Murmures

Six ans après l’assassinat de Deyda Hydara, Reporters sans frontières appelle les autorités à laisser la presse respirer
décembre 2010 | Faits de société | Média | Gambie

Français

Six ans après l’assassinat, toujours impuni, du célèbre journaliste et cofondateur du quotidien privé The Point, Deyda Hydara, Reporters sans frontières appelle les autorités gambiennes à cesser de faire obstruction à la tenue d’une enquête indépendante. L’organisation demande également au président Yahya Jammeh de donner un sens plus libéral à la législation sur la presse en abrogeant les lois de 2004.

L’assassinat de Deyda Hydara, le 16 décembre 2004, et la promulgation, deux semaines plus tard, du « Newspaper Amendment Act 2004 » et du « Criminal Code Amendment Bill 2004 », avaient sonné la fin d’une époque où la presse privée pouvait faire front face au gouvernement. Depuis, les journalistes gambiens vivent dans un climat de peur, entretenu par une législation sur la « diffamation » et la « publication de fausses nouvelles » parmi les plus liberticides d’Afrique de l’Ouest.

« L’enquête sur la mort de Deyda Hydara a toujours été bloquée par les autorités, rendant impossible la manifestation de la vérité. Six ans après les faits, nous craignons que justice ne lui soit jamais rendue. Ses confrères continuent par ailleurs de subir l’hostilité du président Yahya Jammeh vis-à-vis des médias. Nous demandons au chef de l’Etat de réformer les lois sur la presse de manière à laisser enfin la presse respirer », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Ancien président du syndicat des journalistes, correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) et de Reporters sans frontières en Gambie, Deyda Hydara a été tué par balles par des inconnus circulant dans un taxi, alors qu’il se trouvait au volant de sa voiture, dans la soirée du 16 décembre 2004, à la périphérie de Banjul. Dans les semaines qui ont suivi, sur la base d’une enquête menée sur place dont les résultats ont été publiés dans un rapport intitulé « Deyda Hydara : mort d’un journaliste sous surveillance », Reporters sans frontières avait fait part des soupçons sérieux qui pesaient sur les services de sécurité gambiens, et notamment sur un groupe semi-clandestin de partisans du chef de l’Etat, baptisé les « Green Boys ». Plusieurs éléments pouvaient laisser penser que Deyda Hydara avait été la cible de représailles pour faire taire les critiques acerbes que ce journaliste, ancien président de la Gambia Press Union (GPU) et doyen des professionnels du pays, adressait régulièrement au gouvernement.

L’enquête de police, promise alors par les autorités gambiennes, n’a connu aucune suite sérieuse. Le seul document officiel publié par les services de renseignements gambiens est un « rapport confidentiel », transmis à la presse en 2005, évoquant plusieurs pistes, pour la plupart absurdes, pouvant prétendument éclairer les circonstances du crime.

Depuis cette date, la plupart des témoins clés de l’affaire ont disparu, notamment le directeur de la National Intelligence Agency (NIA) à l’époque, Daba Marenah, dont on est sans nouvelles depuis qu’il a été arrêté après avoir été mis en cause dans une tentative présumée de coup d’Etat.

A plusieurs reprises depuis 2004, le président Yahya Jammeh a démenti toute implication de l’Etat dans ce crime et considérait que le journaliste avait été tué pour une affaire de mœurs.

English

On the sixth anniversary of leading Gambian journalist Deyda Hydara’s still unsolved murder, Reporters Without Borders appeals to the authorities to stop obstructing an independent investigation and urges President Yahya Jammeh to liberalize the country’s media legislation by repealing the laws that were adopted in 2004.

Hydara’s murder on 16 December 2004 and the promulgation two weeks later of the Newspaper Amendment Act 2004 and the Criminal Code Amendment Bill 2004 ended an era in which the privately-owned media could stand up to the government. Since then, Gambia’s journalists have lived in fear of legislation on defamation and the « publication of false information » that is among the most repressive in West Africa.

« The authorities have always blocked the investigation into Deyda Hydara’s death, making it impossible for the truth to emerge, » Reporters Without Borders secretary-general Jean-François Julliard said. « Six years later, we fear that justice will never be rendered. His colleagues continue to endure President Jammeh’s hostility towards the media. We urge him to amend the press laws and finally let the press breathe. »

The joint founder and editor of the daily The Point, the Gambia correspondent of Agence France-Presse and Reporters Without Borders, and the former president of the Gambia Press Union, Hydara was at the wheel of his car in a Banjul suburb on the evening of 16 December when he was shot dead by unidentified gunmen travelling in a taxi.

After carrying out its own investigation in Banjul, Reporters Without Borders issued a report in entitled « Deyda Hydara, the death of a journalist under surveillance » in which it said there were serious grounds for suspecting that the Gambian security services, working with a semi-clandestine group of Jammeh supporters called the Green Boys, killed Hydara because of his frequent criticism of the government and his ability to influence his fellow journalists.

The Gambian authorities promised to investigate Hydara’s murder but no serious investigation was ever carried out. A « confidential report » by the National Intelligence Agency (NIA) was given to the press in 2005 but it contained little aside from some absurd theories about his death. It was the only official document about Hydara’s murder ever released by the authorities.

Since then, most of the key potential witnesses have disappeared, including the then head of the NIA, Daba Marenah. There has been no word of Marenah since he was arrested after being implicated in an alleged coup attempt.

President Jammeh has on several occasions denied any government role in the murder, suggesting instead that his death was linked to a romantic liaison.
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