Événements

« 2 films africains d’Olivier Zuchuat »
programmation spéciale : « Djourou une corde à ton cou » (2006) et « Au loin des villages » (2009) les 6 et 7 février au CAC Voltaire de Genève

Français

« Djourou une corde à ton cou » (2005 – 63 min.)

Samedi 6 février 2010 à 19h00 (en présence du réalisateur)
Dimanche 7 février 2010 à 14h15


Résumé

Qui paie ses dettes s’enrichit, dit le proverbe. Parfois, les proverbes se trompent : Les pays de l’Afrique subsaharienne ont emprunté des millions de dollars dans les années 70 au titre de l’aide au développement. Mais certains comme le Mali ont déjà remboursé aux pays riches plus de sept fois les montants empruntés alors que la dette restant à payer a été multipliée par quatre; la mathématique financière est parfois bien curieuse. Alors ce film – écrit à la première personne à la manière d’un essai économique – s’interroge: Qui aide qui ? Ce film convoque, comme sous un arbre à palabres, diverses paroles souvent irréconciliables: un ministre malien des finances, un expert en économie du développement, des avocats helvétiques chargés de retrouver l’argent de la dictature dans les coffres des banques suisses, des paysans planteurs de coton, un représentant du Fond Monétaire International et le spectre d’un dictateur déchu…


« Au loin des villages » (2009 – 77 min.)

Samedi 6 février 2010 à 21h00 (en présence du réalisateur)
Dimanche 7 février 2010 à 15h30


Résumé

En avril 2006, 13 000 personnes de l’ethnie Dajo se réfugient dans la plaine de Gouroukoun, à l’Est du Tchad. Tous sont des survivants de la guerre du Darfour. Ils y construisent un camp, s’y enferment et s’y inventent une survie. L’auteur s’est enfermé à son tour dans cette prison sans mur. Des images patientes racontent l’interminable temps de l’attente. Une vie au ralenti qui s’égrène, comme suspendue dans le dénuement. Des réfugiés prennent longuement la parole, des enfants dessinent des batailles, des petites filles fredonnent des chansons guerrières : un film de guerre, sans aucune image de guerre…


Quelques critiques (bienveillantes)

« Au loin des villages » (2008)

A la frontière du Tchad et du Soudan, Olivier Zuchuat a filmé les réfugiés d’un camp de la plaine de Gouroukon. Loin du monde, loin de leurs villages, ils attendent, sans y croire, que le conflit se dénoue. Installé deux mois auprès d’eux, le cinéaste suisse les a approché avec une grande pudeur, une grande rigueur, pour en tirer un film de toute beauté. (Laurent Rigoulet – Télérama, 6 juillet 2008)

A travers la parole des habitants, qu’il magnifie dans un dispositif de plans fixes solennels et splendides, Olivier Zuchuat transforme leurs témoignages, leur souffrance infinie, en un récit aux accents mythologiques… Filmés comme des rois, les protagonistes deviennent, dans ce beau film (qui fut présenté cette année au FID de Marseille), les héros d’une tragédie universelle. (Isabelle Régnier, Le Monde, nov. 2009).

Ce qui rend si puissant ce documentaire à la mise en scène imparable et rigoureuse, c’est son sens du temps de l’attente (celle d’un improbable retour), son attention portée à l’essentiel et son absolu refus du spectaculaire. (DRB – Première, Nov. 2009).

En maintenant hors champ la guerre qui bat son plein à quelques dizaines de kilomètres, Au loin des villages fait ressentir avec une certaine force l’abandon politique d’une ethnie tout entière. (Charlotte Garson, les Cahiers du cinéma, nov 2009)

Les films, les véritables films – ceux où les qualités propre de l’art du cinéma participent du travail de perception sensible du monde – sont parmi les meilleurs moyens, sinon le meilleur d’entre tous, pour rendre visible ce que l’intérêt de certains et l’indifférence de presque tous laisse dans l’obscurité. Au loin des villages le prouve: les Dajo du camp de Gouroukoum sont « invisibles », comme tant d’autres, jusqu’au jour où avec exigence et une infinie sensibilité un cinéaste, Olivier Zuchuat, entreprend de les regarder. (…) Veiller au grain. En plans presque tous regardant frontalement ceux qui survivent dans ce camp, ceux qui racontent, ceux qui expliquent – uniquement des réfugiés, sans un mot de commentaire, par la présence physique et par la voix, c’est une réalité qui prend corps. Admirable travail du cinéma lorsqu’il sait construire sa véritable place, puissance sans égale dont on sait aujourd’hui que Shoah de Claude Lanzmann fut il y a près de 30 ans l’acte décisif, exemplaire sinon fondateur. Du cinéma, un art du cadre et de la durée, une préséance au « grain » – le grain de la peau de chacun, le grain de la voix, le grain de sable différent de tous les autres, le grain de riz ou de millet qui sauve (et le sac de grains des ONG, nourricier et humiliant à la fois). (Jean-Michel Frodon, slate blog 2009)

Evitant le tempo du reportage au profit d’une observation et d’une écoute calme des hommes et des femmes témoins de meurtres ou victimes d’atrocités (comme cet homme dont les yeux ont été arrachés au couteau), le film lutte contre l’accélération médiatique et la désinvolture humaine qu’elle induit en offrant une impression d’immersion dans le quotidien de ce camp où tout manque. (Didier Péron – Libération, 2 juillet 2008).

Le film impressionne par sa précision et la rigueur de ses partis pris formels. (Norbert Creutz, Le Temps, 29 avril 2009)

Une œuvre rare qui sans jamais imposer un point de vue occidental, fait entendre ce que personne n’écoute. Un film de guerre sans image de guerre. (Mathieu Loewer, le Courrier, 2 mai 2009)


« Djourou, une corde à ton cou » (2005)

Olivier Zuchuat fracasse en douceur les certitudes. Questionne plutôt qu’il n’assène. Avec un vrai regard sur le mal-développement. Qui écorche les tiers-mondistes béats, étripe les laudateurs de la mondialisation. Un bijou aussi visuellement mal poli qu’il est politiquement malpoli. (Christian Losson – Libération, 8 juin 2005)

Sobrement, Olivier Zuchuat réussit à signer un film passionnant en dissociant images et son… Le texte qu’Olivier Zuchuat lit en voix off a de son côté la qualité d’être brillant et explicite, caustique à l’encontre de l' »implacable mathématique » des puissants, égayé de références littéraires qui vont d’un haïku d’Henri Michaux à une phrase de Jacques Derrida. (Jean-Luc Douin – Le Monde, 8 juin 2005)

Réalisé par un ex-mathématicien, le film explique avec une logique sèche les méandres d’une politique mondialiste qui mise sur la dette pour appauvrir les pauvres et enrichir les riches. Constat éclairant et désespérant. (Pierre Murat – Télérama, 8 juin 2005)

Quelque part entre « Le Cauchemar de Darwin » de l’Autrichien Hubert Sauper, « Congo River » du Belge Thierry Michel et « Bamako » du Mauritanien Abderrahmane Sissako, voici peut-être l’exposé le plus convaincant des maux de l’Afrique d’aujourd’hui.
Norbert Creutz – Le Temps, 8 décembre 2006
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