Le fonds « Charlot » :Une acquisition exceptionnelle pour la BFM
A l’occasion de cet événement : expositions et des rencontres à la Bibliothèque Francophone Multimédia de la Ville de Limoges.

Rencontre/réunion
du 21 Octobre au 29 Novembre 2003
Horaires : 00:00
Horaires : 00:00
Littérature / édition
Limoges – France
Français
Le programme des manifestations
Les expositions
« L’Ecole d’Alger au temps des Vraies richesses »
du 21 octobre au 29 novembre 2003 dans le hall de la BFM
La petite librairie d’Edmond Charlot appelée « Les vraies richesses » ainsi qu’une rue d’Alger seront reconstituées et mises en scène par l’artiste-peintre Sylvie Christophe dans le hall de la Bibliothèque Francophone Multimédia (BFM) de Limoges. Après une maîtrise d’Arts Plastiques, Sylvie Christophe découvre le tapis d’Orient dont elle fera son principal thème de réflexion. Elle travaille les papiers récupérés, peints, découpés, pliés, cousus ou tissés. Elle s’intéresse aux décors des poteries algériennes et aussi aux motifs de dallages cisterciens. Sylvie Christophe travaille et vit en Corrèze depuis 1992 et prépare actuellement des carnets et livres d’artiste.
Dans cette librairie, on découvrira certains ouvrages du fonds « Charlot » acquis récemment par la BFM de Limoges. Ainsi, aux côtés des principaux écrivains de l’Ecole d’Alger, le public pourra découvrir des livres aujourd’hui introuvables comme L’envers et l’endroit d’Albert Camus ou Les hommes oubliés de Dieu d’Albert Cossery. Parallèlement, dix panneaux illustreront grâce à des images et à des textes les principales étapes des éditions Charlot. On pourra également admirer les photos de Leroux et des tableaux de Pavel Macek.
Enfin, un document filmé, intitulé « La bande à Charlot », sera projeté en boucle. Réalisé par les équipes de la BFM, on y retrouvera Edmond Charlot pour un entretien inédit, la fille de l’écrivain Emmanuel Roblès, Jacqueline Roblès Macek, Frédéric-Jacques Temple, et le libraire Mohamed Abid qui a retrouvé les ouvrages acquis par la BFM.
« Emmanuel Roblès »
du 21 octobre au 29 novembre 2003 dans le jardin d’hiver de la BFM
Pour la première fois, la Bibliothèque Francophone Multimédia présentera une exposition consacrée à Emmanuel Roblès (1914-1995), entièrement conçue et réalisée par Guy Dugas, professeur à l’Université de Montpellier et spécialiste de l’auteur.
Ainsi une série de 12 panneaux, illustrés par des documents uniques associeront les différentes périodes de la vie de l’auteur à des extraits de son œuvre. Six autres panneaux mettront en valeur des manuscrits ou tapuscrits d’Emmanuel Roblès prêtés gracieusement par Jacqueline Roblès Macek, fille de l’écrivain : Le Vésuve, Montserrat, des poèmes et un dossier inédit portant sur un roman inachevé, Un jardin sur la mer.
Les rencontres : table ronde, conférences, théâtre
Table ronde « L’Ecole d’Alger a-t-elle existé ? »
Jeudi 20 novembre 2003 de 18H30 à 20H30 en salle de conférences
En présence d’Edmond Charlot
Animée par Yvan Amar, journaliste à RFI
avec Jean-Louis Meunier, historien, Michel Puche, biographe d’Edmond Charlot, et Abdelkader Djemaï, écrivain, et Jacques Frédéric Temple, journaliste et écrivain.
Conférence « Les écrivains face au terrorisme pendant la guerre d’Algérie »
Mercredi 26 novembre 2003 de 18H30 à 20H30 en salle de conférences
par Guy Dugas, professeur à l’Université de Montpellier.
Conférence « La place de l’autre dans l’Etranger de Camus et Les hauteurs de la ville de Roblès »
Vendredi 28 novembre 2003 de 18H30 à 20H30 en salle de conférences
par Christiane Chaulet-Achour, spécialiste de la littérature algérienne.
Théâtre « Aux deux rives » par la compagnie du Calame
Samedi 22 novembre 2003 de 16H00 à 18H00 en salle de conférences
Un dialogue imaginaire entre les écrivains Kateb Yacine et Albert Camus, dans une mise en scène de Saïd Ould Khelifa.
Film « La Bande à Charlot »
en boucle dans le hall de la Bibliothèque
Réalisé par les équipes de la Bfm , ce film inédit de 50 minutes réunit Edmond Charlot, aujourd’hui âgé de 88 ans, qui s’y exprime longuement, de même que Jacqueline Roblès Macek, la fille de l’écrivain Emmanuel Roblès et Frédéric Jacques temple. Le libraire et propriétaire de la Librairie-Galerie Maître Albert, Kamel Abid, présente le fonds qu’il a reconstitué.
CD « L’Ecole d’Alger »
Consultation au pôle francophone de la Bibliothèque
Dans le cadre de la coproduction avec la Ville de Limoges, RFI réalise à cette occasion un CD entièrement consacré à l’Ecole d’Alger, réalisé par Yahia Belaskri et Soeuf El Badawi. Ce CD s’intègre dans la production des magazines enregistrés diffusés par des radios du monde entier.
Le fonds « Charlot »
Ce fonds exceptionnel de 187 titres (voir en annexe la liste complète), présentés par périodes, a été acquis par la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges grâce au financement exceptionnel de la municipalité avec le concours de la Direction du Livre et de la Lecture. Il a été reconstitué par Kamel Abid, propriétaire de la librairie-galerie Maître Albert à Paris.
Ces ouvrages sont tous dans un état de conservation remarquable. On peut les trouver à la Bibliothèque National de France, mais très souvent sur microfilms. Au pôle francophone de la BFM de Limoges, ils sont consultables sur place et le public peut les consulter à la rubrique « fonds uniques » sur le site internet www.francophonie-limoges.com.
Le recensement du fonds « Charlot » a été effectué en 1995 par Miche Puche (journaliste) dans son livre Edmond Charlot, éditeur. Depuis la création des éditions Charlot à Alger en 1936 et de l’inauguration de la librairie « Les Vrais Richesses », jusqu’à la faillite de l’après-guerre, on distingue trois principales périodes de publications.
1936-1939 : les années algériennes
Cette première période fait la promotion d’écrivains qui sont à contre-courant de l’école algérianiste créée par Robert Randau et supportrice d’une littérature régionaliste, mettant notamment en scène l’accent typique des pieds-noirs.
Le premier texte publié est une pièce d’Albert Camus, Révolte dans les Asturies. Le ton est donné car la pièce avait été interdite par les autorités à Alger. Charlot l’a publiée et continue avec Noces de Camus, Rondeur des jours de Giono, Amour d’Alger de Gabriel Audisio.
Puis arrivent Max-Pol Fouchet et Jean Grenier, le professeur de Camus et de Charlot. C’est également la période qui voit la publication de la revue Rivages qui propose des traductions et des textes en espagnol.
Les années de guerre et de résistance : 1940-1944
Emmanuel Roblès publie ses premiers textes. Des textes de résistance et de militance apparaissent. En effet, à partir de 1942, le débarquement allié a lieu en Afrique du Nord et le centre intellectuel de la francophonie se trouve à Alger.
Des auteurs détestés et interdits par le régime de Vichy en France continentale sont traduits à Alger : James Joyce, Gertrude Stein, Federico Garcia Lorca.
Le Silence de la mer, publié clandestinement aux éditions de minuit en 1942 et dans une éditions londonienne en 1943, paraît pour un plus large public chez Charlot la même année. Des textes engagés sont également publiés dont les titres sont éloquents : J’ai vu l’Amérique en guerre, La duperie de l’Armistice, Pétain ?, L’armée des ombres, etc.
Les années parisiennes : 1945-1950
Enfin, vient la troisième période, dite parisienne. Charlot s’est installé à Paris, mais lui qui a sauvé l’honneur de l’édition française, affronte de graves difficultés financières. Face aux grandes maisons d’éditions parisiennes, il ne peut survivre.
Entre 1945 et 1950, Charlot publie des traductions (Jane Austen, Aldous Huxley, Robert Henriques…). Il réédite Camus (Noces), publie des contes Kabyles et Mouloud Feraoun,ami de Roblès, premier algérien non européen à accéder à la reconnaissance éditoriale.
Charlot n’est plus éditeur lorsque les descendants de l’Ecole d’Alger feront surface (Dib, Kateb Yacine, Tahar Djaout, etc.) mais ces derniers font la preuve d’une filiation littéraire qui a vu le jour en terre algérienne.
Edmond Charlot, libraire et éditeur engagé
Edmond Charlot est né le 15 février 1915 à Alger où ses grands-parents étaient installés depuis 1830. Après une scolarité chez les jésuites, il intègre le lycée Bugeaud à Alger et, en classe de première, il fait la connaissance d’Albert Camus qui est en classe d’Hypokhâgne. Ils ont tous deux le même professeur de philosophie, Jean Grenier, qui va jouer un rôle considérable pour leurs carrières futures.
C’est en effet Jean Grenier qui conseille à Edmond Charlot de se diriger vers l’édition en promettant de lui donner un de ses textes. Il tient sa parole et lui donne Santa Cruz et autres paysages africains qu’Edmond Charlot publie en 1937. C’est encore Jean Grenier qui confie à Edmond Charlot le manuscrit de L’Envers et l’endroit de Camus qui paraît en mai 1937.
L’année précédente, le 3 novembre, Edmond Charlot a ouvert sa petite librairie de 28 m², « Les Vraies Richesses ». Petite mais bien située, elle se trouve à proximité des facultés, et la librairie devient vite le point de ralliement des jeunes intellectuels d’Alger qui souffrent du climat extrêmement conformiste de la colonie.
« Vers six heures du soir, nous allions voir les derniers livres parus, que nous ne pouvions pas toujours acheter, car nous étions tous très démunis, puis nous allions boire ensemble l’anisette traditionnelle dans un proche bistrot. Charlot polarisait la vie intellectuelle d’Alger ». Max-Pol Fouchet (extrait d’Un jour, je m’en souviens : mémoire parlée – éditions Mercure de France -1968).
Edmond Charlot vend des livres et met en place parallèlement un cabinet de prêt sur le modèle d’Adrienne Monnier à Paris. Il organise également des expositions de peintures. Gabriel Audisio et Emmanuel Roblès découvrent tour à tour la librairie.
Edmond Charlot publie un livre tous les deux mois et les tirages sont réduits : moins de 500 exemplaires. Les collections sont créées de même qu’une revue de culture méditerranéenne, Rivages, paraissent six fois par an. Le premier tirage important est celui des Noces de Camus qui est imprimé maintes fois avant d’être repris par les éditions Gallimard.
En 1939, Edmond Charlot est mobilisé sur la base de Blida, puis retrouve, après la capitulation de la France, son activité d’éditeur et de libraire. Camus est en France mais les relations épistolaires entre les deux hommes ne cessent pas, bien au contraire.
En 1942, Edmond Charlot a quelques ennuis avec le régime de Vichy. Il vient en effet de publier Paris France de l’écrivain américaine Gertrude Stein et celle-ci, lors d’interviews parle de son éditeur à Alger « qui fait de la résistance ». Il n’en faut pas plus pour qu’Edmond Charlot se retrouve en détention puis en résidence surveillée.
En 1942, après le débarquement américain, Charlot est remobilisé et publie les livres « de la France en guerre » dont le célèbre Silence de la mer de Vercors dont le tirage de 5000 exemplaires disparaît en deux jours.
Affecté à Paris après la Libération, il installe une succursale de sa maison d’édition au 18, rue Verneuil. Le succès va précipiter la fin de l’aventure parisienne puisqu’il obtient des prix littéraires prestigieux qui l’obligent à publier à nouveau et rapidement. Or il y a une pénurie de papier et en 1950, Edmond Charlot, criblé de dettes, quitte Paris et regagne Alger. Pendant les années 50, il va encore publier une quinzaine de titres.
Avant le déclenchement de la guerre d’Algérie, Edmond Charlot est partisan, comme la plupart des écrivains de l’Ecole d’Alger, d’une solution modérée. Il dénonce tous les attentats quels qu’ils soient et, par conséquent, il est rapidement visé : en septembre 1961, par deux fois, sa librairie est plastiquée. Il perd tout : son fonds d’ouvrages, les notes de lecture d’Albert Camus, sa correspondance, etc.
Il quitte l’Algérie pour y revenir de 1965 à 1969, chargé de mission pour les échanges culturels auprès de l’ambassadeur de France en Algérie. Il devient par la suite attaché culturel à Izmir (de 1969 à 1973) et directeur du centre culturel de Tanger (de 1973 à 1980).
Puis Edmond Charlot décide de prendre sa retraite à Pézenas, dans le sud de la France où, avec sa compagne, Marie-Cécile Vène, il crée la librairie « Le Haut Quartier », puis une nouvelle librairie, la « Bouquinerie Car enfin » située rue des Litanies.
Les expositions
« L’Ecole d’Alger au temps des Vraies richesses »
du 21 octobre au 29 novembre 2003 dans le hall de la BFM
La petite librairie d’Edmond Charlot appelée « Les vraies richesses » ainsi qu’une rue d’Alger seront reconstituées et mises en scène par l’artiste-peintre Sylvie Christophe dans le hall de la Bibliothèque Francophone Multimédia (BFM) de Limoges. Après une maîtrise d’Arts Plastiques, Sylvie Christophe découvre le tapis d’Orient dont elle fera son principal thème de réflexion. Elle travaille les papiers récupérés, peints, découpés, pliés, cousus ou tissés. Elle s’intéresse aux décors des poteries algériennes et aussi aux motifs de dallages cisterciens. Sylvie Christophe travaille et vit en Corrèze depuis 1992 et prépare actuellement des carnets et livres d’artiste.
Dans cette librairie, on découvrira certains ouvrages du fonds « Charlot » acquis récemment par la BFM de Limoges. Ainsi, aux côtés des principaux écrivains de l’Ecole d’Alger, le public pourra découvrir des livres aujourd’hui introuvables comme L’envers et l’endroit d’Albert Camus ou Les hommes oubliés de Dieu d’Albert Cossery. Parallèlement, dix panneaux illustreront grâce à des images et à des textes les principales étapes des éditions Charlot. On pourra également admirer les photos de Leroux et des tableaux de Pavel Macek.
Enfin, un document filmé, intitulé « La bande à Charlot », sera projeté en boucle. Réalisé par les équipes de la BFM, on y retrouvera Edmond Charlot pour un entretien inédit, la fille de l’écrivain Emmanuel Roblès, Jacqueline Roblès Macek, Frédéric-Jacques Temple, et le libraire Mohamed Abid qui a retrouvé les ouvrages acquis par la BFM.
« Emmanuel Roblès »
du 21 octobre au 29 novembre 2003 dans le jardin d’hiver de la BFM
Pour la première fois, la Bibliothèque Francophone Multimédia présentera une exposition consacrée à Emmanuel Roblès (1914-1995), entièrement conçue et réalisée par Guy Dugas, professeur à l’Université de Montpellier et spécialiste de l’auteur.
Ainsi une série de 12 panneaux, illustrés par des documents uniques associeront les différentes périodes de la vie de l’auteur à des extraits de son œuvre. Six autres panneaux mettront en valeur des manuscrits ou tapuscrits d’Emmanuel Roblès prêtés gracieusement par Jacqueline Roblès Macek, fille de l’écrivain : Le Vésuve, Montserrat, des poèmes et un dossier inédit portant sur un roman inachevé, Un jardin sur la mer.
Les rencontres : table ronde, conférences, théâtre
Table ronde « L’Ecole d’Alger a-t-elle existé ? »
Jeudi 20 novembre 2003 de 18H30 à 20H30 en salle de conférences
En présence d’Edmond Charlot
Animée par Yvan Amar, journaliste à RFI
avec Jean-Louis Meunier, historien, Michel Puche, biographe d’Edmond Charlot, et Abdelkader Djemaï, écrivain, et Jacques Frédéric Temple, journaliste et écrivain.
Conférence « Les écrivains face au terrorisme pendant la guerre d’Algérie »
Mercredi 26 novembre 2003 de 18H30 à 20H30 en salle de conférences
par Guy Dugas, professeur à l’Université de Montpellier.
Conférence « La place de l’autre dans l’Etranger de Camus et Les hauteurs de la ville de Roblès »
Vendredi 28 novembre 2003 de 18H30 à 20H30 en salle de conférences
par Christiane Chaulet-Achour, spécialiste de la littérature algérienne.
Théâtre « Aux deux rives » par la compagnie du Calame
Samedi 22 novembre 2003 de 16H00 à 18H00 en salle de conférences
Un dialogue imaginaire entre les écrivains Kateb Yacine et Albert Camus, dans une mise en scène de Saïd Ould Khelifa.
Film « La Bande à Charlot »
en boucle dans le hall de la Bibliothèque
Réalisé par les équipes de la Bfm , ce film inédit de 50 minutes réunit Edmond Charlot, aujourd’hui âgé de 88 ans, qui s’y exprime longuement, de même que Jacqueline Roblès Macek, la fille de l’écrivain Emmanuel Roblès et Frédéric Jacques temple. Le libraire et propriétaire de la Librairie-Galerie Maître Albert, Kamel Abid, présente le fonds qu’il a reconstitué.
CD « L’Ecole d’Alger »
Consultation au pôle francophone de la Bibliothèque
Dans le cadre de la coproduction avec la Ville de Limoges, RFI réalise à cette occasion un CD entièrement consacré à l’Ecole d’Alger, réalisé par Yahia Belaskri et Soeuf El Badawi. Ce CD s’intègre dans la production des magazines enregistrés diffusés par des radios du monde entier.
Le fonds « Charlot »
Ce fonds exceptionnel de 187 titres (voir en annexe la liste complète), présentés par périodes, a été acquis par la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges grâce au financement exceptionnel de la municipalité avec le concours de la Direction du Livre et de la Lecture. Il a été reconstitué par Kamel Abid, propriétaire de la librairie-galerie Maître Albert à Paris.
Ces ouvrages sont tous dans un état de conservation remarquable. On peut les trouver à la Bibliothèque National de France, mais très souvent sur microfilms. Au pôle francophone de la BFM de Limoges, ils sont consultables sur place et le public peut les consulter à la rubrique « fonds uniques » sur le site internet www.francophonie-limoges.com.
Le recensement du fonds « Charlot » a été effectué en 1995 par Miche Puche (journaliste) dans son livre Edmond Charlot, éditeur. Depuis la création des éditions Charlot à Alger en 1936 et de l’inauguration de la librairie « Les Vrais Richesses », jusqu’à la faillite de l’après-guerre, on distingue trois principales périodes de publications.
1936-1939 : les années algériennes
Cette première période fait la promotion d’écrivains qui sont à contre-courant de l’école algérianiste créée par Robert Randau et supportrice d’une littérature régionaliste, mettant notamment en scène l’accent typique des pieds-noirs.
Le premier texte publié est une pièce d’Albert Camus, Révolte dans les Asturies. Le ton est donné car la pièce avait été interdite par les autorités à Alger. Charlot l’a publiée et continue avec Noces de Camus, Rondeur des jours de Giono, Amour d’Alger de Gabriel Audisio.
Puis arrivent Max-Pol Fouchet et Jean Grenier, le professeur de Camus et de Charlot. C’est également la période qui voit la publication de la revue Rivages qui propose des traductions et des textes en espagnol.
Les années de guerre et de résistance : 1940-1944
Emmanuel Roblès publie ses premiers textes. Des textes de résistance et de militance apparaissent. En effet, à partir de 1942, le débarquement allié a lieu en Afrique du Nord et le centre intellectuel de la francophonie se trouve à Alger.
Des auteurs détestés et interdits par le régime de Vichy en France continentale sont traduits à Alger : James Joyce, Gertrude Stein, Federico Garcia Lorca.
Le Silence de la mer, publié clandestinement aux éditions de minuit en 1942 et dans une éditions londonienne en 1943, paraît pour un plus large public chez Charlot la même année. Des textes engagés sont également publiés dont les titres sont éloquents : J’ai vu l’Amérique en guerre, La duperie de l’Armistice, Pétain ?, L’armée des ombres, etc.
Les années parisiennes : 1945-1950
Enfin, vient la troisième période, dite parisienne. Charlot s’est installé à Paris, mais lui qui a sauvé l’honneur de l’édition française, affronte de graves difficultés financières. Face aux grandes maisons d’éditions parisiennes, il ne peut survivre.
Entre 1945 et 1950, Charlot publie des traductions (Jane Austen, Aldous Huxley, Robert Henriques…). Il réédite Camus (Noces), publie des contes Kabyles et Mouloud Feraoun,ami de Roblès, premier algérien non européen à accéder à la reconnaissance éditoriale.
Charlot n’est plus éditeur lorsque les descendants de l’Ecole d’Alger feront surface (Dib, Kateb Yacine, Tahar Djaout, etc.) mais ces derniers font la preuve d’une filiation littéraire qui a vu le jour en terre algérienne.
Edmond Charlot, libraire et éditeur engagé
Edmond Charlot est né le 15 février 1915 à Alger où ses grands-parents étaient installés depuis 1830. Après une scolarité chez les jésuites, il intègre le lycée Bugeaud à Alger et, en classe de première, il fait la connaissance d’Albert Camus qui est en classe d’Hypokhâgne. Ils ont tous deux le même professeur de philosophie, Jean Grenier, qui va jouer un rôle considérable pour leurs carrières futures.
C’est en effet Jean Grenier qui conseille à Edmond Charlot de se diriger vers l’édition en promettant de lui donner un de ses textes. Il tient sa parole et lui donne Santa Cruz et autres paysages africains qu’Edmond Charlot publie en 1937. C’est encore Jean Grenier qui confie à Edmond Charlot le manuscrit de L’Envers et l’endroit de Camus qui paraît en mai 1937.
L’année précédente, le 3 novembre, Edmond Charlot a ouvert sa petite librairie de 28 m², « Les Vraies Richesses ». Petite mais bien située, elle se trouve à proximité des facultés, et la librairie devient vite le point de ralliement des jeunes intellectuels d’Alger qui souffrent du climat extrêmement conformiste de la colonie.
« Vers six heures du soir, nous allions voir les derniers livres parus, que nous ne pouvions pas toujours acheter, car nous étions tous très démunis, puis nous allions boire ensemble l’anisette traditionnelle dans un proche bistrot. Charlot polarisait la vie intellectuelle d’Alger ». Max-Pol Fouchet (extrait d’Un jour, je m’en souviens : mémoire parlée – éditions Mercure de France -1968).
Edmond Charlot vend des livres et met en place parallèlement un cabinet de prêt sur le modèle d’Adrienne Monnier à Paris. Il organise également des expositions de peintures. Gabriel Audisio et Emmanuel Roblès découvrent tour à tour la librairie.
Edmond Charlot publie un livre tous les deux mois et les tirages sont réduits : moins de 500 exemplaires. Les collections sont créées de même qu’une revue de culture méditerranéenne, Rivages, paraissent six fois par an. Le premier tirage important est celui des Noces de Camus qui est imprimé maintes fois avant d’être repris par les éditions Gallimard.
En 1939, Edmond Charlot est mobilisé sur la base de Blida, puis retrouve, après la capitulation de la France, son activité d’éditeur et de libraire. Camus est en France mais les relations épistolaires entre les deux hommes ne cessent pas, bien au contraire.
En 1942, Edmond Charlot a quelques ennuis avec le régime de Vichy. Il vient en effet de publier Paris France de l’écrivain américaine Gertrude Stein et celle-ci, lors d’interviews parle de son éditeur à Alger « qui fait de la résistance ». Il n’en faut pas plus pour qu’Edmond Charlot se retrouve en détention puis en résidence surveillée.
En 1942, après le débarquement américain, Charlot est remobilisé et publie les livres « de la France en guerre » dont le célèbre Silence de la mer de Vercors dont le tirage de 5000 exemplaires disparaît en deux jours.
Affecté à Paris après la Libération, il installe une succursale de sa maison d’édition au 18, rue Verneuil. Le succès va précipiter la fin de l’aventure parisienne puisqu’il obtient des prix littéraires prestigieux qui l’obligent à publier à nouveau et rapidement. Or il y a une pénurie de papier et en 1950, Edmond Charlot, criblé de dettes, quitte Paris et regagne Alger. Pendant les années 50, il va encore publier une quinzaine de titres.
Avant le déclenchement de la guerre d’Algérie, Edmond Charlot est partisan, comme la plupart des écrivains de l’Ecole d’Alger, d’une solution modérée. Il dénonce tous les attentats quels qu’ils soient et, par conséquent, il est rapidement visé : en septembre 1961, par deux fois, sa librairie est plastiquée. Il perd tout : son fonds d’ouvrages, les notes de lecture d’Albert Camus, sa correspondance, etc.
Il quitte l’Algérie pour y revenir de 1965 à 1969, chargé de mission pour les échanges culturels auprès de l’ambassadeur de France en Algérie. Il devient par la suite attaché culturel à Izmir (de 1969 à 1973) et directeur du centre culturel de Tanger (de 1973 à 1980).
Puis Edmond Charlot décide de prendre sa retraite à Pézenas, dans le sud de la France où, avec sa compagne, Marie-Cécile Vène, il crée la librairie « Le Haut Quartier », puis une nouvelle librairie, la « Bouquinerie Car enfin » située rue des Litanies.
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