Murmures
Railovy, premier auteur malgache d’Embarquement immédiat
mai 2003 | | Littérature / édition | Madagascar
Source : Calendrier culturel malgache
Français
Le site Internet d’Embarquement immédiat a été ouvert, comme prévu, le 10 mai. On peut y lire et y télécharger gratuitement les quatre premiers textes parus dans le cadre de ce projet d’édition francophone.
Parmi eux, Sorcelleries, de Railovy. Elle n’est pas tout à fait inconnue puisqu’elle avait été la lauréate du concours littéraire « Hiratra » organisé à l’occasion de l’éclipse solaire. Jean-Luc Raharimanana, qui l’a lue, dit d’elle : « Le plus intéressant pour moi, c’est cette remise en question de la littérature malgache, de cette vision même de Madagascar. Avec elle, Madagascar semble dériver au milieu des continents, sans port d’attache précis. » En effet, contrairement à la plupart des autres écrivains malgaches – et même à la plupart des auteurs débutants, ailleurs dans le monde –, elle a choisi de situer sa nouvelle hors de Madagascar, et hors du pays où elle vit actuellement (la France).
De cela, et de sa démarche d’écriture en général, elle s’explique dans un entretien réalisé par email.
Avant de participer au concours « Hiratra », aviez-vous déjà écrit ? et fait lire vos textes?
Tout dépend du moment où on situe le début de l’écriture. Il existe plusieurs stades dans l’écriture et ça commence souvent par cette pseudo cure psychanalytique que l’on se fait le soir à la veillée. C’est une évidence mais je pense que l’on écrit véritablement quand on en vient à jouer avec les mots, les sons et les images puis à se laisser prendre dans un formidable jeu de construction où les pièces de base sont autant les personnages, les décors, leurs positionnements que le souffle du récit, le rythme des phrases et les métaphores… Non plus seulement à projeter son moi conscient dans un exercice purement aporistique – j’ai comme beaucoup des piles de journaux et de poèmes que j’accumule depuis le collège, mais plutôt à enrichir et à patiner sa propre langue et son univers. En ce sens-là, j’ai commencé à peine deux années avant « Hiratra ». En fait, ça coïncide avec le moment où j’ai découvert le mot d’ordre : le travail. Comme dans toute discipline, le talent ne pèse pas lourd sans le travail. Puis, une semaine passée à Iowa City lors de l’IWP m’a appris que des écrivains « professionnels » se mettent devant l’ordinateur à huit heures du matin, se lèvent pour un thé à midi, s’y remettent à quatorze heures, sortent à dix-sept heures pour deux heures de débat et voient leurs traducteurs de vingt heures à minuit. Ce, jusqu’à ce que leurs projets soient sur les rayons, et encore, la suite s’enchaîne sans attendre. Le même rythme que tous les athlètes de haut niveau. Bref, ce n’est pas en couchant mes réflexions une demi-heure de temps à autre quand l’envie me prend et que je me sens inspirée que je peux vous dire que j’écris ! Et quant à avoir montré tout ça, jamais à personne avant le jury de Hiratra.
Vous avez choisi, dans Sorcelleries, de traiter un sujet non malgache, démarche assez rare. Pourquoi?
A première vue, le sujet de Sorcelleries est africain. Mais est-ce rare pour un Malgache ou est-ce rare tout court qu’un écrivain parle d’un soi-disant autre monde que le sien propre ? Et puis, est-ce tellement loin de ce qui est malgache ? Et d’abord, qu’est-ce qui est malgache ou ne l’est pas ? Quand je pense, lors de mes pérégrinations, que l’on m’avait évoqué toutes les origines possibles, yéménite, thaïlandaise, indienne, cap-verdienne, péruvienne ou tahitienne… Pour les Occidentaux, je suis d’abord africaine. Les Malgaches portent les marques de tous ces peuples sur leurs traits, dans leur langue, parmi leurs rituels ; et encore il revient souvent cette petite phrase que je hais : « Les Malgaches ne sont pas des Africains. » Ce qui est vrai au sens de ce que je viens de dire, mais malheureusement, on ne le dit pas dans cet esprit-là, on le dit par déni. Et comment pourrait-on ignorer cette Terre, cette Grande Mère qui est à peine à quatre cents kilomètres de notre côte, tout ça parce qu’on est à peine un dixième de ton plus clair que la moyenne africaine ? Depuis toujours, j’ai pensé que le Malgache en est plus que jamais proche, et il est vrai que trois ans passés en Afrique m’ont définitivement confortée dans l’idée qu’elle porte le cœur de mes racines profondes. Ce qui n’exclura évidemment pas de ma part des propos similaires sur d’autres continents. Mais attention, ne tombons pas dans l’autre extrême nombriliste et proprement insulaire en prétendant que Madagascar est aux confluences de tous les courants du monde et que par là se suffit à lui-même ! Au contraire, je dis que nous avons surtout besoin d’aller rechercher sur tous les continents les sources et l’essence de beaucoup de choses.
Quels sont vos autres projets d’écriture?
Après « Hiratra », j’ai recommencé à zéro. Il y a l’écriture, les projets et les moyens. Ce sont trois choses distinctes qu’il faudrait, dans l’idéal, faire avancer simultanément. Actuellement, j’en suis surtout à travailler la première tout en essayant de corser le jeu. Puis tant qu’à faire, j’aimerais sortir un premier roman sur lequel je travaille depuis un moment. Mais d’abord, le vrai projet c’est un projet d’autodiscipline : écrire quelques heures par jour et reprendre les bases. L’essentiel de ma jouissance réside encore et toujours dans le travail avec les mots et les histoires qui en naissent.
Contact à Madagascar : Pierre Maury
De cela, et de sa démarche d’écriture en général, elle s’explique dans un entretien réalisé par email.
Avant de participer au concours « Hiratra », aviez-vous déjà écrit ? et fait lire vos textes?
Tout dépend du moment où on situe le début de l’écriture. Il existe plusieurs stades dans l’écriture et ça commence souvent par cette pseudo cure psychanalytique que l’on se fait le soir à la veillée. C’est une évidence mais je pense que l’on écrit véritablement quand on en vient à jouer avec les mots, les sons et les images puis à se laisser prendre dans un formidable jeu de construction où les pièces de base sont autant les personnages, les décors, leurs positionnements que le souffle du récit, le rythme des phrases et les métaphores… Non plus seulement à projeter son moi conscient dans un exercice purement aporistique – j’ai comme beaucoup des piles de journaux et de poèmes que j’accumule depuis le collège, mais plutôt à enrichir et à patiner sa propre langue et son univers. En ce sens-là, j’ai commencé à peine deux années avant « Hiratra ». En fait, ça coïncide avec le moment où j’ai découvert le mot d’ordre : le travail. Comme dans toute discipline, le talent ne pèse pas lourd sans le travail. Puis, une semaine passée à Iowa City lors de l’IWP m’a appris que des écrivains « professionnels » se mettent devant l’ordinateur à huit heures du matin, se lèvent pour un thé à midi, s’y remettent à quatorze heures, sortent à dix-sept heures pour deux heures de débat et voient leurs traducteurs de vingt heures à minuit. Ce, jusqu’à ce que leurs projets soient sur les rayons, et encore, la suite s’enchaîne sans attendre. Le même rythme que tous les athlètes de haut niveau. Bref, ce n’est pas en couchant mes réflexions une demi-heure de temps à autre quand l’envie me prend et que je me sens inspirée que je peux vous dire que j’écris ! Et quant à avoir montré tout ça, jamais à personne avant le jury de Hiratra.
Vous avez choisi, dans Sorcelleries, de traiter un sujet non malgache, démarche assez rare. Pourquoi?
A première vue, le sujet de Sorcelleries est africain. Mais est-ce rare pour un Malgache ou est-ce rare tout court qu’un écrivain parle d’un soi-disant autre monde que le sien propre ? Et puis, est-ce tellement loin de ce qui est malgache ? Et d’abord, qu’est-ce qui est malgache ou ne l’est pas ? Quand je pense, lors de mes pérégrinations, que l’on m’avait évoqué toutes les origines possibles, yéménite, thaïlandaise, indienne, cap-verdienne, péruvienne ou tahitienne… Pour les Occidentaux, je suis d’abord africaine. Les Malgaches portent les marques de tous ces peuples sur leurs traits, dans leur langue, parmi leurs rituels ; et encore il revient souvent cette petite phrase que je hais : « Les Malgaches ne sont pas des Africains. » Ce qui est vrai au sens de ce que je viens de dire, mais malheureusement, on ne le dit pas dans cet esprit-là, on le dit par déni. Et comment pourrait-on ignorer cette Terre, cette Grande Mère qui est à peine à quatre cents kilomètres de notre côte, tout ça parce qu’on est à peine un dixième de ton plus clair que la moyenne africaine ? Depuis toujours, j’ai pensé que le Malgache en est plus que jamais proche, et il est vrai que trois ans passés en Afrique m’ont définitivement confortée dans l’idée qu’elle porte le cœur de mes racines profondes. Ce qui n’exclura évidemment pas de ma part des propos similaires sur d’autres continents. Mais attention, ne tombons pas dans l’autre extrême nombriliste et proprement insulaire en prétendant que Madagascar est aux confluences de tous les courants du monde et que par là se suffit à lui-même ! Au contraire, je dis que nous avons surtout besoin d’aller rechercher sur tous les continents les sources et l’essence de beaucoup de choses.
Quels sont vos autres projets d’écriture?
Après « Hiratra », j’ai recommencé à zéro. Il y a l’écriture, les projets et les moyens. Ce sont trois choses distinctes qu’il faudrait, dans l’idéal, faire avancer simultanément. Actuellement, j’en suis surtout à travailler la première tout en essayant de corser le jeu. Puis tant qu’à faire, j’aimerais sortir un premier roman sur lequel je travaille depuis un moment. Mais d’abord, le vrai projet c’est un projet d’autodiscipline : écrire quelques heures par jour et reprendre les bases. L’essentiel de ma jouissance réside encore et toujours dans le travail avec les mots et les histoires qui en naissent.
Contact à Madagascar : Pierre Maury
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