A Stains, malgré l’abstention, les jeunes veulent faire entendre leurs voix

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Dans les quartiers populaires de Stains, en Seine-Saint-Denis, championne de l’abstention aux élections municipales de 2014, des jeunes témoignent des causes du non-vote et proposent des pistes pour sortir de cette situation.

Un soir de février, en plein coeur du Clos Saint-Lazare, la plus grande cité de Stains (93), un quartier récemment réhabilité autour de commerces de proximité. Un groupe de jeunes Stanois a accepté de débattre autour de la question de l’abstention électorale. Ici, comme dans beaucoup de villes populaires, la population, plutôt jeune (47% des habitants ont moins de 30 ans), manifeste une forte désaffection pour les élections. Lors des municipales de 2014, l’abstention a atteint 61,05 % à Stains. Dans les locaux flambant neufs du centre de loisirs Sadako Sasaki, en plein coeur de la cité, le ton est vite donné. « Aucun candidat ne représente réellement nos quartiers », affirme d’entrée de jeu Mohamed Mahdjoub. Et cet aide-soignant de 25 ans de déplorer que « les politiques ne se déplacent en banlieue que pendant les périodes électorales ». Ce sentiment d’être des « laissés-pour-compte » expliquerait la forte abstention dans les quartiers. « C’est important d’avoir des élus qui nous rassemblent et nous représentent, or je ne me retrouve dans aucun candidat », poursuit-il avant de détailler : « Untel se présente comme un candidat de rupture alors qu’il est empêtré dans les affaires. D’autres comme des hommes du renouveau alors qu’ils ont participé au gouvernement. Certains n’arrivent même pas à rassembler dans leur propre camp, alors comment imaginer qu’ils puissent rassembler les électeurs ? »

Enzo Egboke, un animateur de 24 ans qui se veut pragmatique et pédagogue, reconnaît qu’il est difficile de sensibiliser les jeunes au droit de vote. Avant d’ajouter : « Si le vote blanc était comptabilisé, peut-être que les gens iraient davantage voter ? » Une autre question est abordée : l’abstention ne risque-t-elle pas de faire le jeu du Front national ? Pour Mehdi El Jouhari, les deux phénomènes sont liés : « Marine Le Pen a su apporter une attention à cette classe ouvrière française. Les ouvriers qui votaient traditionnellement à gauche en viennent à s’abstenir et laissent la place au FN, qui gagne avec des pourcentages très faibles. » De son côté, Mohamed Mahdjoub constate que « la banalisation du racisme en France va de pair avec la montée du FN ». Et d’ajouter : « On se dit que, finalement, ils finiront par passer et que nos voix ne servent à rien. » Un renoncement qui ne le satisfait pas pour autant : « En tant que jeune de banlieue et citoyen français avant tout, je continuerai ma mobilisation, car le vote est un droit, mais surtout un devoir. Je pense à nos pays d’origine où certaines personnes meurent pour le droit de vote. » Pourtant, les idées fusent pour tenter de se réconcilier avec le jeu politique. Salim Aïssou, coordinateur du conseil consultatif de la jeunesse, pense à mettre en place une campagne pour inciter les jeunes à aller voter. Finalement, beaucoup de ces jeunes Stanois reconnaissent l’importance du vote. « Voter, c’est exister », affirment même certains d’entre eux. Certes, leur conscience politique est mise à mal par un système qu’ils jugent sclérosé. Mais la jeunesse des quartiers n’a pas renoncé à faire entendre sa voix.

Paroles de sans-voix, un projet original : Donner la parole à ceux que l’on n’entend pas – ou si peu – dans le débat public, et ce à l’approche des échéances électorales: c’est la raison d’être du projet Paroles de sans-voix, fruit d’un partenariat entre Le Monde, l’Association Georges-Hourdin et cinq associations actives dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion (Amnesty International, ATD Quart Monde, Cimade, Secours catholique, Secours islamique). Les articles sont rédigés par l’équipe des Reporters citoyens, des jeunes journalistes issus de quartiers populaires d’Île-de-France.

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