« Du rétablissement de l’esclavage a l’application du code civil (1802-1805) ou la réaction coloniale par le droit a la Guadeloupe sous le régime napoléonien »
Organisée par la LDH

Conférence-débat
Le 11 Avril 2008
Horaires : 00:00
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Histoire/société
Pointe-à-Pitre – Guadeloupe
Salle Rémy Nainsouta
Français
Dans l’historiographie française du rétablissement de l’esclavage en 1802, seule la loi du 20 mai (30 floréal an X) était traditionnellement évoquée dans l’historiographie nationale. Or, en ce qui concerne la zone des Amériques, cette loi ne s’appliquait qu’aux colonies restituées à la France par le traité d’Amiens, ce qui exclut la Guadeloupe, redevenue française depuis 1794, et dans laquelle l’abolition de l’esclavage avait été appliquée. Le retour au système esclavagiste en Guadeloupe ne pouvait juridiquement se faire en vertu de cette loi.
Un historien et juriste local du XIXe siècle, Auguste Lacour, avait évoqué un autre texte, un arrêté consulaire de Bonaparte du 16 juillet 1802, mais sans en donner la source. Ce texte juridique était souvent confondu avec un arrêté local du général Richepance du 17 juillet, et restait totalement ignoré par les historiens « nationaux », y compris les spécialistes les plus réputés, tels Yves Bénot, Thierry Lentz et Pierre Branda.
Récemment, Frédéric Régent avait rappelé l’existence de cet arrêté dans sa thèse sur la Guadeloupe soutenue en 2002, mais toujours sans donner la source de ce texte. De plus, le recueil de textes historiques concernant les évènements de 1802 édités par les Archives départementales la même année n’avait pas présenté ce mystérieux document.
Pour établir de façon certaine son existence, il fallait donc retrouver ce document dans les Archives, un texte qui n’avait pas été publié à l’époque, comme il aurait du l’être, au Bulletin des lois, et n’avait pas été repris dans les recueils de législation du XIXe siècle, bien que promulgué localement en 1803 à la Guadeloupe par le nouveau gouverneur Ernouf.
C’est à Jean-François Niort, responsable du Groupe de recherche en histoire du droit et des institutions d’outre-mer (GREHDIOM), au sein du Centre d’analyse géopolitique et internationale (CAGI) de l’UAG, que l’on doit se s’être penché sur cette question, avec l’aide d’un jeune chercheur d’Aix-Marseille III, Jérémy Richard, membre associé du GREHDIOM.
Les deux universitaires viennent de présenter cette découverte lors du colloque « les silences nationaux sur les esclavages et les traites » qui s’est tenu en Martinique sur le campus de Schoelcher les 19 et 20 mars à l’initiative du Centre international de recherches sur les esclavages (CIRESC) du CNRS (v. les reportages RFO dans les journaux de 19h30 de Télé-Martinique du 19 mars et de Télé-Guadeloupe du 21 mars), insistant notamment sur l’illégalité de l’arrêté et le fait qu’il aggrave le rôle personnel qu’a joué Bonaparte dans le rétablissement de l’esclavage.
En ces temps de devoir de mémoire, spécialement en cette année du 160e anniversaire de l’Abolition de 1848, et dans le cadre du futur Mémorial de l’esclavage et de la traite que la Région Guadeloupe a mis sur les rails, c’est une page particulièrement sombre de l’histoire de l’esclavage en France qui se trouve rappelée et confirmée à travers ce document historique, dont il faut espérer que, dorénavant, ni les historiens « nationaux » ni les manuels scolaires ne puissent plus le passer sous silence…
A propos de silence historiographique, il en existait un autre, celui qui avait entouré l’application du Code civil de 1804 à la Guadeloupe, comme dans les autres colonies, fin 1805. Celui-ci y avait certes introduit les principes de liberté et d’égalité civiles, mais avec deux restrictions de taille. D’une part, ils ne s’appliquaient pas aux esclaves, retombés dans la servitude depuis 1802, précisément en vertu de l’arrêté évoqué plus haut. De 1805 à 1848, deux Codes vont donc s’appliquer concomitamment en Guadeloupe : le Code noir et le Code civil. D’autre part, le Code civil ne s’appliquait à la population de couleur libre que de façon « interne », tout rapport juridique normal lui étant interdit avec les Blancs en matière familiale (mariage, filiation), et patrimoniale (successions, testaments, donations). A ce véritable « apartheid » juridique s’ajoutaient les mesures discriminatoires qui pesaient déjà sur les gens de couleur libres sous l’ancien régime, restaurées depuis 1802 en même temps que l’esclavage.
Cette thématique avait fait l’objet d’un colloque international qui s’était tenu à Pointe-à-Pitre les 1er-3 décembre 2005 sous l’égide du CAGI-GREHDIOM et du Barreau de la Guadeloupe, à l’occasion du bicentenaire de l’application du Code civil à la Guadeloupe. Les actes de ce colloque, auquel avaient participé des juristes mais aussi d’éminents historiens locaux (J. Adélaïde-Merlande, J.-P. Sainton, F. Régent), sont parus depuis dans un n° spécial et double du Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe (n° 146-147, janvier-août 2007) et dans une forme plus complète dans l’ouvrage Du Code noir au Code civil. Jalons pour l’histoire du Droit à la Guadeloupe. Perspectives comparées avec la Matinique, la Guyane et la République d’Haïti, avec une préface d’Henri Bangou (L’Harmattan, 2007).
La conférence du 18 avril présentera au public guadeloupéen une synthèse de ces recherches et de cette découverte, dans le but de combler ces « silences » de l’histoire coloniale de la France, en insistant sur le caractère particulièrement réactionnaire de la politique coloniale qui fut menée par le régime de Napoléon Bonaparte.
Contact :
Jean-François Niort
Maître de conférences en Histoire du Droit et des Institutions à l’UAG
(UFR Droit de Guadeloupe)
Responsable du département Histoire et du Groupe de recherche en histoire du droit et des institutions d’outre-mer (GREHDIOM) au sein du CAGI (E.A. 930)
Membre du conseil scientifique du Centre international de recherches sur les esclavages
(CIRESC-CNRS)
0690 35 16 29
[email protected]
Un historien et juriste local du XIXe siècle, Auguste Lacour, avait évoqué un autre texte, un arrêté consulaire de Bonaparte du 16 juillet 1802, mais sans en donner la source. Ce texte juridique était souvent confondu avec un arrêté local du général Richepance du 17 juillet, et restait totalement ignoré par les historiens « nationaux », y compris les spécialistes les plus réputés, tels Yves Bénot, Thierry Lentz et Pierre Branda.
Récemment, Frédéric Régent avait rappelé l’existence de cet arrêté dans sa thèse sur la Guadeloupe soutenue en 2002, mais toujours sans donner la source de ce texte. De plus, le recueil de textes historiques concernant les évènements de 1802 édités par les Archives départementales la même année n’avait pas présenté ce mystérieux document.
Pour établir de façon certaine son existence, il fallait donc retrouver ce document dans les Archives, un texte qui n’avait pas été publié à l’époque, comme il aurait du l’être, au Bulletin des lois, et n’avait pas été repris dans les recueils de législation du XIXe siècle, bien que promulgué localement en 1803 à la Guadeloupe par le nouveau gouverneur Ernouf.
C’est à Jean-François Niort, responsable du Groupe de recherche en histoire du droit et des institutions d’outre-mer (GREHDIOM), au sein du Centre d’analyse géopolitique et internationale (CAGI) de l’UAG, que l’on doit se s’être penché sur cette question, avec l’aide d’un jeune chercheur d’Aix-Marseille III, Jérémy Richard, membre associé du GREHDIOM.
Les deux universitaires viennent de présenter cette découverte lors du colloque « les silences nationaux sur les esclavages et les traites » qui s’est tenu en Martinique sur le campus de Schoelcher les 19 et 20 mars à l’initiative du Centre international de recherches sur les esclavages (CIRESC) du CNRS (v. les reportages RFO dans les journaux de 19h30 de Télé-Martinique du 19 mars et de Télé-Guadeloupe du 21 mars), insistant notamment sur l’illégalité de l’arrêté et le fait qu’il aggrave le rôle personnel qu’a joué Bonaparte dans le rétablissement de l’esclavage.
En ces temps de devoir de mémoire, spécialement en cette année du 160e anniversaire de l’Abolition de 1848, et dans le cadre du futur Mémorial de l’esclavage et de la traite que la Région Guadeloupe a mis sur les rails, c’est une page particulièrement sombre de l’histoire de l’esclavage en France qui se trouve rappelée et confirmée à travers ce document historique, dont il faut espérer que, dorénavant, ni les historiens « nationaux » ni les manuels scolaires ne puissent plus le passer sous silence…
A propos de silence historiographique, il en existait un autre, celui qui avait entouré l’application du Code civil de 1804 à la Guadeloupe, comme dans les autres colonies, fin 1805. Celui-ci y avait certes introduit les principes de liberté et d’égalité civiles, mais avec deux restrictions de taille. D’une part, ils ne s’appliquaient pas aux esclaves, retombés dans la servitude depuis 1802, précisément en vertu de l’arrêté évoqué plus haut. De 1805 à 1848, deux Codes vont donc s’appliquer concomitamment en Guadeloupe : le Code noir et le Code civil. D’autre part, le Code civil ne s’appliquait à la population de couleur libre que de façon « interne », tout rapport juridique normal lui étant interdit avec les Blancs en matière familiale (mariage, filiation), et patrimoniale (successions, testaments, donations). A ce véritable « apartheid » juridique s’ajoutaient les mesures discriminatoires qui pesaient déjà sur les gens de couleur libres sous l’ancien régime, restaurées depuis 1802 en même temps que l’esclavage.
Cette thématique avait fait l’objet d’un colloque international qui s’était tenu à Pointe-à-Pitre les 1er-3 décembre 2005 sous l’égide du CAGI-GREHDIOM et du Barreau de la Guadeloupe, à l’occasion du bicentenaire de l’application du Code civil à la Guadeloupe. Les actes de ce colloque, auquel avaient participé des juristes mais aussi d’éminents historiens locaux (J. Adélaïde-Merlande, J.-P. Sainton, F. Régent), sont parus depuis dans un n° spécial et double du Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe (n° 146-147, janvier-août 2007) et dans une forme plus complète dans l’ouvrage Du Code noir au Code civil. Jalons pour l’histoire du Droit à la Guadeloupe. Perspectives comparées avec la Matinique, la Guyane et la République d’Haïti, avec une préface d’Henri Bangou (L’Harmattan, 2007).
La conférence du 18 avril présentera au public guadeloupéen une synthèse de ces recherches et de cette découverte, dans le but de combler ces « silences » de l’histoire coloniale de la France, en insistant sur le caractère particulièrement réactionnaire de la politique coloniale qui fut menée par le régime de Napoléon Bonaparte.
Contact :
Jean-François Niort
Maître de conférences en Histoire du Droit et des Institutions à l’UAG
(UFR Droit de Guadeloupe)
Responsable du département Histoire et du Groupe de recherche en histoire du droit et des institutions d’outre-mer (GREHDIOM) au sein du CAGI (E.A. 930)
Membre du conseil scientifique du Centre international de recherches sur les esclavages
(CIRESC-CNRS)
0690 35 16 29
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