans les deux tombereaux tirés par des chevaux sont ainsi sauvées de même qu’est préservée la vie des maquisards de l’escorte.
Le caporal Idrissa Diana a été inhumé à la Nécropole nationale de Floing. Jusqu’à la fin de sa vie son chef, le capitaine Werner est venu pieusement fleurir la tombe de son gradé africain.
Les maquisards africains de Bavière
Le 19 avril 1945, le brigadier-chef Sanou Badian, fait prisonnier en juin 1940, se présente à l’officier français de liaison auprès du 106e régiment de rangers de l’armée des Etats-Unis, qui vient d’occuper Nuremberg. Le militaire africain déclare au capitaine interloqué avoir pris une grave décision au début avril, étant le gradé le plus ancien du détachement de travail auquel il était affecté. Il avait en effet donné l’ordre à ses 46 compagnons de captivité de surprendre leurs sept gardiens, de les désarmer et de les enfermer dans leur ancien cantonnement. Le programme avait été réalisé à la lettre très rapidement la nuit suivante.
Le lendemain, les 300 habitants de Klein Schwartzenlohe avaient été réveillés à leur grande surprise par les tirailleurs qui venaient de se libérer eux-mêmes. Revolver au poing, Sanou Badian avait convoqué le maire de la localité et lui avait rudement enjoint de rudement lui obéir. Il avait consigné les villageois chez eux afin de garder secrète la présence de ses camarades en cas de passage d’une troupe ennemie dans la région. En même temps, il avait réquisitionné de la nourriture et des logements confortables pour ses hommes.
A la suite de ce récit, l’officier français part avec le gradé africain en reconnaissance vers le bourg nouvellement occupé par les anciens prisonniers. Arrivé à destination, Sanou Badian siffle et ses hommes, vêtus de toutes sortes de pièces d’uniformes mais solidement armés, se rangent impeccablement sur la place du village. L’officier de liaison passe alors la troupe en revue. tirailleurs sénégalais rescapés des combats de la Somme, Malgaches vétérans de la bataille des Ardennes, Tchadiens des bataillons de marche de la France libre capturés en Italie, tous ces militaires sont fiers d’avoir repris les armes après tant d’humiliations endurées.
Les anciens prisonniers formeront ensuite deux sections de combat qui sont incorporées au 121e groupe de rangers américain. Avec cette formation, les tirailleurs nettoient les bois autour de Nuremberg en faisant en deux jours 36 prisonniers dont deux officiers. À la fin du mois de mai 1945, tous rejoignent la première armée française.
Combattants humiliés par la défaite de 1940, souvent témoins impuissants des exécutions de leurs camarades, assassinés au mépris des lois de la guerre par un ennemi rendu furieux, tant la résistance opposée par les corps de tirailleurs se montrait opiniâtre, tous les résistants évoqués ici ont voulu retrouver leur fierté de soldat lors de la libération du territoire. Avec leurs camarades de souffrances, Indochinois, Maghrébins, et Malgaches, ils ont, en des circonstances tragiques, illustré les vers de Léopold Sédar Senghor :  » Aux champs de la défaite si j’ai replanté ma fidélité c’est que Dieu de sa main de plomb avait frappé la France.  »

Engagé volontaire pour la durée de la guerre en 1944, le colonel Maurice Rives a participé aux dernières opérations de la seconde guerre mondiale, de même qu’aux conflits d’Indochine et d’Algérie. Aujourd’hui à la retraite, il se consacre à la recherche historique. Auteur de Héros méconnus (Lavauzelle, 1993), une histoire des tirailleurs africains durant les deux guerres mondiales, et d’un ouvrage consacré aux militaires indochinois au service de la France, Les Linh Tâp (Lavauzelle, 1999), il a également rédigé une soixantaine d’articles sur l’histoire militaire de la péninsule indochinoise de 1859 à 1989. Opiniâtre défenseur de ses frères d’armes, il est à l’origine du Conseil national pour les droits des anciens combattants et militaires d’Outre-Mer de l’armée française.///Article N° : 3909

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Un commentaire

  1. GRANDCOLAS Alain le

    Bonjour,

    Pouvez-vous me dire comment je peux me procurer le livre de Maurice RIVE : Les Tirailleurs malgaches et senégalais dans la résistance .

    Merc d’avance et cordiales salutations

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