Dak’art 2010 : les partis pris assumés de Sylvain Sankalé

Entretien de Virginie Andriamirado avec Sylvain Sankalé

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Juriste de formation et avocat de profession, Sylvain Sankalé est par ailleurs collectionneur d’art et critique. Figure bien connue de la scène Dakaroise, il a toujours suivi de près la biennale de l’art contemporain africain dans laquelle il a été impliqué à divers titres. Il est l’un des cinq commissaires de la 9ème édition qui se déroule à Dakar jusqu’au 7 juin 2010. Commissaire pour les pays non anglophones de l’Afrique de l’Ouest dans le cadre de la sélection internationale, il a par ailleurs assuré seul le commissariat de l’exposition Rétrospective consacrée aux lauréats des précédentes éditions.

En sélectionnant des jeunes artistes pour sa neuvième édition, dont certains totalement inconnus, est-ce un défi que Dak’art 2010 s’est proposé de relever pour contrer les critiques de la précédente édition dont certaines avaient pointé un sentiment de déjà vu ?
La biennale de 2008 avait en effet suscité bien des questions et l’édition 2010 voulait montrer que malgré ces questionnements, la biennale existe toujours et peut apporter de nouvelles forces de propositions. C’est le jury qui a souverainement décidé d’aller jusqu’au bout de la thématique Rétrospective et Perspective en éliminant par principe tous les dossiers d’artistes qui avaient déjà été présentés à la Biennale dans un souci de renouvellement.
Ce renouvellement passe presque paradoxalement par un retour aux supports  » classiques « , notamment la peinture qui est assez présente dans l’exposition internationale…
Spontanément, le jury était d’accord pour dire qu’il fallait que l’on revienne aux fondamentaux de l’art visuel. Je soutiens, comme je l’ai écris dans mon texte publié dans le catalogue de la Biennale, qu’un artiste qui propose du conceptuel en mettant cinq pages d’écriture pour m’expliquer son œuvre, ce n’est plus de l’art visuel mais de la littérature. Pour la première fois dans l’histoire de la biennale, nous étions cinq commissaires africains et nous avons décidé de dire que nous sommes assez grands pour faire des choix et les assumer. Nous n’avons pas eu de pression extérieure et les choix ont été tout à fait libres et délibérés sans aucune espèce de préoccupation de répartition géographique ou autre.
Nos partis pris n’empêchent pas que la sélection comporte de la photo ou de la vidéo, il n’y a pas eu un rejet systématique de certains supports mais une volonté d’aller chercher la création là où elle se trouvait et de ne pas se contenter de sélectionner des œuvres inscrites dans les tendances actuelles.
Vous évoquez dans votre texte d’introduction au catalogue de cette édition 2010, la faiblesse de nombreux dossiers de candidature, êtes-vous inquiet quant à la relève ?
Une fois les  » aînés  » éliminés du processus de sélection, j’ai en effet trouvé que beaucoup des dossiers restants manquaient singulièrement de personnalité, d’identité et d’audace et que cela se traduisait par l’incapacité de certains artistes issus de la jeune génération à se libérer. Même si techniquement leur niveau peut-être respectable, ils n’ont pas suffisamment de folie pour se lâcher. Cela dit, et la sélection en témoigne, il y a dans le travail des jeunes des choses intéressantes. On doit noter une très grande importance de la présence de l’Afrique du Nord et de l’Afrique du Sud. Plusieurs des artistes originaires de ces zones géographiques sont venus à Dakar accompagnés de leurs galeristes qui les soutiennent. Il y a une relation qui est bien gérée entre ces artistes et les professionnels de l’art, ce qui n’existe pas chez nous où les choses ne sont pas structurées de façon professionnelle. Cet état de fait mérite peut-être réflexion.
Vous avez assuré seul le commissariat de l’exposition Rétrospective qui présente des œuvres récentes de tous les artistes ayant reçu le grand prix Léopold Sedar Senghor au cours des précédentes éditions. Que pensez-vous du chemin parcouru par ces artistes primés depuis leur prix au Dak’art ?
Les œuvres qui ont été proposées sont extrêmement fortes et je n’ai pas été déçu en les découvrant. Les artistes ont tous été très enthousiastes à l’idée participer à cette rétrospective et la plupart ont créé des œuvres pour la circonstance. Aucun des artistes lauréats de la biennale de Dakar n’est tombé dans l’oubli et le chemin qu’ils ont parcouru signifie quelque chose quant à la pertinence et à l’importance de la biennale de l’art africain contemporain.
Leurs travaux présentés dans le cadre de l’exposition Rétrospective montrent qu’ils n’ont pas été primés par défaut et la force de leurs œuvres actuelles en témoigne.
Depuis plusieurs années, à l’issue de chaque biennale, les participants sont dubitatifs quant à sa réédition. Malgré les difficultés, la biennale de Dakar perdure, même si cette édition 2010 a perdu d’important partenaires financiers comme l’Union européenne. Le rendez-vous est-il déjà pris pour la prochaine ?
Tout le monde est d’accord pour le faire. Le président de la République l’a réitéré avec force le jour de l’inauguration de cette édition (1). Je pense que c’est un signal intéressant dans la mesure où, quoiqu’il puisse arriver d’autre, la biennale de Dakar continuera.

1. Dak’art 2010 a été inaugurée le 7 mai au Théâtre Daniel Sorano
2. Président du Conseil Scientifique de Dak’art 2000 et ensuite Président du  » Comité de Réflexion sur le statut de la Biennale internationale de l’Art africain Contemporain « . Il a été désigné en qualité d’expert par le Ministère de la Culture pour une mission de  » Réflexion sur la Biennale de l’art africain contemporain 2008 « .
Dakar, Mai 2010///Article N° : 9495

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