Événements

Conférence : Affronter la contamination chimique et le racisme environnemental dans les Afro-Amériques. Les cas du Brésil et des Antilles

Français

Animée par Marina Rougeon Farias, Docteure en anthropologie

 


Évènement en présentiel – Espace culturel Sarraounia (Lyon 7)

Évènement également diffusé en direct sur zoom.


 

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L’un des aspects encore peu mis en avant dans les travaux francophones sur la relation entre les pesticides et les effets néfastes sur la santé concerne ses rapports avec la question raciale. Les sociétés et cultures des Afro-Amériques sont riches d’enseignements en ce sens. Il y est question de racisme environnemental, compris comme « un processus qui a commencé avec l’exploitation du travail des esclaves [et]se poursuit par l’exploitation de la santé de leurs descendants » (Keucheyan, 2018 : 60). Il s’agira ici d’interroger ce processus, ses effets sur la santé mais aussi sa participation à la formation de luttes sociales, politiques et juridiques contemporaines dans deux sociétés des Afro-Amériques : le Brésil et les Antilles. Dans le premier cas, je m’appuie sur les données d’un travail ethnographique que j’ai mené sur l’île de Maré dans la Baie de Tous les Saints, dans l’État brésilien de Bahia, dont les eaux ainsi que l’air environnant sont pollués par les rejets industriels et chimiques, constants ou accidentels, d’un port et d’un centre industriels situés à proximité. Les leaders communautaires locaux dénoncent cette situation comme étant une expression du « racisme environnemental », et se dressent en défenseurs des droits et des territoires des populations quilombolas dont ils font partie, descendants de noirs marrons. Dans le second cas, je dialogue avec le roman graphique documentaire Tropiques toxiques – Le scandale du chlordécone, dans lequel Jessica Oublié et ses collaborateurs rendent compte de la complexité du scandale environnemental et sanitaire survenu en Martinique et en Guadeloupe autour de l’utilisation d’un pesticide dans les cultures bananières – le chlordécone – ayant provoqué une intoxication chimique des sols et des eaux sans précédent sur ces territoires. Dans un cas comme dans l’autre, l’un des enjeux réside dans la perception au quotidien du danger sanitaire, industriel et environnemental. En effet, celle-ci n’est pas partagée de façon unanime localement selon les appartenances sociale, raciale et de classe, et de ce fait, elle n’engendre pas les mêmes interprétations dudit risque. La question de la preuve de la contamination est au cœur de cet enjeu. Ses traces et ses marques, notamment sensorielles, sont mobilisées par certains pour nommer l’invisible, identifier des causes, designer des responsables. Dans les deux cas, on constate que la notion de « racisme environnemental » est utilisée dans des conflits sociaux qui engagent les questions sanitaires et environnementales, et dont la complexité met au défi la recherche qualitative, y compris sur le plan méthodologique.

 
Docteure en anthropologie, Marina Rougeon est actuellement enseignante à l’Université Catholique de Lyon, chercheure associée à l’UMR Environnement Ville Société et membre de l’atelier Santé et environnement de ce laboratoire. Elle mène des recherches au Brésil et en Europe méridionale, à la croisée de l’anthropologie visuelle, des religions et de la santé. Elle est auteure de plusieurs ouvrages et articles scientifiques, qui abordent entre autres questions théoriques et épistémologiques les discriminations (racisme) ; la guérison ; les rapports entre social, sens et affects ; les rapports aux formes de l’invisible (religions ; risques environnementaux) ; les écritures de l’anthropologie. 


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