Murmures

Reporters sans frontières dénonce les conditions dans lesquelles se déroule le procès en appel de l’affaire Serge Maheshe
mars 2008 | | Média | République démocratique du Congo

Français

Reporters sans frontières
Reporters sans frontières dénonce les conditions calamiteuses dans lesquelles se déroule le procès en appel des assassins présumés du journaliste Serge Maheshe, secrétaire de rédaction de la station onusienne Radio Okapi, à Bukavu (Sud-Kivu, Est), tué par balles le 13 juin 2007.

« Il n’est pas trop tard pour que le procès en appel de l’affaire Serge Maheshe retrouve de la cohérence et de la crédibilité. Il n’est pas compréhensible que les magistrats refusent obstinément d’examiner les aveux spontanés des tireurs présumés, innocentant les deux amis du journaliste, condamnés en même temps qu’eux. De plus, le fait que ceux-ci ne puissent suivre les débats, faute d’interprètes, aggrave les soupçons de partialité qui pèsent sur le tribunal. Si la volonté des magistrats est réellement de rendre la justice et d’éviter de reproduire le fiasco de la juridiction de première instance, ils doivent mettre bon ordre dans les audiences, en garantissant les droits de la défense et en prenant sérieusement en compte la parole des accusés », a déclaré l’organisation.

Le procès en appel des assassins présumés de Serge Maheshe, tué par des inconnus armés dans la soirée du 13 juin 2007, s’est ouvert le 6 février 2008 devant la cour d’appel à Bukavu, d’avant d’être reporté plusieurs fois pour des questions de procédure. A l’ouverture de l’audience, le 5 mars à 10 heures 30, le tribunal a commencé par rejeter la demande de remise en liberté provisoire de Serge Muhima et Alain Mulimbi Shamavu, deux amis proches de la victime et témoins oculaires du crime, qui avaient dans un premier temps été accusés par les tireurs présumés, Freddy Bisimwa Matabaro et Mugisho Rwezangabo Mastakila, d’être les commanditaires de l’assassinat. Ceux-ci se sont par la suite rétractés, innocentant les deux amis de la victime et accusant des magistrats militaires de les avoir soudoyés pour accuser des innocents.

Lors des audiences du procès en appel, le tribunal militaire de Bukavu n’a pas fourni d’interprètes pour Freddy Bisimwa Matabaro et Mugisho Rwezangabo Mastakila, malgré les demandes répétées de leurs avocats. Les accusés ne s’expriment qu’en swahili, alors que les débats entre magistrats et avocats se déroulent en français. Par ailleurs, les magistrats ont systématiquement refusé que les deux accusés citent les noms des magistrats militaires qui les ont soudoyés, prétextant que cela « perturberait l’ordre du jour » et pourrait « créer des polémiques ». De son côté, la famille de Serge Maheshe a décidé de ne plus assister aux audiences.

Dans un rapport daté du 28 janvier 2008 et rendu public le 6 mars, la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (Monuc) a dénoncé, au cours du procès en première instance, de « graves violations du droit » et « l’absence de volonté » du ministère public et du tribunal de « chercher à établir la vérité et à rendre justice à la victime et à ses proches ». En s’appuyant sur chaque étape de la procédure, la Monuc démontre comment l’instruction puis les audiences ayant conduit à la condamnation à mort des quatre co-accusés ont été « bâclées », bafouant les droits de la défense et les règles élémentaires de l’enquête criminelle.

Rappel des faits

En première instance, le tribunal militaire de Bukavu avait condamné, le 28 août 2007, Freddy Bisimwa Matabaro et Mugisho Rwezangabo Mastakila à la peine capitale pour « assassinat », tandis que Serge Muhima et Alain Mulimbi Shamavu, avaient été condamnés à la même peine pour « association de malfaiteurs ». Le jugement avait été rendu en se fondant sur les seuls « aveux » des deux premiers, expliquant être les auteurs matériels de l’assassinat et qui avaient accusé les amis du journaliste d’être les commanditaires du crime, sans avoir pu fournir ni mobile ni élément matériel. En rendant son verdict, le tribunal avait reconnu lui-même la persistance de « zones d’ombre » dans le dossier.

Dans une lettre datée du 8 septembre 2007, dont Reporters sans frontières détient une copie, Freddy Bisimwa Matabaro et Mugisho Rwezangabo Mastakila ont accusé deux magistrats militaires de les avoir soudoyés pour accuser les deux amis de la victime. Ils ont affirmé que ceux-ci leur ont fourni des éléments prétendument compromettants, de manière à étayer leur scénario, et leur ont fait la promesse de leur assurer une rente financière et des titres de voyage pour l’Afrique du Sud.

English

Reporters Without Borders
The hearings in the appeal of four persons against their conviction for the murder of journalist Serge Maheshe are being conducted in a « disgraceful » manner by a military court in Bukavu, in the eastern province Sud-Kivu, Reporters Without Borders said today. The news editor of UN-backed Radio Okapi’s regional office, Maheshe was gunned on a Bukavu street on 13 June 2007.

« It is not too late for coherence and credibility to be restored to this appeal, » the press freedom organisation said. « It is incomprehensible that the judges obstinately refuse to examine the spontaneous confessions made by the two alleged gunmen, in which they absolve the two friends of Maheshe who were convicted of putting them up to the murder. »

Reporters Without Borders added: « The fact that the two alleged gunmen are unable to follow the hearings for lack of interpreters reinforces the suspicions that the court is not impartial. If the judges really want to render justice and avoid repeating the fiasco of the original trial, they should ensure that the rights of the defence are respected and they should listen to what they defendants are saying. »

The appeal began to be heard on 6 February but was adjourned and was then postponed several times on procedural grounds. When another hearing finally got under way at 10:30 a.m. on 5 March, the court began by rejecting a request for the release of Maheshe’s two close friends, Serge Muhima and Alain Mulimbi Shamavu, who were with him at the time of the murder. The two alleged gunmen, Freddy Bisimwa Matabaro and Mugisho Rwezangabo Mastakila, had initially accused them of being the instigators. They later retracted and accused military judges of bribing them to accuse Maheshe’s friends.

Matabaro and Mastakila only speak Swahili, but all of the discussions between the judges and the lawyers are being conducted in French. Nonetheless the court has refused to provide them with interpreters. On the grounds that it would « disrupt the agenda » and « create controversy, » the judges have also systematically refused to let them name the military judges who allegedly bribed them.

Maheshe’s family has meanwhile decided to stop attending the hearings.

In a report dated 28 January and released on 6 March, the United Nations Mission in Democratic Republic of Congo (MONUC) said there were serious irregularities in the original trial and accused the court and the prosecutors of showing no interest in trying to establish the truth and render justice to the victim and his family. The investigation and trial that concluded with the four defendants being sentenced to death were « botched, » the report said, adding that both the rights of the defence and the most basic rules of criminal investigation were violated.

The original trial before a Bukavu military court ended on 28 August with Matabaro and Mastakila being sentenced to death for Maheshe’s murder and with Maheshe’s two friends, Muhima and Shamavu, being sentenced to death for « criminal association. » The court based its convictions solely on the « confessions » made by Matabaro and Mastakila and their testimony that Maheshe’s two friends were the instigators. No motive for the murder and no material evidence was produced. When issuing its verdict, the court acknowledged that many aspects of the case were unclear.

Then, in a letter dated 8 September, Matabaro and Mastakila accused two military judges of bribing them to say they shot Maheshe at the behest of his two friends. They claimed in the letter, a copy of which is held by Reporters Without Borders, that the two judges provided them with evidence to support this story and promised them they would be allowed to travel to South Africa and would receive a regular income.
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