Des centaines de drapeaux américains, dès le lendemain de l’attentat, ont commencé à envahir New York. Une même ferveur patriote spontanée règne dans les rues de Harlem, le plus vaste ghetto noir des Etats-Unis, dont il était possible d’apercevoir la fumée le jour du drame. Les drapeaux y sont tout aussi présents. A Harlem comme dans le reste de New York, bien qu’avec sa spécificité, un élan religieux s’est également emparé des habitants : messes en hommage au victimes, veillées, appels à la prière collective, regroupement de bougies en plein air sur des places ou dans des parcs
Habituellement replié de facto sur lui-même en marge de Manhattan, en proie à une large exclusion sociale et raciale, le ghetto noir de New York a d’une certaine manière rejoint le reste des Etats-Unis à l’occasion de l’attentat.
Un jeune Ivoirien – non musulman – portant un petit chapeau sur la tête raconte s’être fait interpeller le soir du drame dans une rue de Harlem par un Africain Américain qui lui a lancé sur un ton mi-moqueur mi-agressif : « Juif ou musulman ? ». Cet Ivoirien avoue avoir ôté son chapeau juste après l’incident et ne plus oser le reporter depuis. Une Sénégalaise explique quant à elle comment sa mère, résidant en Europe, lui a conseillé de ne plus porter de foulard. Un autre Africain explique se sentir oppressé par les arrestations policières en série, se demandant s’il ne va pas rentrer bientôt « au pays ». Comme celles de l’ensemble des Etats-Unis, la Mosquée de Harlem, située à « Little Sénégal », un quartier à majorité africaine, a reçu de nombreuses menaces.
Africaine Américaine résidant à Harlem, Carolyn raconte que « ce qui vient de se passer est horrible » et que « tout le monde est sous le choc. Il y a tous ces gens que l’on ne retrouve pas
J’ai moi-même une amie qui travaillait au World Trade Center et qui a disparu
En même temps, poursuit-elle, je me dis que ce qui nous est arrivé aurait pu arriver n’importe où dans le monde, alors pourquoi pas aux Etats-Unis ? » Et d’évoquer l’arrogance des Etats-Unis : « Vu ce que les Américains ont fait à certains peuples, je ne suis quelque part pas étonnée qu’un geste aussi haineux ait pu survenir. Malheureusement, on ne parle pas de cela dans les grands journaux. On ne cherche pas à connaître l’origine d’une telle haine envers les Etats-Unis. On ne trouve de tels commentaires que dans la presse minoritaire ». « Ce qui me choque aussi, ajoute Carolyn, c’est qu’il y a tout plein de drames horribles qui se passent ailleurs qu’aux Etats-Unis. Mais est-ce qu’on en parle autant ? Est-ce qu’on témoigne d’autant de solidarité à travers la planète lorsqu’il se passe quelque chose d’horrible en Afrique par exemple ? »
Cherchant à comprendre les raisons profondes de l’exercice d’une telle violence à l’égard des Etats-Unis, le Révérend Jesse Jackson a évoqué « l’échec des Etats-Unis à entretenir des relations importantes avec quiconque s’oppose à Israël dans le conflit du Moyen Orient », expliquant que quelque part cet échec « rend le pays vulnérable et susceptible d’être la cible d’attaques comme celle qui vient de se produire. » Et de préciser : « Notre propension à l’isolationnisme nous rend encore plus vulnérables et susceptibles d’être l’objet d’actes hostiles ».
Le Révérend Grayland Hagler, pasteur de la Plymouth Congregational Church à Northeast D.C., a quant à lui déclaré : « C’est un véritable ravage qui nous a frappé. Mais pourquoi avons-nous ainsi été pris au dépourvu ? Pourquoi avons-nous été surpris ? Les armes américaines sont utilisées contre les Palestiniens en Israël. Notre propre refus de participer à la Conférence Mondiale sur le Racisme et de dénoncer ce qui nous met à l’écart est une preuve de l’arrogance américaine. » Et de rappeler que « Lorsque nous provoquons des ravages dans d’autres endroits, nous appelons cela ‘dégâts collatéraux.’ Des vies sont détruites, et nous continuons quand même. Rien ne change. C’est peut être politiquement incorrect de le dire ainsi, mais pour reprendre les mots de Malcolm X, ‘ça s’est retourné contre nous, comme un boomerang' »
Dans la même veine, Joseph E. Lowery, président du Forum du Leadership Noir et ancien bras droit de Martin Luther King Jr. a expliqué : « On a semé le vent et maintenant on récolte le tourbillon ». Dressant le constat que les Américains vivent dans un pays de plus en plus violent, Joseph E. Lowery a déploré : « Nous avons fait de la violence un moyen légitime pour solutionner les problèmes. (
) Nous donnons l’exemple aux Etats-Unis. Comme en Libye et en Chine, nous utilisons encore la peine de mort, nous remplissons nos prisons, mais sans avoir l’air de nous préoccuper du fait que la violence engendre la violence ».
///Article N° : 48