Murmures
Hommage à Fatima Hassouna – L’ACID
mai 2025 | Décès de personnalités culturelles | Cinéma/TV | Territoire palestinien
Source : L’ACID

Français
Hommage à Fatima Hassouna
Nous, cinéastes, avons rencontré Fatima Hassouna en découvrant le film de Sepideh Farsi, « Put your soul on your hand and walk », dans le cadre de notre sélection annuelle à Cannes. Son sourire était aussi magique que sa ténacité : témoigner, photographier Gaza, distribuer des vivres malgré les bombes, le chagrin et la faim. Son histoire nous est parvenue, nous nous réjouissions à chaque apparition à l'écran, la sachant vivante, nous craignions pour elle.
Le 16 avril 2025, au lendemain de l'annonce de la sélection du film à l'ACID Cannes, nous avons appris avec horreur qu'un missile israélien avait visé sa maison, tuant Fatem et plusieurs membres de sa famille. Une mort de plus s'ajoute à la liste des journalistes et photojournalistes pris pour cible à Gaza et, au moment où nous écrivons ces lignes, à la litanie quotidienne des victimes qui meurent sous les bombes, de faim et à cause d'une politique de génocide qui doit cesser et dont le gouvernement d'extrême droite israélien doit être tenu responsable. En tant que cinéastes engagés dans la diffusion de films, il nous est impossible d'ignorer le poids de cet effacement délibéré et programmatique des visages, des corps et des lieux, que Fatem a défendu. Créer des images et les diffuser, c'est affirmer que ces images et ces réalités existent bel et bien. Face à la volonté répétée de l'État d'Israël d'effacer la réalité palestinienne, nous continuerons de diffuser le film de Sepideh Farsi, affirmant ainsi que Fatem et sa réalité ont existé, et existent encore aujourd'hui.
Nous avions vu et sélectionné un film où la force vitale de cette jeune femme tenait du miracle. Maintenant qu'elle n'est plus parmi nous, ce n'est plus le même film que nous porterons, soutiendrons et présenterons dans toutes les salles, à commencer par Cannes. Fatma Hassona incarnait un horizon de résistance, de paix et de liberté, que nous refusons de voir brisé. Nous tous, cinéastes et spectateurs, nous devons d'être dignes de sa lumière.
– Comité de programmation de l'ACID Cannes 2025
Les yeux de Gaza
Peut-être que je suis en train d'annoncer ma mort maintenant
Avant que la personne debout devant moi ne charge
Son fusil de précision d'élite
Et cela finit
Et je finis.
Silence.
Ce sont les mots de Fatma Hassona (ou Fatem pour ses amis), extraits d'un long poème intitulé « L'homme qui portait ses yeux ».
Dès notre première rencontre, j'ai pris ma caméra et j'ai commencé à filmer : nos conversations, Fatem et moi, ce qui se passait autour d'elle. Je lui demandais de m'amener à une fenêtre de sa maison ou de son abri, selon l'endroit où elle se trouvait, pour que je puisse regarder à travers. Et ainsi, Fatem est devenue mes yeux à Gaza, et moi, sa fenêtre ouverte sur le monde. J'ai filmé, capturant les moments que nous partagions lors de nos appels vidéo, tout ce que Fatem, si fougueuse et pleine de vie, partageait avec moi. J'ai filmé ses rires, ses larmes, ses espoirs et son désespoir. J'ai suivi mon instinct. Sans savoir à l'avance où ces images nous mèneraient. Telle est la beauté du cinéma. La beauté de la vie.
– C'est quoi, être Palestinien à Gaza en ce moment ?
– J'en suis fier.
– Fier ?
– Ils ne pourront jamais nous battre, quoi qu'ils fassent.
– Vous y croyez vraiment ? Pourquoi ?
– Parce que… nous n'avons rien à perdre.
– Sepideh Farsi (Extraits d'une interview avec Libération)
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Nous, cinéastes, avons rencontré Fatima Hassouna en découvrant le film de Sepideh Farsi, « Put your soul on your hand and walk », dans le cadre de notre sélection annuelle à Cannes. Son sourire était aussi magique que sa ténacité : témoigner, photographier Gaza, distribuer des vivres malgré les bombes, le chagrin et la faim. Son histoire nous est parvenue, nous nous réjouissions à chaque apparition à l'écran, la sachant vivante, nous craignions pour elle.
Le 16 avril 2025, au lendemain de l'annonce de la sélection du film à l'ACID Cannes, nous avons appris avec horreur qu'un missile israélien avait visé sa maison, tuant Fatem et plusieurs membres de sa famille. Une mort de plus s'ajoute à la liste des journalistes et photojournalistes pris pour cible à Gaza et, au moment où nous écrivons ces lignes, à la litanie quotidienne des victimes qui meurent sous les bombes, de faim et à cause d'une politique de génocide qui doit cesser et dont le gouvernement d'extrême droite israélien doit être tenu responsable. En tant que cinéastes engagés dans la diffusion de films, il nous est impossible d'ignorer le poids de cet effacement délibéré et programmatique des visages, des corps et des lieux, que Fatem a défendu. Créer des images et les diffuser, c'est affirmer que ces images et ces réalités existent bel et bien. Face à la volonté répétée de l'État d'Israël d'effacer la réalité palestinienne, nous continuerons de diffuser le film de Sepideh Farsi, affirmant ainsi que Fatem et sa réalité ont existé, et existent encore aujourd'hui.
Nous avions vu et sélectionné un film où la force vitale de cette jeune femme tenait du miracle. Maintenant qu'elle n'est plus parmi nous, ce n'est plus le même film que nous porterons, soutiendrons et présenterons dans toutes les salles, à commencer par Cannes. Fatma Hassona incarnait un horizon de résistance, de paix et de liberté, que nous refusons de voir brisé. Nous tous, cinéastes et spectateurs, nous devons d'être dignes de sa lumière.
– Comité de programmation de l'ACID Cannes 2025
Les yeux de Gaza
Peut-être que je suis en train d'annoncer ma mort maintenant
Avant que la personne debout devant moi ne charge
Son fusil de précision d'élite
Et cela finit
Et je finis.
Silence.
Ce sont les mots de Fatma Hassona (ou Fatem pour ses amis), extraits d'un long poème intitulé « L'homme qui portait ses yeux ».
Dès notre première rencontre, j'ai pris ma caméra et j'ai commencé à filmer : nos conversations, Fatem et moi, ce qui se passait autour d'elle. Je lui demandais de m'amener à une fenêtre de sa maison ou de son abri, selon l'endroit où elle se trouvait, pour que je puisse regarder à travers. Et ainsi, Fatem est devenue mes yeux à Gaza, et moi, sa fenêtre ouverte sur le monde. J'ai filmé, capturant les moments que nous partagions lors de nos appels vidéo, tout ce que Fatem, si fougueuse et pleine de vie, partageait avec moi. J'ai filmé ses rires, ses larmes, ses espoirs et son désespoir. J'ai suivi mon instinct. Sans savoir à l'avance où ces images nous mèneraient. Telle est la beauté du cinéma. La beauté de la vie.
– C'est quoi, être Palestinien à Gaza en ce moment ?
– J'en suis fier.
– Fier ?
– Ils ne pourront jamais nous battre, quoi qu'ils fassent.
– Vous y croyez vraiment ? Pourquoi ?
– Parce que… nous n'avons rien à perdre.
– Sepideh Farsi (Extraits d'une interview avec Libération)
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English
Tribute to Fatima Hassouna
We, filmmakers, met Fatima Hassouna when we discovered Sepideh Farsi's film Put your soul on your hand and walk, in the context of our yearly Cannes programme selection. Her smile was as magical as her tenacity: to bear witness, to photograph Gaza, to distribute food supplies despite bombs, grief and hunger. Her story reached us, we rejoiced each time she appeared on screen, knowing she was alive, we feared for her.
On April 16, 2025, one day after we had announced the film's selection at ACID Cannes, we were horrified to learn that an Israeli missile had targeted her home, killing Fatem and several members of her family. One more death added to the list of targeted journalists and photojournalists in Gaza, and at the time of writing, to the daily litany of victims who die under bombs, out of hunger, and because of politics of genocide that must be stopped and for which the Israeli far-right government must be held responsible.
As filmmakers committed to the diffusion of films, it is impossible for us to ignore the weight of this deliberate and programmatic erasing of faces, bodies, and places which Fatem spoke out for. To make images and to broadcast them is to say that these images, and these realities do exist. In the face of the state of Israel's repeated willingness to erase Palestinian reality, we will continue to broadcast Sepideh Farsi's film, thus asserting that Fatem and her reality existed, and still exist today.
We had watched and selected a film where this young woman's life force was nothing short of miraculous. Now that she is no longer with us, it is no longer the same film that we will carry, support, and present in all movie theaters, starting with Cannes. Fatma Hassona embodied a horizon of resistance, peace and freedom, which we refuse to see shattered. All of us, filmmakers and audiences, owe it to ourselves to be worthy of her light.
– ACID Cannes 2025 Programme Committee
The eyes of Gaza
Maybe I'm ushering in my death now
Before the person standing in front of me loads
His elite sniper rifle
And it ends
And I end.
Silence.
Those are the words of Fatma Hassona (or Fatem to her friends), an excerpt from a long poem called “The man who wore his eyes”.
From our first meeting, I grabbed my camera and began filming: our conversations, Fatem and I, what was going on around her. I would ask her to bring me to a window in her house or her shelter, depending on where she was, so that I could look through it. And in this way, Fatem became my eyes in Gaza, and I, her window open on the world,. I filmed, capturing the moments we had during our video calls, everything that Fatem, so fiery and full of life, was sharing with me. I filmed her laughter, her tears, her hopes and her despair. I followed my instinct. Without knowing beforehand where those images would lead us. Such is the beauty of cinema. The beauty of life.
– What's it like, being a Palestinian in Gaza right now?
– I'm proud of it.
- Proud?
– They'll never be able to beat us, no matter what they do.
- Do you really believe this? Why?
– Because… we have nothing to lose.
– Sepideh Farsi (Excerpts taken from an interview with Libération)
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We, filmmakers, met Fatima Hassouna when we discovered Sepideh Farsi's film Put your soul on your hand and walk, in the context of our yearly Cannes programme selection. Her smile was as magical as her tenacity: to bear witness, to photograph Gaza, to distribute food supplies despite bombs, grief and hunger. Her story reached us, we rejoiced each time she appeared on screen, knowing she was alive, we feared for her.
On April 16, 2025, one day after we had announced the film's selection at ACID Cannes, we were horrified to learn that an Israeli missile had targeted her home, killing Fatem and several members of her family. One more death added to the list of targeted journalists and photojournalists in Gaza, and at the time of writing, to the daily litany of victims who die under bombs, out of hunger, and because of politics of genocide that must be stopped and for which the Israeli far-right government must be held responsible.
As filmmakers committed to the diffusion of films, it is impossible for us to ignore the weight of this deliberate and programmatic erasing of faces, bodies, and places which Fatem spoke out for. To make images and to broadcast them is to say that these images, and these realities do exist. In the face of the state of Israel's repeated willingness to erase Palestinian reality, we will continue to broadcast Sepideh Farsi's film, thus asserting that Fatem and her reality existed, and still exist today.
We had watched and selected a film where this young woman's life force was nothing short of miraculous. Now that she is no longer with us, it is no longer the same film that we will carry, support, and present in all movie theaters, starting with Cannes. Fatma Hassona embodied a horizon of resistance, peace and freedom, which we refuse to see shattered. All of us, filmmakers and audiences, owe it to ourselves to be worthy of her light.
– ACID Cannes 2025 Programme Committee
The eyes of Gaza
Maybe I'm ushering in my death now
Before the person standing in front of me loads
His elite sniper rifle
And it ends
And I end.
Silence.
Those are the words of Fatma Hassona (or Fatem to her friends), an excerpt from a long poem called “The man who wore his eyes”.
From our first meeting, I grabbed my camera and began filming: our conversations, Fatem and I, what was going on around her. I would ask her to bring me to a window in her house or her shelter, depending on where she was, so that I could look through it. And in this way, Fatem became my eyes in Gaza, and I, her window open on the world,. I filmed, capturing the moments we had during our video calls, everything that Fatem, so fiery and full of life, was sharing with me. I filmed her laughter, her tears, her hopes and her despair. I followed my instinct. Without knowing beforehand where those images would lead us. Such is the beauty of cinema. The beauty of life.
– What's it like, being a Palestinian in Gaza right now?
– I'm proud of it.
- Proud?
– They'll never be able to beat us, no matter what they do.
- Do you really believe this? Why?
– Because… we have nothing to lose.
– Sepideh Farsi (Excerpts taken from an interview with Libération)
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