Pour la première fois dans l’histoire de la République, l’Assemblée Nationale s’intéresse aux immigrés âgés. Voté à l’unanimité et présenté le 3 juillet 2013 par Alexis Bachelay, un rapport parlementaire s’empare de cette problématique.
Le 18 novembre 2012, loin du Palais Bourbon, Claude Bartolone visitait le premier foyer de travailleurs migrants construit en Seine-Saint-Denis en 1959. Dans la foulée, il annonçait la création d’une mission d’information sur les immigrés âgés. « Il y avait urgence à agir » assène Alexis Bachelay, rapporteur de la mission. Avec d’autres parlementaires, ce député socialiste des Hauts-de-Seine s’est attelé à décrypter les situations des immigrés âgés. Après six mois d’auditions et de déplacements en France, au Maroc et en Algérie, ils remettent un rapport de qualité mais dont la force de proposition laisse associations et experts songeurs.
« Toute la difficulté de la mission était de ne pas se focaliser sur les immigrés des foyers », reconnaît Alexis Bachelay. Parmi les 800 000 immigrés âgés de plus de 55 ans en France, 10 % vivent dans un foyer de travailleur migrant. Aussi, à la demande de nombreux acteurs associatifs, la mission s’est attardée sur la situation des femmes qui vieillissent dans le logement diffus. « Les premières Chibanias (1) sont arrivées avec le regroupement familial et n’ont jamais travaillé. Une fois arrivées à la retraite, elles n’ont plus de ressources », insiste Omar Samaoli, directeur de l’Observatoire gérontologique des migrations en France.
Globalement, les associations sont rassurées du regard bienveillant que ce rapport introduit au sein des politiques publiques, en rupture avec « un climat de maltraitance sous le gouvernement précèdent » remarque Antoine Math, juriste au GISTI (2). Omar Samaoli voit même se dessiner une « nouvelle philosophie. Le discours politique est mis à plat : on ne parle plus de coupables, de fraudeurs, mais de victimes dont les droits sont spoliés« .
Le rapport est apprécié comme un élément de reconnaissance et de transmission de l’histoire des immigrés venus offrir leur force de travail au prix de leur santé. Toutefois s’il reflète une position courageuse de parlementaires, une partie du rapport ne fait que demander aux administrations de respecter les personnes et de les faire bénéficier de leurs droits. « Les 38 propositions manquent d’ambition dans un contexte d’austérité budgétaire », déplore Antoine Math. « Quand on a 60 ans, on n’a rien à faire dans un foyer » s’inquiète aussi Omar Samaoli. Pouvoir vieillir auprès de sa famille, accéder au logement social et naviguer librement entre deux pays d’attache, telles sont les considérations essentielles. Or, lorsque le rapport évoque un « assouplissement » du regroupement familial, il ne montre pas plus d’audace quant à la liberté de circulation. Présentée comme une mesure phare, l’ARFS (allocation de réinsertion familiale et sociale) (3) ne concerne qu’une petite partie des immigrés qui habitent en foyers.
« Il faudra que l’État prenne ses responsabilités » insiste Alexis Bachelay. Ce jeune député tient à assumer sur la durée son rôle d’alerte, d’évaluation et de contrôle auprès des administrations. De concert, Omar Samaoli réfléchit à la création d’un groupe d’expertise qui veillera à ce que l’enthousiasme du rapport ne s’essouffle pas.
1. Dérivé de : cheveux blancs en arabe dialectal
2. GISTI : Groupe d’information et de soutien des immigrés. Plus d’info [ici]
3. L’ARFS, mesure phare du rapport L’ARFS (allocation de réinsertion familiale et sociale) doit permettre de compenser la perte du minimum vieillesse et de l’aide au logement pour ceux qui souhaitent vivre dans leurs pays d’origine. Au-delà de 6 mois d’absence, ils perdent en effet ces droits. Déjà votée en 2007 mais jamais mise en uvre, cette mesure est recyclée par la ministre des affaires sociales Marie-Sol Tourraine qui a promis l’application des décrets avant la fin de l’année.///Article N° : 11805