Murmures
Somalie / Reporters sans frontières appelle le président Abdullahi Yusuf à clarifier la position du gouvernement sur la liberté de la presse
novembre 2007 | | Média | Somalie
Français
Reporters sans frontières
Dans une lettre adressée au président du Gouvernement fédéral de transition somalien, Abdullahi Yusuf Ahmed, Reporters sans frontières a protesté contre « la violation de ses engagements que constituent les propos du maire de Mogadiscio, Mohamed Omar Habeb, exigeant des médias et journalistes de s’enregistrer auprès des autorités pour pouvoir travailler dans la capitale ».
Le 14 novembre 2007, Mohamed Omar Habeb a appelé « tous les médias », y compris « les représentants des médias étrangers », à s’enregistrer auprès des autorités « dans les 30 jours pour continuer à travailler à Mogadiscio, sinon ils ne seront pas autorisés ».
« Outre qu’il n’existe pas de base légale à cette décision, aucune loi en Somalie n’étant susceptible de la justifier, il n’appartient pas au maire de la capitale de déterminer qui est autorisé à couvrir l’actualité et qui ne l’est pas. Les règles élémentaires de la profession stipulent que les seules autorités habilitées à assigner des missions aux journalistes sont leurs rédactions en chef », peut-on lire dans le courrier, daté du 16 novembre 2007.
Quatre radios privées (Radio Quran Karim, Radio Mogadishu, Voice of Democracy, Radio Somaliweyn), une chaîne de télévision (Universal TV, basée à Londres) et cinq correspondants locaux de médias internationaux (AFP, Reuters, Associated Press, BBC, VOA) sont les derniers journalistes à pouvoir travailler à Mogadisicio.
« Certes, la délivrance d’accréditations par les autorités, pratiquée par de nombreux pays, peut se comprendre dans une situation de conflit armé. Mais l’enregistrement sélectif des médias, dans un contexte où trois radios privées ont été récemment fermées arbitrairement par la force et où des journalistes sont régulièrement incarcérés hors de toute procédure légale, constitue une mesure supplémentaire de censure et de contrôle de l’information, incompatible avec les engagements du gouvernement que vous présidez », a ajouté l’organisation.
Reporters sans frontières cite l’exemple de la fermeture, les 12 et 13 novembre 2007, de Radio Shabelle, Radio Banadir et Radio Simba, et de la détention arbitraire du photographe indépendant Salah Mohammed Adde, arrêté le 15 novembre par la brigade criminelle lors d’un meeting au stade de football Banadir, dans le nord de Mogadiscio. Le journaliste a été interpellé alors qu’il prenait des photographies de manifestants qui soutenaient l’opération de police lancée par les troupes somaliennes, appuyées par l’armée éthiopienne, dans le centre de la capitale. Il est toujours en détention depuis.
L’organisation estime que ces incidents « violent la Charte fédérale de transition de février 2004, qui sert de corpus législatif suprême à la Somalie, sur plusieurs points ». L’article 3, alinéa 1, stipule que le gouvernement fonde son action sur « la suprématie de la loi » et sur « une gouvernance conforme à la Charte ». L’article 4, alinéa c, précise que l’interprétation de la Charte doit privilégier « ce qui fait avancer la dignité humaine, l’intégrité, les droits et les libertés fondamentales, ainsi que l’Etat de droit ». Enfin, l’article 20, alinéa 1, engage le gouvernement fédéral de transition à « garantir la liberté de la presse et des médias indépendants, conformément à la loi ».
« Ces trois dispositions essentielles de la Charte donnent manifestement tort au maire de Mogadiscio. Du reste, ce dernier, en tant qu’ancien gouvernement de Jowhar sous le nom de guerre de’Mohamed Dhere’, a déjà, par le passé, fait la démonstration de son mépris pour la liberté de la presse, en faisant régulièrement arrêter des journalistes selon son bon vouloir », a écrit Reporters sans frontières.
L’organisation appelle donc Abdullahi Yusuf Ahmed « à prendre des engagements publics clairs en faveur de la presse indépendante somalienne, qui a payé un lourd tribut à la guerre cette année et qui se trouve prise entre les feux croisés des insurgés et de votre armée. De deux choses l’une, soit votre gouvernement fonde son action sur la Charte fédérale de transition et le maire de Mogadiscio ne doit pas mettre ses menaces en pratique, Radio Shabelle, Radio Banadir et Radio Simba doivent être autorisées à reprendre leurs activités et Salah Mohammed Adde doit être libéré ; soit votre gouvernement décide de s’affranchir de ses règles fondatrices et il est indispensable que son président l’assume publiquement », a conclu l’organisation.
Le 14 novembre 2007, Mohamed Omar Habeb a appelé « tous les médias », y compris « les représentants des médias étrangers », à s’enregistrer auprès des autorités « dans les 30 jours pour continuer à travailler à Mogadiscio, sinon ils ne seront pas autorisés ».
« Outre qu’il n’existe pas de base légale à cette décision, aucune loi en Somalie n’étant susceptible de la justifier, il n’appartient pas au maire de la capitale de déterminer qui est autorisé à couvrir l’actualité et qui ne l’est pas. Les règles élémentaires de la profession stipulent que les seules autorités habilitées à assigner des missions aux journalistes sont leurs rédactions en chef », peut-on lire dans le courrier, daté du 16 novembre 2007.
Quatre radios privées (Radio Quran Karim, Radio Mogadishu, Voice of Democracy, Radio Somaliweyn), une chaîne de télévision (Universal TV, basée à Londres) et cinq correspondants locaux de médias internationaux (AFP, Reuters, Associated Press, BBC, VOA) sont les derniers journalistes à pouvoir travailler à Mogadisicio.
« Certes, la délivrance d’accréditations par les autorités, pratiquée par de nombreux pays, peut se comprendre dans une situation de conflit armé. Mais l’enregistrement sélectif des médias, dans un contexte où trois radios privées ont été récemment fermées arbitrairement par la force et où des journalistes sont régulièrement incarcérés hors de toute procédure légale, constitue une mesure supplémentaire de censure et de contrôle de l’information, incompatible avec les engagements du gouvernement que vous présidez », a ajouté l’organisation.
Reporters sans frontières cite l’exemple de la fermeture, les 12 et 13 novembre 2007, de Radio Shabelle, Radio Banadir et Radio Simba, et de la détention arbitraire du photographe indépendant Salah Mohammed Adde, arrêté le 15 novembre par la brigade criminelle lors d’un meeting au stade de football Banadir, dans le nord de Mogadiscio. Le journaliste a été interpellé alors qu’il prenait des photographies de manifestants qui soutenaient l’opération de police lancée par les troupes somaliennes, appuyées par l’armée éthiopienne, dans le centre de la capitale. Il est toujours en détention depuis.
L’organisation estime que ces incidents « violent la Charte fédérale de transition de février 2004, qui sert de corpus législatif suprême à la Somalie, sur plusieurs points ». L’article 3, alinéa 1, stipule que le gouvernement fonde son action sur « la suprématie de la loi » et sur « une gouvernance conforme à la Charte ». L’article 4, alinéa c, précise que l’interprétation de la Charte doit privilégier « ce qui fait avancer la dignité humaine, l’intégrité, les droits et les libertés fondamentales, ainsi que l’Etat de droit ». Enfin, l’article 20, alinéa 1, engage le gouvernement fédéral de transition à « garantir la liberté de la presse et des médias indépendants, conformément à la loi ».
« Ces trois dispositions essentielles de la Charte donnent manifestement tort au maire de Mogadiscio. Du reste, ce dernier, en tant qu’ancien gouvernement de Jowhar sous le nom de guerre de’Mohamed Dhere’, a déjà, par le passé, fait la démonstration de son mépris pour la liberté de la presse, en faisant régulièrement arrêter des journalistes selon son bon vouloir », a écrit Reporters sans frontières.
L’organisation appelle donc Abdullahi Yusuf Ahmed « à prendre des engagements publics clairs en faveur de la presse indépendante somalienne, qui a payé un lourd tribut à la guerre cette année et qui se trouve prise entre les feux croisés des insurgés et de votre armée. De deux choses l’une, soit votre gouvernement fonde son action sur la Charte fédérale de transition et le maire de Mogadiscio ne doit pas mettre ses menaces en pratique, Radio Shabelle, Radio Banadir et Radio Simba doivent être autorisées à reprendre leurs activités et Salah Mohammed Adde doit être libéré ; soit votre gouvernement décide de s’affranchir de ses règles fondatrices et il est indispensable que son président l’assume publiquement », a conclu l’organisation.
English
Reporters Without Borders
Mogadishu mayor Mohamed Omar Habeb’s demands that news media and journalists must register with the authorities in order to be able work in the capital are a violation of the Transitional Federal Government’s undertakings, Reporters Without Borders said today in a letter to President Abdullahi Yusuf Ahmed.
Mayor Habeb said on 14 November that « all the media » including « representatives of foreign media » would have to register with the authorities « within 30 days in order to continue working in Mogadishu, otherwise they will not be authorised. »
« Aside from the fact that this decision has no legal basis and is not supported by any Somali law, it is not the mayor’s job to decide who is allowed to report the news and who is not, » the letter said. « It is one of the most elementary principles of journalism that the only persons who may assign work to journalists are their editors. »
The staff of four privately-owned radio stations (Radio Quran Karim, Radio Mogadishu, Voice of Democracy and Radio Somaliweyn), and one television station (London-based Universal TV), and five local reporters who are stringers for international news media (AFP, Reuters, Associated Press, BBC and VOA) are the only remaining journalists able to work in Mogadishu.
« The issuing of press accreditation, practised by many countries, can be understood when fighting is going on, » the letter said. « But the selective registration of media at a time when three privately-owned radio stations have just been arbitrarily closed by force and journalists are frequently jailed in an utterly illegal manner constitutes an additional attempt to censor and control the news, one that is incompatible with the undertakings given by the government you lead. »
As an example, the letter said that two days after the unexplained closures of Radio Shabelle, Radio Banadir and Radio Simba, freelance photographer Salah Mohammed Adde was arrested yesterday by police of the criminal investigation department at Mogadishu’s Banadir football stadium while taking photos of demonstrators who support the anti-insurgency operation which government troops, supported by the Ethiopian army, have launched in the city centre. He is still held.
« These incidents violate several articles of the February 2004 Transitional Federal Charter, which currently fulfils the role of a constitution, » the letter continued. « Article 3, point 1 says your government’shall be founded on the supremacy of the law and shall be governed in accordance with this charter’. Article 4, subsection c says interpretation of the charter should give priority to’human dignity, integrity, rights and fundamental freedoms and the rule of law’. And article 20, point 1 requires the government to’guarantee the freedom of press and independent media in accordance with law’. »
These three essential provisions in the charter show that Mogadishu’s mayor is clearly in the wrong, Reporters Without Borders said. Furthermore, as the former governor of Jowhar under the nom de guerre of’Mohamed Dhere’, the mayor already demonstrated his contempt for press freedom by regularly having journalists arrested at his pleasure.
The letter concludes by urging President Yusuf to give clear undertakings to defend Somalia’s independent press, which has paid a heaving price in this year’s fighting and is caught in the crossfire between the rebels and your army.
« You must choose one of two courses, » the letter said. « Either your government follows the Transitional Federal Charter, which means the mayor does not carry out his threats, Radio Shabelle, Radio Banadir and Radio Simba are allowed to resume operating and Salah Mohammed Adde is released. Or your government must turn its back on the rules under which it was established, in which case you, as its president, must say so publicly. »
Mayor Habeb said on 14 November that « all the media » including « representatives of foreign media » would have to register with the authorities « within 30 days in order to continue working in Mogadishu, otherwise they will not be authorised. »
« Aside from the fact that this decision has no legal basis and is not supported by any Somali law, it is not the mayor’s job to decide who is allowed to report the news and who is not, » the letter said. « It is one of the most elementary principles of journalism that the only persons who may assign work to journalists are their editors. »
The staff of four privately-owned radio stations (Radio Quran Karim, Radio Mogadishu, Voice of Democracy and Radio Somaliweyn), and one television station (London-based Universal TV), and five local reporters who are stringers for international news media (AFP, Reuters, Associated Press, BBC and VOA) are the only remaining journalists able to work in Mogadishu.
« The issuing of press accreditation, practised by many countries, can be understood when fighting is going on, » the letter said. « But the selective registration of media at a time when three privately-owned radio stations have just been arbitrarily closed by force and journalists are frequently jailed in an utterly illegal manner constitutes an additional attempt to censor and control the news, one that is incompatible with the undertakings given by the government you lead. »
As an example, the letter said that two days after the unexplained closures of Radio Shabelle, Radio Banadir and Radio Simba, freelance photographer Salah Mohammed Adde was arrested yesterday by police of the criminal investigation department at Mogadishu’s Banadir football stadium while taking photos of demonstrators who support the anti-insurgency operation which government troops, supported by the Ethiopian army, have launched in the city centre. He is still held.
« These incidents violate several articles of the February 2004 Transitional Federal Charter, which currently fulfils the role of a constitution, » the letter continued. « Article 3, point 1 says your government’shall be founded on the supremacy of the law and shall be governed in accordance with this charter’. Article 4, subsection c says interpretation of the charter should give priority to’human dignity, integrity, rights and fundamental freedoms and the rule of law’. And article 20, point 1 requires the government to’guarantee the freedom of press and independent media in accordance with law’. »
These three essential provisions in the charter show that Mogadishu’s mayor is clearly in the wrong, Reporters Without Borders said. Furthermore, as the former governor of Jowhar under the nom de guerre of’Mohamed Dhere’, the mayor already demonstrated his contempt for press freedom by regularly having journalists arrested at his pleasure.
The letter concludes by urging President Yusuf to give clear undertakings to defend Somalia’s independent press, which has paid a heaving price in this year’s fighting and is caught in the crossfire between the rebels and your army.
« You must choose one of two courses, » the letter said. « Either your government follows the Transitional Federal Charter, which means the mayor does not carry out his threats, Radio Shabelle, Radio Banadir and Radio Simba are allowed to resume operating and Salah Mohammed Adde is released. Or your government must turn its back on the rules under which it was established, in which case you, as its president, must say so publicly. »
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