Événements

La Bouche du Roi
installation de Romuald Hazoumé

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Le musée du quai Branly est l’héritier engagé des anthropologues et des artistes européens, qui se sont rassemblés derrière le manifeste pour que « les chefs-d’oeuvre du monde entier naissent libres et égaux ».
Poursuivant cette démarche de reconnaissance des cultures d’Asie, d’Afrique, d’Océanie et des Amériques, le musée ménage une place à part entière à l’art contemporain.

Pour sa première exposition temporaire d’art contemporain, le Foyer du théâtre Claude Lévi-Strauss accueille La Bouche du Roi, une installation de l’artiste béninois Romuald Hazoumé, plaidoyer contre la traite négrière mais aussi réflexion sur la mondialisation et l’Afrique contemporaine. Germain Viatte est le commissaire de l’exposition.

A bord de la galère
L’installation consiste en 304 bidons d’essence formant la coque d’une immense galère. Chacun des bidons est identifiable, « personnalisé », et représente un masque symbolisant un esclave déporté d’Afrique. Romuald Hazoumé s’est inspiré d’une célèbre gravure du XIXe siècle : un dessin d’un bateau négrier en plan de coupe montrant comment les esclaves sont « disposés » dans les soutes.
A la proue de ce navire symbolique figurent deux « masques » à part : ils représentent le roi du Bénin et « le Chacha », régent nommé au Bénin pendant la période coloniale et chef de Ouidah (un des plus grands ports
négriers de l’Afrique de l’Ouest). Ce duo symbolise la complicité des Européens et de certains Africains dans le développement de la traite négrière.

Le chant des esclaves
Au sein de l’installation, l’objet rejoint la parole grâce à la restitution d’un fond sonore qui semble émaner des masques eux-mêmes. Dans le foyer du théâtre Claude Lévi-Strauss résonne une litanie de noms d’esclaves et une improvisation de chants alternés en cinq langues du centre et du sud du Bénin : Yoruba, Idaacha, Mahi, Mina et Holli, des « Lamentations » ou implorations afin que cesse la souffrance de ces hommes qui « ne savent pas où ils vont ».
L’installation donne alors vie à ces nombreux masques-bidons et transporte, par ces chants, au coeur d’un bateau négrier.
Du côté où sont entendus les noms d’esclaves, des odeurs subtiles sont diffusées : café, cumin, clou de girofle…
Du côté des lamentations, sortent des odeurs d’urine, de matière fécale ou de poisson pourri, pour refléter les conditions endurées par les esclaves.

Un dispositif vidéo
Romuald Hazoumé a travaillé sur La Bouche du Roi en filmant régulièrement les trafiquants dans leurs gestes
quotidiens. Ils vont au marché, achètent des bidons, y mettent de l’essence, cette essence utilisée par la population béninoise.
Le film de 7 minutes accompagne l’installation et joue sur la métaphore avec le bateau négrier en montrant comment les bidons sont transportés dans des barques pour traverser le fleuve, la promiscuité, l’entassement pendant le voyage. « Des bidons se percent, on est obligé de les rafistoler, on est obligé de les jeter, on fuit la douane. C’est toute une vie autour de l’objet bidon. Et cet objet bidon devient l’esclave d’aujourd’hui. »
Romuald Hazoumé

Le projet
Au coeur des principes de La Bouche du Roi, il y a cette volonté de jouer avec la métaphore de l’esclavage. Les bidons de transport d’essence utilisés font partie du paysage béninois que Romuald Hazoumé a su observer,
photographier, étudier. Il compare le traitement des bidons à celui des esclaves.
Ils deviennent objets de trafic, esclaves d’aujourd’hui. Romuald Hazoumé montre alors qu’une nouvelle forme d’esclavage est née dans le monde. Elle est liée avant tout à des enjeux économiques, et plus particulièrement
à une denrée précieuse, source du travail des Béninois : le pétrole. Des centaines de litres accumulés dans des bidons, véritables bombes en puissance, sont ainsi transportés régulièrement par des hommes en mobylettes.
C’est autour d’eux, que Romuald Hazoumé appelle des « héros de la survie », que s’est construite La Bouche du Roi.
Le titre de l’installation, « La Bouche du Roi », vient du nom de l’estuaire du fleuve Mono que les Portugais ont appelé « a boca do rio » (l’embouchure du fleuve). Plus tard, les Français ont transformé cette appellation en
« bouche du roi », « par ignorance » dit Romuald Hazoumé.


Informations pratiques – Accès à l’exposition
Le billet d’entrée pour le plateau des collections du musée permet d’accéder à l’installation de Romuald Hazoumé dans le foyer du théâtre Claude Lévi-Strauss. Elle est également visible depuis le jardin, derrière le théâtre de verdure.
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