Un jeune métis franco-sénégalais, né en France d’une mère casamançaise, débarque à zolor (Ziguinchor) pour assister aux funérailles de son frère (c’est-à-dire. son cousin) assassiné sauvagement par un inconnu.
On se dit : donc roman policier.
En effet le récit démarre sur le thème : qui est le meurtrier ? – question bizarre puisque le meurtre a eu lieu en plein jour et devant la demeure de la victime. Mais les habitants du quartier n’ont rien vu !
Cornélius Ousmane Hardy va donc entreprendre une enquête hasardeuse en terrain miné.
Miné aussi au sens propre, puisque la guerre, sporadique en Casamance depuis vingt ans, est soi-disant stoppée par un traité de paix de plus, dont personne ne pense qu’il est définitif : en effet la guérilla n’a pas arrêté les hostilités et l’armée poursuit sa répression sur les paysans dont on ne sait jamais s’ils sont pour ou contre !
Dans ce contexte extrêmement trouble et troublé, Ousmane Hardy qui ne connaît rien à l’Afrique, ne sera aidé que par Angelina, la sur (la vraie) de Ousmane Gueye (le mort). Or cette Angelina fait partie du camp rebelle et se trouvait dans le maquis au moment de l’événement, et elle ne croit pas à la thèse du suicide que la famille semble avoir adoptée.
L’intrigue solidement nouée est complexe à souhait et le récit en développe toutes les phases sans qu’on en perde le fil, ce qui est une performance !
Cependant l’intérêt profond de ce texte sans prétention est ailleurs.
D’un côté, dans l’évocation très fine d’une société restée très traditionnelle dans ses murs et ses comportements quotidiens, tout en sachant s’adapter à un contexte technico-économique moderne.
D’un autre côté, par une description précise d’un conflit politique qu’on a laissé pourrir, faute d’y avoir apporté les solutions sociales adéquates. Il serait très utile de lire l’ouvrage de A-P. Markus sur la Casamance paru chez Karthala, pour compléter les informations distillées au cours du roman.
Cet ouvrage est une bonne introduction non seulement à la Casamance et aux Diolas – peuple patient, discret et plein d’humour – mais aussi aux sociétés africaines en général, où le problème, pour un occidental, est toujours de « Comprendre » – « Comprendre quoi ? » – « Comprendre » que tu ne dois pas te mettre en travers de leur route, comprendre que tu n’as rien vu ni entendu, n’est-ce pas, Cornélius ? » (p.153).
Autrement dit : rester à sa place, et ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas. Ce qui est très difficile pour un occidental
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