Cité Campus puise dans l’univers quotidien des jeunes durant la période de préparation du bac pour aborder les intrigues amoureuses, petites jalousies, rivalités, et autres problèmes spécifiques à la jeunesse camerounaise.
» Je ne sors jamais d’ici. Je suis en exil dans mon propre pays « . C’est ainsi que Vincent Ndoumbé D. accueille tout visiteur arrivant chez lui pour la première fois. Cet « ici » de Vincent Ndoumbé est une villa située au quartier Bastos à Yaoundé. Lieu atypique par son décor et l’ambiance qui y règne à certains moments de la journée. Un mélange d’ermitage et de foyer de jeunes. Vincent Ndoumbé, réalisateur au port vestimentaire, aux fréquentations et aux convictions dérangeantes, iconoclastes, imprévisibles
Autant de qualificatifs que laissent sourdre ses uvres. Accord Majuscule, Just For Fun, et bientôt Stand’art sont, de l’avis des critiques, « les magazines le plus osés, et les plus aboutis sur le plan de l’écriture et de la construction artistique proposés à ce jour par la télévision camerounaise « .
C’est donc dans cet espace de contraste, propice à la création artistique, et où règne ce que certains appellent déjà « l’esprit Ndoumbé » qu’un collectif de jeunes, sous le label Cadr’a Productions, a écrit, réalisé, monté et porté à l’écran la première sitcom camerounaise : Cité Campus, réalisant ainsi un rêve que Vincent Ndoumbé caresse depuis plus de dix ans. C’est une uvre collective. Un film pour jeunes. Par son esprit et par son histoire : les tribulations d’un groupe de lycéens, à dix jours de leur examen de baccalauréat. L’histoire se passe dans un décor unique et habituel : une villa comme on en voit souvent dans nos villes et que le découpage technique a servi et utilisé avec bonheur. Les personnages, tous des jeunes, créent une famille à laquelle le public s’identifie très rapidement, tant les habitudes vestimentaires, le langage et les situations humoristiques dans lesquelles se débattent les différents protagonistes sont troublants de réalisme.
Originaires de classes sociales, d’ethnies et de religions différentes, ces jeunes, contrairement à ce qu’on pouvait redouter, s’enrichissent des différences culturelles de chacun d’entre eux, parfois au travers des scène décapantes d’humour.
La sitcom de Vincent Ndoumbé retrace leur univers quotidien durant cette période de préparation du bac, mais aussi des problèmes rencontrés habituellement par des jeunes : intrigues amoureuses, petite jalousie, rivalité, et autres problèmes spécifiques.
Fuyant les agréables inutilités qui, à la veille des examens, empêchent les élèves de se concentrer sur leurs études, ce groupe de jeunes décide de se retirer dans la villa des parents de l’un d’entre eux (Joyce) pour mieux préparer le baccalauréat. Mais cette retraite ne sera pas de tout repos. A quelques jours de l’examen, la fragile sérénité du groupe est rompue par une triste nouvelle : le nom de Joyce ne figure pas sur la liste des candidats. Elle ne composera donc pas. En tout cas si rien n’est fait. Cette bande de jeunes à qui on donnerait le bon Dieu sans confession imagine une stratégie à faire défroquer un moine. Leur cible et futur victime : le proviseur du Lycée, grand prévaricateur devant l’Eternel, qui plus est concupiscent et principal responsable des malheurs de leur camarade. Il n’échappera pas à la gueule de ces jeunes louves aux dents très longues. L’injustice est réparée. Joyce composera. Mais la sérénité n’est pour autant pas revenue. Car dans le deuxième épisode, en plus des pratiques magiques de Chris, cet adepte de la facilité qui espère réussir son examen grâce aux potions magiques, il faut faire face aux conséquences de l’intrusion dans ce cercle d’élèves d’un individu bizarre : un « fey man » magistralement interprété par Eshu. Ce dernier est sur un coup juteux. Il sollicite la complicité de Lottin, un membre du groupe, qui accepte de l’héberger et de l’aider dans la fabrication des faux billets de banque pour le compte d’un de ses « gibiers » : une femme d’affaire louche qu’incarne Kareyce Fotso. L’affaire tourne mal pour la dame et pour Lottin. Mais grâce à la solidarité du groupe, ce dernier s’en sort finalement. Avec de bonnes résolutions : » Never meet with bad people « . C’est désormais le credo du groupe. Un pan de voile est ainsi levé sur l’esprit que Vincent Ndoumbé veut inculquer à cette dizaine de jeunes gens constituant son équipe et qu’il forme selon le concept « learning by doing « .
Même s’il s’attaque aux vices et ridicules de notre temps, même s’il présente une jeunesse en mal de repères, dans une société où on assiste à un renversement radical des échelles de valeur, Cité Campus reste un film positif. D’autant plus optimiste qu’il propose une image innovante et entreprenante de la jeunesse camerounaise. Une jeunesse qui a su sublimer ses différences pour se mettre au-dessus des tares que sont le tribalisme, le sexisme, la corruption, la paresse
Un film à tous égards en couleurs. Par son scénario, par l’image, par les personnages. Mais sur le plan de la technique, Cité Campus devrait se repentir de quelques péchés mignons imputables, comme le reconnaît le cinéaste congolais Balufu Bakupa Kanyinda au support utilisé par Vincent Ndoumbé : » Ce film a quelques problèmes d’éclairage. Ce n’est pas la faute du réalisateur. C’est une faiblesse de l’outil numérique. Mais le numérique n’est pas qu’outil, c’est aussi et surtout l’esprit. Et je crois, en regardant ses films, que Vincent Ndoumbé a compris ce que c’est que l’esprit numérique « . Vous êtes absout monsieur Ndoumbé !
Ce texte a paru dans le magazine de cinéma et de télévision camerounaise Sud Plateau.
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