Mozambicain d’origine, arrivé au Portugal à l’âge de deux ans et des poussières, le général auto-proclamé du hip hop lusophone naissant fait partie de ce qu’on a appelé la seconde génération des Africains de Lisbonne. Subtil et engagé, hardcore et dansant, roots et ouvert sur le monde, son dernier album titille les charts européens et salue la rap connection africaine (de Dakar à Soweto, en passant par Maputo et Luanda). Quatorze titres qui se succèdent à la manière haletante du » vous en voulez ? Je vous en donne ! « . Le général s’amuse, s’énerve, s’installe et laisse rugir sa colère longtemps contenue. On retiendra entre autres moments importants ce rituel du début avec les éléments de la nature qui se déchaînent, la complainte swahili d’Africa Nossa, l’harmonica et le kavakinho du cap-verdien Paulino Vieira, la trompette obsessionnelle de Nuno et la fureur non contenue de la negra family (les habitués du possee), les choeurs d’Afrique australe ou bien ce clin d’il marqué à l’univers pop des tablas indiens, le sax doux et mélancolique d’Otis ou encore la guitare légèrement bluesy (ou peut-être soul ?) qui arrache les premières notes d’Ekos do passados. A moins que ce soient les basses bien lourdes et la batterie qui clashe façon sound system, à côté d’un air de funana ou de tassou qui nous aient ému.
Général D. s’en tire en tous cas très bien. Il utilise peu de samplers et préfère intégrer des voix et des instruments traditionnels à la place. Sa spécificité tient au fait qu’il régénère en permanence son hip hop, en allant (surtout) puiser des sons dans le patrimoine musical africain. C’est ainsi qu’il invite ses frères des cités immigrées de la capitale portugaise sur ces disques pour garder une certaine authenticité à sa musique. C’est ce qui explique par exemple les airs de Funana sur son beat musclé façon jungle urbaine. Et c’est ce qui le distingue des autres rappeurs. Quant à la thématique engagée de ses textes, elle tourne autour de la conscience noire, du combat contre le racisme et de la quête identitaire. Parce que le choix du hip hop comme moyen d’expression (il a commencé il y a sept ans environ) correspondait chez lui avant tout à un moment difficile de sa vie : c’était l’époque des premières interrogations sur ses origines à cause du racisme ambiant.
» Je n’avais plus de repères, plus de références par rapport à ma culture d’origine. J’avais du mal aussi à m’adapter à cette société occidentale dans laquelle je vivais, mais dont la culture n’était pas vraiment la mienne au départ. Cette société me poussait à m’intégrer, mais j’était réticent. A cause du rejet. A cause du racisme. Et c’est à travers le hip hop que j’ai compris que je n’étais pas obligé de m’intégrer, que j’avais le choix et que mes références culturelles pouvaient ne pas être les mêmes que celles de mes amis blancs « . A l’époque, il a entendu parler de gens comme Marcus Garvey, Malcolm X, Mandela. Il s’est mis alors à fureter partout, à la recherche de tout ce qui pouvait le rapprocher de la notion de conscience noire. Il a ensuite raccordé le cordon ombilical au bon endroit, avec l’aide de ses proches dans la communauté africano-lusophone de Lisbonne, histoire de retrouver ses racines. » Il me fallait retrouver ma propre culture d’origine, me ressourcer, avant de pouvoir tenter autre chose « . Résultat : un rap authentique, déclaré sans concession, mais qui n’exclut personne.
Kanimambo, de Général D. (EMI)///Article N° : 257