Littérature / édition
éTUDES LITTéRAIRES, CRITIQUES | Décembre 2008
Bande dessinée franco-belge et imaginaire colonial – Des années 1930 aux années 1980
Philippe Delisle
Edition : Karthala Editions
Pays d’édition : France
ISBN : 978-2-8111-0083-4
Pages: 200
Prix : 19.00
Parution : Décembre 2008
Français
Née dans le sillage d’Hergé, la bande dessinée dite « franco-belge », qui s’est imposée par le biais des hebdomadaires Spirou et Tintin, a largement fait écho aux préjugés coloniaux. Le cas de Tintin au Congo, publié en 1930, est assez bien connu. Le présent ouvrage analyse la production franco-belge de manière plus générale, pour faire notamment ressortir des convergences.
A travers la bande dessinée franco-belge « classique », se dévoile tout un imaginaire colonial, qui fait écho à l’idéologie officielle développée outre-Quiévrain, mais aussi à des romans ou au cinéma. Le lecteur observera cependant que le genre étudié, imprégné de valeurs catholiques et scoutes, cultive parfois un idéal de fraternité entre les peuples et de rejet des préjugés.
Extrait du livre :
Lorsqu’on évoque l’imaginaire colonial dans la bande dessinée francophone, on songe invariablement à Tintin au Congo. Cette deuxième aventure du jeune reporter belge, d’abord publiée dans Le petit Vingtième en 1930, était une commande, destinée à promouvoir l’oeuvre « civilisatrice » conduite en Afrique. Malgré un toilettage effectué en 1946, l’album demeure donc un véritable catalogue des préjugés coloniaux prévalant pendant l’entre-deux-guerres. La référence à Tintin au Congo est d’autant plus incontournable que le petit reporter belge a acquis aujourd’hui une dimension qui dépasse de loin l’univers de la bande dessinée. Médias et intellectuels se sont emparés de l’oeuvre d’Hergé, expositions et analyses critiques se sont multipliées, tandis que les premières éditions des Aventures de Tintin devenaient un véritable objet de spéculation.
Mais Hergé, s’il est le principal initiateur de la bande dessinée belge « classique », est loin d’incarner à lui tout seul cette formidable école. Rappelons que la fondation du Journal de Spirou en 1938, puis la création de l’hebdomadaire Tintin en 1946, ont permis à toute une galaxie de dessinateurs et de scénaristes de s’affirmer outre-Quiévrain. D’autres périodiques ont contribué à cet essor, comme Wrill, qui employait pour une part des dessinateurs français, Héroïc-Albums, ou La libre junior, supplément du quotidien La libre Belgique. Toutefois, ils n’ont jamais atteint la portée des hebdomadaires Spirou et Tintin. Au cours des années 1950, dynamisée par la concurrence entre ces deux titres, la production belge réussit à conquérir la France, et même une partie de l’Europe. L’équipe de Spirou, qui rassemble autour de Jijé des dessinateurs comme Franquin ou Morris, privilégie l’humour et la caricature, tandis que celle de Tintin, qui réunit sous l’autorité d’Hergé des créateurs tels que Cuvelier ou Jacobs, cherche plutôt à construire des récits ambitieux et documentés. Toutefois, l’ensemble de la production reste marqué par un certain puritanisme, généré par des racines catholiques, et renforcé par la nécessité de se soumettre après 1949 à la censure, afin de pénétrer le marché français. Le ton évoluera quelque peu au cours des années 1960, alors même que plusieurs auteurs belges ont rejoint le magazine français Pilote, qui, sous la direction de René Goscinny, séduit un public plus âgé.
Pour désigner cette production, qui s’échelonne sur plusieurs décennies et a exercé un immense pouvoir d’attraction sur la jeunesse, les spécialistes ont coutume de parler de bande dessinée « franco-belge ».
Extrait de l’introduction
A travers la bande dessinée franco-belge « classique », se dévoile tout un imaginaire colonial, qui fait écho à l’idéologie officielle développée outre-Quiévrain, mais aussi à des romans ou au cinéma. Le lecteur observera cependant que le genre étudié, imprégné de valeurs catholiques et scoutes, cultive parfois un idéal de fraternité entre les peuples et de rejet des préjugés.
Extrait du livre :
Lorsqu’on évoque l’imaginaire colonial dans la bande dessinée francophone, on songe invariablement à Tintin au Congo. Cette deuxième aventure du jeune reporter belge, d’abord publiée dans Le petit Vingtième en 1930, était une commande, destinée à promouvoir l’oeuvre « civilisatrice » conduite en Afrique. Malgré un toilettage effectué en 1946, l’album demeure donc un véritable catalogue des préjugés coloniaux prévalant pendant l’entre-deux-guerres. La référence à Tintin au Congo est d’autant plus incontournable que le petit reporter belge a acquis aujourd’hui une dimension qui dépasse de loin l’univers de la bande dessinée. Médias et intellectuels se sont emparés de l’oeuvre d’Hergé, expositions et analyses critiques se sont multipliées, tandis que les premières éditions des Aventures de Tintin devenaient un véritable objet de spéculation.
Mais Hergé, s’il est le principal initiateur de la bande dessinée belge « classique », est loin d’incarner à lui tout seul cette formidable école. Rappelons que la fondation du Journal de Spirou en 1938, puis la création de l’hebdomadaire Tintin en 1946, ont permis à toute une galaxie de dessinateurs et de scénaristes de s’affirmer outre-Quiévrain. D’autres périodiques ont contribué à cet essor, comme Wrill, qui employait pour une part des dessinateurs français, Héroïc-Albums, ou La libre junior, supplément du quotidien La libre Belgique. Toutefois, ils n’ont jamais atteint la portée des hebdomadaires Spirou et Tintin. Au cours des années 1950, dynamisée par la concurrence entre ces deux titres, la production belge réussit à conquérir la France, et même une partie de l’Europe. L’équipe de Spirou, qui rassemble autour de Jijé des dessinateurs comme Franquin ou Morris, privilégie l’humour et la caricature, tandis que celle de Tintin, qui réunit sous l’autorité d’Hergé des créateurs tels que Cuvelier ou Jacobs, cherche plutôt à construire des récits ambitieux et documentés. Toutefois, l’ensemble de la production reste marqué par un certain puritanisme, généré par des racines catholiques, et renforcé par la nécessité de se soumettre après 1949 à la censure, afin de pénétrer le marché français. Le ton évoluera quelque peu au cours des années 1960, alors même que plusieurs auteurs belges ont rejoint le magazine français Pilote, qui, sous la direction de René Goscinny, séduit un public plus âgé.
Pour désigner cette production, qui s’échelonne sur plusieurs décennies et a exercé un immense pouvoir d’attraction sur la jeunesse, les spécialistes ont coutume de parler de bande dessinée « franco-belge ».
Extrait de l’introduction
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